• Lâché par tous, la descente aux enfers de Patrick Buisson

     
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    Lâché par tous, la descente aux enfers

    de Patrick Buisson

    lien Le Nouvel Observateur


    <time style="margin: 0px; padding: 0.6em 1em; border: 0px; list-style: none; vertical-align: top; display: inline-block; width: 19em; font-size: 0.75em; font-family: Arial, Helvetica, sans-serif; box-sizing: border-box;">Publié le 16-03-2014 à 18h00</time>

    Ancien proche de Nicolas Sarkozy, cet ex-journaliste d'extrême droite vendait ses conseils et sondages au prix fort. Accusé d'avoir espionné son prestigieux client, le voilà rejeté de tous.

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    <figure id="ultimedia_image" style="margin: 0px; padding: 0px; border: 0px; list-style: none; box-sizing: border-box;">Patrick Buisson a enregistré Nicolas Sarkozy à plusieurs reprises pendant son quinquennat. (AFP PHOTO MIGUEL MEDINA)Patrick Buisson a enregistré Nicolas Sarkozy à plusieurs reprises pendant son quinquennat. (AFP PHOTO MIGUEL MEDINA)</figure>
    <aside class="top-outils" style="margin: 0px 0px 1.5em; padding: 0.5em 0px; border-width: 0px 0px 1px; border-bottom-style: solid; border-bottom-color: rgb(204, 204, 204); list-style: none; box-sizing: border-box;">
    </aside><aside class="inside-art" style="margin: 0px 0px 0px 1em; padding: 0px; border: 0px; list-style: none; width: 200px; float: right; box-sizing: border-box;"><section class="social-buttons js-share-tools" style="margin: 0px; padding: 0px 0px 1em; border: 0px; list-style: none; box-sizing: border-box;"><header style="margin: 0px; padding: 0px; border: 0px; list-style: none; font-size: 0.8em; font-family: raleway-medium, sans-serif; text-transform: uppercase; box-sizing: border-box;">PARTAGER</header>
     
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    Un homme fuit, le souffle court, chapeau noir vissé sur la tête, dans les sombres ruelles des Sables-d'Olonne. Ce soir-là, dans l'oeil de la caméra, la paisible station balnéaire a des airs de cité maléfique. Un mauvais remake de "M le Maudit" ? Non, Patrick Buissonpourchassé par un journaliste d'i>Télé... "Vous utilisez des méthodes de gestapistes et de voyous", lance, en accélérant le pas, le conseiller de l'ancien président. Puis avant de s'engouffrer enfin dans sa voiture pour filer dans la nuit vendéenne, il lâche, le visage blême : "Vous savez que vous faites le métier le plus méprisé des Français, vous en avez conscience ?"...

     

    Saisissante mise en abyme. Patrick Buisson, l'ex-"facho" brandissant l'insulte nazie. Le "serial enregistreur", dénonçant l'oeil inquisiteur des médias. L'ancien journaliste crachant sur une profession qu'il a transformée en marchepied pour approcher les plus hautes sphères du pouvoir. Mais voilà que la mécanique s'est grippée. Machiavel est tombé dans son propre piège. Puni par là où il a péché ? 

    Dans cette affaire, on ne peut accuser ni la gauche ni les juges, soupire son ami François d'Orcival, pilier de "Valeurs actuelles".

    C'est "un tout petit cercle" qui est à la manoeuvre. "On est là presque dans le domaine du roman." Cruel paradoxe : Buisson, l'intellectuel cadenassé qui ne laissait rien transparaître de son intimité serait simplement la "victime" d'obscurs règlements de comptes au sein de sa "sphère privée". C'est une manière de raconter l'histoire.

    Ainsi, la semaine dernière, Patrick Buisson lâchait au "Nouvel Observateur" : "C'est vrai, on m'a dérobé deux ou trois fichiers." Il parlait de ce fric-frac qui mettait la République en émoi comme d'un simple vol à la tire : "J'ai ma petite idée sur qui a commis ce larcin" !

    Espion ? Maître chanteur ?

    Ses porte-parole officieux, eux, s'activaient pour orienter les soupçons vers d'"anciens collaborateurs" du conseiller "du temps où il était journaliste". Espéraient-ils faire oublier le scandale ? Témoin de conversations confidentielles, dont certaines touchant à la sécurité de l'Etat, Patrick Buisson a fait tourner à plein régime son dictaphone. Le conseiller, adoubé par le chef de l'Etat, s'est mué en... quoi ? Futur mémorialiste du quinquennat Sarkozy ? Espion ? Eventuel maître chanteur ?

    "Patrick Buisson a fait beaucoup de mal à beaucoup de gens", est venu dire son fils, Georges, sur le plateau du "Grand Journal" de Canal+ en début de semaine. A demi-mot, à la télévision, il a indiqué une piste qu'il a explicitée lors d'autres confidences moins médiatiques. Son père a trop intrigué. Il s'est trop vanté de "tenir" untel ou untel, devant les proches qu'il croyait acquis à sa cause. Aujourd'hui, il en paie le prix. 

    Je connais Buisson depuis longtemps, raconte Jean-Sébastien Ferjou, directeur du site Atlantico qui, avec "le Canard enchaîné", a publié des extraits de ces stupéfiants enregistrements. Il m'a d'abord bluffé, comme beaucoup d'autres. Et puis j'ai entrevu sa face noire. Fallait-il le laisser étendre son emprise ? Avec d'autres confrères, j'ai fait mon travail de journaliste en dévoilant jusqu'où il pouvait aller."

    C'est à la fin des années 1990, dans les locaux de LCI, la chaîne d'information continue de TF1, que s'est noué, en partie, le "drame" qui se joue aujourd'hui. Jean-Sébastien Ferjoux est alors l'assistant de David Pujadas, présentateur vedette et créateur, en 2000, de l'émission "100% Politique" qu'il co-anime avec un certain... Patrick Buisson. Le "politologue" officie déjà depuis quelques années sur LCI. 

    "Un jour, se souvient un vétéran de la chaîne, on a vu débarquer un type bizarre qui ne disait bonjour à personne. Jean-Claude Dassier, notre directeur, nous a dit : 'C'est un type formidable je le mets à l'antenne.'" Dassier confirme : "Patrick voulait faire des analyses d'opinion à la télé. Il connaissait tous les sondeurs et me les amenait sans que j'aie besoin de les payer."

    "Minute", OAS, Le Pen...

    Les journalistes de LCI ont un peu tiqué. Après avoir oeuvré à "Minute" (de 1981 à 1987), publié avec d'anciens activistes d'extrême droite un livre à la gloire de l'OAS ou un album photographique dédié à Le Pen, Buisson a à peine mis de l'eau dans son vin en passant par le très "réac" mais bien plus présentable "Valeurs actuelles". Mais il est suffisamment malin pour masquer ses emballements, sous une habile expertise, truffée de pourcentages, sa nouvelle marotte. Exactement le "profil" recherché par Jean- Claude Dassier (aujourd'hui vice-président... de "Valeurs actuelles"). A l'écran, Buisson fait des merveilles. Très vite, Pujadas le trouve "brillant".

    "Pendant toutes ces années où je l'ai côtoyé, plaide Ferjou, jamais je ne l'ai entendu déraper. Ce n'est qu'après que j'ai vu le vernis se craqueler." Les experts "en opinion" semblent eux aussi n'avoir rien décelé. Pendant près de dix ans, toutes couleurs politiques confondues, ils ont défilé dans les émissions de Buisson. Seuls Laurence Parisot, de l'Ifop, et Roland Cayrol, de l'institut CSA, ont refusé de débattre avec lui. 

    "C'était flagrant, souligne l'ex-patronne du Medef, sa pensée portait le sceau de l'extrême droite." "Tout le monde le savait et tout le monde faisait semblant de ne pas le voir", ajoute Cayrol. Y compris Nicolas Sarkozy. "Tu m'emmerdes, c'est lui qui m'a fait gagner", a souvent dit l'ex-président au sondeur de CSA qui refusait toujours, après la victoire de 2007, de rencontrer celui qui était devenu l'un des plus influents conseillers du Château.

    "Je suis monarchiste"

    Le parcours de Buisson ne laisse pas d'étonner. De la rédaction de "Minute" au sommet du pouvoir. Avec la télé pour sas de décontamination, et sans finalement renier ses convictions. "Moi, je suis le fils d'un Camelot du roi. Je suis monarchiste, je suis royaliste", l'entend-on fanfaronner sur l'un de ses enregistrements. Sur LCI, il a "blanchi" ses origines idéologiques et élargi ses réseaux, n'hésitant pas à cumuler les casquettes. Dès la fin des années 1990, tout en étant salarié de TF1, il monte une société de conseil Publifact, chargée, notamment, de commander des enquêtes d'opinion aux instituts de sondage. 

    Entre nous, on appelait sa boîte Publifoutaises", raconte aujourd'hui un initié que la chute du "gourou" a rendu bavard. 

    Buisson se pliait en quatre pour satisfaire ses clients : il sélectionnait les questions susceptibles d'obtenir des réponses positives et sculptait une image toujours flatteuse. Alain Madelin, qui fit appel à ses services pour la présidentielle de 2002, jure qu'il ne s'est pas "laissé prendre". "Avec ses références historiques, Buisson ne fascine que la droite inculte." François Bayrou, qui l'a mandaté "pour seulement un sondage en 2004", qualifie aujourd'hui Publifact d'"officine".

    Cette petite entreprise, qui a fait la fortune de Patrick Buisson, risque en effet d'entraîner sa descente aux enfers. Depuis la fin de l'année 2012, la justice enquête sur le lucratif marché que lui a octroyé l'Elysée. Tout au long du quinquennat, Buisson a touché plus de 3,3 millions d'euros pour les sondages qu'il a simplement commandés via Publifact et en guise de rémunération pour sa fonction de conseiller. Sans compter son salaire de directeur de la chaîne Histoire, filiale de TF1, où il a, de plus, fait embaucher son fils Georges.

    La légende officielle raconte que le valeureux Buisson a abandonné son poste de commentateur politique impossible à tenir après la victoire de son champion et que, pour "rester libre", il a refusé le poste officiel offert par l'Elysée. La liberté, en l'occurrence, avait bien des avantages : un contrat pour Publifact, une place en or dans le groupe Bouygues et, en prime, l'aura du "gourou" sans entrave.

    Artisan du virage à droite

    Longtemps, tout a semblé réussir à Patrick Buisson. La Cour des Comptes avait bien dénoncé dès 2009 les privilèges "exorbitants" accordés à sa société. Mais le parquet multipliait les obstacles pour ralentir l'enquête. Il aura fallu l'arrivée de la gauche au pouvoir pour que les juges commencent véritablement leurs investigations, toujours en cours. Entre-temps, Buisson a continué à tailler sa route, presque comme si de rien n'était, tout en actionnant - folle imprudence ou sage précaution - son dictaphone. Et en chuchotant de plus belle à l'oreille du président à l'approche de 2012. Le virage à droite dans les derniers mois de la campagne ? Il en est l'artisan évidemment. Il ne s'en cache pas, il le clame dès qu'il le peut. Il n'aime rien tant qu'apparaître en deus ex machina.

    Ainsi, il a longtemps fait croire qu'il "contrôlait" Jean-Sébastien Ferjou. Notamment quand, en 2011, le jeune journaliste qu'il avait vu faire ses armes à LCI a créé le site Atlantico, résolument libéral et ouvertement à droite. "Bien sûr j'en ai parlé avec lui. Mais il n'a jamais servi d'intermédiaire auprès d'investisseurs potentiels, contrairement à ce qu'il raconte partout", affirme Ferjou qui assure avoir par la suite essuyé les remontrances du conseiller.

    "A son goût, Atlantico n'était pas assez sarkozyste." Ni surtout assez "buissonnien". Une tentative de rachat par "le Figaro" a même été un temps imaginée, depuis l'Elysée, en pleine campagne présidentielle, pour faire rentrer le site dans le rang. Ferjou a résisté. Sa brouille avec Buisson s'est envenimée. Tandis que, pour l'éminence grise de la sarkozie, un autre orage grondait au sein de sa propre famille, cette fois.

    Querelle père-fils

    En décembre 2012, Georges Buisson s'est battu avec son père dans les locaux de la chaîne Histoire. La sécurité a dû intervenir. Les échos de la rixe sont remontés jusqu'à Laurent Solly l'un des dirigeants du groupe. C'est lui qui avait présenté Buisson à Sarkozy quand il était son chef de cabinet à Bercy. Le monde est petit. "Georges" en tout cas n'a pas eu raison de "Patrick". Il a dû quitter la chaîne Histoire et a été "exfiltré" à Stylia, la chaîne de TF1 consacrée à l'art de vivre. L'objet de la dispute entre les deux hommes ? Le fils s'en est expliqué récemment : il reproche à son père de l'avoir impliqué dans l'imbroglio de Publifact, au moment où la Cour des Comptes montrait les dents. A cela vient s'ajouter un confit financier : Georges Buisson dit détenir 40% des parts de Publifact, il en réclame le rachat et a porté le différend devant la justice. Evidemment cette violente querelle n'est pas restée secrète.

    Jean-Michel Goudard, l'ex-publicitaire, a "vu Buisson pleurer en évoquant son fils". Un autre sarkozyste dépeint Georges "en être vulnérable et manipulé par ceux qui veulent détruire son père". Georges Buisson a, en tout cas, fait entendre sa voix. Auprès de politiques, de hauts cadres de TF1 ou de policiers qui l'ont auditionné dans le dossier Publifact et ont recueilli son témoignage sur l'espionnite de son père. Auprès aussi de journalistes.


    Patrick Buisson s'est constitué des assurances-vie en montant des dossiers sur les gens pour lesquels il travaille, y compris Sarkozy", racontait-il au "JDD", voilà déjà huit mois.

    A peu près au même moment, il faisait paraître une longue tribune dans "le Point". Lui qu'on surnommait, à la chaîne Histoire, le "muet du sérail" y fustigeait l'intransigeance de son père sur le mariage pour tous, et moquait ses sempiternelles leçons, demandant où était la charité chrétienne dans "l'affaire des sondages de l'Elysée". Patrick Buisson, qui venait de perdre son frère et s'apprêtait à se rendre aux obsèques, en avait été mortifié.

    Comme si cela ne suffisait pas, il venait de se séparer quelque mois plus tôt de sa plus proche collaboratrice, Pauline de Préval, fidèle assistante des années LCI, puis de la chaîne Histoire. Une rupture dans la douleur tant leur relation, disent tous ceux qui les connaissent, était "fusionnelle". C'est à elle que l'historien avait dédié sa somme sur la sexualité sous l'Occupation ("1940-1945 Années érotiques") où il célébrait, entre autres, la "beauté païenne" "et la "magnificence" des soldats allemands : "A Pauline de Préval, vestale héroïque de ces années érotiques dont elle a su entretenir la flamme par gros temps".

    Fêlure intime

    L'héroïsme, hélas, n'est pas éternel. Et la "vestale" a fini par se rebeller. Pour négocier son départ de la chaîne Histoire, la jeune femme a fait appel à MeRodolphe Bosselut, "spécialisé dans la défense des victimes de secte". Enfin, Pauline de Préval est aussi une amie de Jean-Sébastien Ferjou, rencontré à LCI. De là à la soupçonner d'avoir transmis les enregistrements au site Atlantico, il y a un gouffre que les partisans de Buisson n'ont pas hésité à franchir en la montrant du doigt. "Je poursuivrai tous ceux qui accusent ma cliente" prévient Me Bosselut.

    Finalement, explique un enquêteur chargé de l'affaire des sondages, Buisson a dressé contre lui nombre de ses proches. Ceux qui sont apparus çà et là ces dernières semaines, comme d'autres restés dans l'ombre." 

    A la fêlure intime vient aujourd'hui s'ajouter le désastre politique. La sarkozie hurle à la trahison. "Ce qu'il a fait est abject. Dire que j'étais assis à côté de lui tous les soirs", frémit Jean-Michel Goudard, l'ancien publicitaire qui conseilla lui aussi, mais sans être rémunéré, l'ex-chef de l'Etat. Au sortir des réunions, il raccompagnait souvent Patrick Buisson en voiture jusqu'à son domicile. Même là, le dictaphone continuait à tourner, comme l'ont révélé les extraits publiés dans la presse : "Toi t'es pas gaulliste, t'es comme papa", se moquait parfois Goudard. Ou, raconte-t-il aujourd'hui à "l'Obs" : "T'es un gros facho. On ne travaille pas à 'Minute' si on n'est pas facho." Après les réunions, on a bien le droit de rire un peu.

    Perte d'influence

    Combien d'autres instants de "camaraderie" Buisson a-t-il gravés sur ses fichiers informatiques ?... Autre extrait dévoilé par "le Canard" : "Etienne, je viens de quitter le président. Je te donne deux trois choses." Cette fois, Buisson est arrivé chez lui. Il parle au téléphone et il enregistre toujours ! C'est pour dire à "Etienne" (Mougeotte), le patron du "Figaro", qu'il est prié de faire passer dans son journal la ligne qui vient d'être concoctée dans le salon vert.
    C'est sans doute la perte (momentanée ?) de cette influence qui chagrine le plus Patrick Buisson. Avant l'affaire des enregistrements, Nicolas Sarkozyavait déjà marqué une légère distance. Mais le fils de Camelot ne s'avouait pas vaincu. S'il n'avait pas mis Atlantico sous sa coupe, il faisait incuber ses théories ailleurs. Au "Figaro" où il compte plusieurs amis. A "Valeurs actuelles", où son avocat Gilles-William Goldnadel tient chronique. Comme Camille Pascal, l'une des plumes de Sarkozy, fin lettré et fervent catholique.

    A la fin de l'hebdo, un certain "M. de Rastignac", scribe aussi anonyme que renseigné, se fait chaque semaine ou presque le porte-parole de colères et de frustrations du "missi dominici" de la droite dure. La Maison Buisson résistera-t-elle à la tempête ? "Je ne suis ni Bérégovoy ni Grossouvre", répète Buisson à ceux qui, déjà, lui tournent le dos.

    Marie-France Etchegoin, Carole Barjon et Marie Guichoux 


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