Lors de la conférence sociale de juillet, l’image de Laurence Parisot fomentant la révolte dans les travées du Conseil économique et social avait fait le tour des télévisions. En cause, le projet gouvernemental de négociation sur le marché du travail, qui semblait écarter le thème de la flexibilité cher au patronat.
Depuis, le gouvernement et la présidente du Medef font assaut d’amabilités. "48 heures après le clash, le Premier ministre et moi nous sommes -rencontrés et je me suis expliquée, raconte la dirigeante du mouvement patronal. Jean-Marc Ayrault a accepté depuis notre invitation à inaugurer l’université d’été du Medef, une marque d’attention à laquelle nous sommes sensibles."
Jusqu'au 31 août, les membres du gouvernement vont affluer sur le campus de HEC, à Jouy-en-Josas (Yvelines). "De Pierre Moscovici à Michel Sapin, un grand nombre de ministres s’est annoncé, y compris Arnaud Montebourg", souligne Laurence Parisot. Le ministre du Redressement productif, en froid avec le patronat depuis ses propos sévères sur la famille Peugeot, avait d’abord envisagé de ne pas faire le déplacement.
Les craintes de la patronne des patrons
Si la présidente du Medef ne tarit pas d’éloges sur "le sérieux" du gouvernement et "les rencontres fréquentes" du patronat avec l’Elysée, elle se réjouit aussi que "François Hollande se soit exprimé fin juillet pour dire sa confiance à l’égard des entrepreneurs". Mais ses motifs de satisfaction s’arrêtent là. "Nous travaillons beaucoup avec eux, mais nous restons dans l’expectative, résume Laurence Parisot. Nous attendons un discours économique."
Le temps qui passe ne joue pas en faveur de l’Hexagone : "Après trois trimestres à 0 %, tout le monde s’inquiète d’une croissance nulle en France, et d’une récession dans la zone européenne." D’ailleurs, "tous les acteurs économiques ont pris la mesure de la gravité de la situation", assure-t-elle. Le risque est considérable : "La France pourrait se retrouver avec des taux de chômage très élevés, qui dépasseraient même les 12 %" estime la présidente du Medef.
Cette perspective inquiétante - qui correspond à une hausse de 20% du taux de chômage - peut-elle provoquer le sursaut espéré par François Hollande, qui dit avoir "besoin de toutes les forces pour le redressement du pays " ? Laurence Parisot reste évasive : "Nous avons besoin d’une grande transformation – du financement de la protection sociale en particulier –, et à un moment ou à un autre, un consensus sera nécessaire."
Laurence Parisot réclame en conséquence un budget en faveur des entreprises :
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Une urgence : la flexibilité
En attendant, le patronat n’a pas de grain à moudre. Les questions sociales ? "Nous attendons de connaître le périmètre de la négociation, et si la flexibilité ne figurait pas dans le document d’orientation que le gouvernement nous remettra mi-septembre, nous ne négocierons pas", assure Laurence Parisot. Car, pour elle, "la compétitivité-prix n’est pas la seule qui compte, et dans la compétitivité hors prix, l’élément principal est la flexibilité."
La fiscalité ? "Nous espérons pour 2013 un budget qui soit clairement probusiness, sinon, ce pourrait être désastreux pour notre pays", avertit-elle. C’est-à-dire un budget "qui tienne les engagements de la France sur la baisse des déficits publics, qui ne touche pas aux allégements de charges, qui oriente l’épargne vers les entreprises, car plusieurs signaux indiquent que le financement est en train de s’étrangler, et qui n’alourdisse pas la fiscalité des PME ou des business angels."
Pas question non plus de supprimer les exonérations d’ISF sur l’outil de travail, parfois présentées dans la presse comme une piste de travail sérieuse pour le gouvernement. En prend-on le chemin ? Ce jeudi, Pierre Moscovici a levé les incertitudes sur ce dossier.
Parisot restera-t-elle à la tête du Medef ?
Des rumeurs ont couru cet été sur son intention de prolonger son mandat, qui s’achève le 1er juillet 2013. Elle lève les yeux au ciel. "Il faut que les choses se passent bien, publiquement, démocratiquement, et au bon moment, répond-elle. Et ce n’est pas le bon moment, il y a plus important pour l’instant." Cet été, Laurence Parisot, qui est présidente de l’Ifop, a rendu visite à ses filiales de Shanghai et de Hong Kong. "J’y ai rencontré des investisseurs inquiets, qui se demandaient si la France allait rester une puissance."
Elle regarde avec intérêt du côté des Etats-Unis, "qui sont en train de reconstituer leurs forces industrielles, en profitant de la manne des gaz de schiste", et demande que la conférence environnementale, en septembre, permette d’ouvrir le débat sur l’exploitation de cette source d’énergie en France.
Elle croise surtout les doigts pour que le gouvernement obtienne la ratification du traité européen : "Pour nous, c’est le principal, car la sortie de crise passe par l’Europe." Puis elle avance cette formule de son cru : "L’Europe peut être le nouveau Nouveau Monde, à condition d’y aller !" Penser à la chance de renouveau plus qu’à la récession qui s’annonce…
Retrouvez en vidéo le résumé de l'intervention de Jean-Marc Ayrault devant le Medef :
Jean-Marc Ayrault s'est d'abord étonné des réactions qu'a suscité dans la presse et chez les commentateurs sa venue à l'université d'été du Medef.lien
En matière de déficit public, le Premier ministre a préconisé de faire reposer pour moitié l'effort sur des hausses d'impôts et pour moitié sur la baisse des dépenses.lien
Devant le Medef, Jean-Marc Ayrault a également défendu les emplois d'avenir.lien