• Le 13h de Guy Birenbaum - François Hollande, six mois pour quoi ?

    Le 13h de Guy Birenbaum - François Hollande, six mois pour quoi ?

    Publication: Mis à jour: 06/11/2012 20:06 CET  lien

    20hbirenbaum

    En France on adore les bilans. Presque autant que les rapports...
    Donc on commence par juger les cent jours d'un président. Puis ensuite on passe à ses 6 mois.
    Six mois donc, nous y sommes... Presque.
    Oui. Presque.

    Parce que si l'on ne part pas de la date de son élection, le 6 mai, mais bien de la passation de pouvoir (le 15 mai), François Hollande n'est pas vraiment président depuis six mois. En même temps, on voit assez mal comment les neuf jours qui factuellement nous séparent de cette échéance vont y changer grand chose.
    Alors va pour six mois.
    Mais six mois pour quoi, au fait ?

    D'où vient, d'abord, cette étrange impression que ces six mois ont duré bien plus longtemps ?
    D'abord les médias et leur "public" ont dû se désintoxiquer du sarkozysme.
    Et d'ailleurs la cure de désintox n'est pas vraiment réussie puisque nous avons encore droit régulièrement à des débats sur le "reviendra-t-il ?".
    Mais la vraie désintoxication d'avec le sarkozysme dépasse cette question périphérique.
    C'est une histoire de rythme et d'images.

    Après des années passées entre hystérie et frénésie, le côté père tranquille (mais plus "normal", hein...) de François Hollande étonne et inquiète. Surtout si l'on y ajoute le manque de caractère de Jean-Marc Ayrault. Et qu'on mixe le tout avec les solistes du gouvernement qui croient pouvoir tirer la couverture (ou la marinière, ou le képi) à eux. Tout cela donne un attelage surprenant et un peu branlant. Et je ne parle même pas des erreurs de communication tragiques déjà commises. L'aller-retour de Jean-Marc Ayrault sur les 39 heures étant probablement un cas d'école en matière de désastre médiatico-politique.

    En revanche, la rupture n'a pas eu lieu là où, pourtant, nous étions tous persuadés qu'elle serait naturelle.
    Je veux parler du mélange vie privée/vie publique. Alors qu'on espérait sortir de la peopolisation (pipolisation), les aventures du trio Hollande/Trierweiler/Royal ont gâché le début du mandat de la même manière que les doutes et les errements du couple Sarkozy ont fracassé le démarrage du président (ce fut d'ailleurs l'argument d'entrée en campagne de Nicolas Sarkozy, en mars dernier, pour ceux qui l'auraient oublié).

    Ensuite, on a tout de même l'impression que l'équipe au pouvoir n'était pas préparée à affronter la dureté de la crise et de l'exercice de l'État. Au delà de l'inexpérience d'une grande majorité de ministres (sans parler de celle des deux têtes de l'exécutif), tout indique qu'il y a parfois de l'improvisation, voire de la légèreté.

    L'épisode des "pigeons" a montré qu'il suffisait de rouler des mécaniques sur les réseaux sociaux et dans les médias pour impressionner des ministres aux abois.

    Mais plus encore, la manière dont le rapport Gallois est mis en scène ces dernières heures a quelque chose de vraiment pathétique. Comme si la solution aux problèmes de la France allait sortir du jus de crâne du seul Louis Gallois. Si ce haut fonctionnaire est si important et sa pensée si fondamentale, un homme providentiel apparemment, pourquoi n'est-il pas encore premier ministre ? a-t-on vraiment envie de demander au président...

    Quant aux 30 milliards d'euros d'économies et de hausses d'impôts réparties entre l'Etat, les entreprises et les ménages (avant le rapport Gallois), et aux mesures annoncées ce matin, dont la hausse de la TVA, on ne peut pas dire qu'elles envoient le signal attendu aux électeurs de gauche, dont certains commencent déjà à se demander si leur vote, d'abord destiné à se débarrasser de Nicolas Sarkozy, ne pourrait pas se retourner contre eux. Sans compter que dans quelques mois, si le chômage continue malheureusement à augmenter, contrairement à ce qu'a imprudemment annoncé le président, il risque d'y avoir un gros problème qui ne saurait se résoudre que par "l'éjection" du premier ministre de son fauteuil. Il n'y aura pas d'autre sortie, au cas où...

    Sur les questions de société le pouvoir semble timoré. On saura sous peu s'il est lâche. Du mariage pour tous à l'adoption par les couples homosexuels, en passant par le vote des étrangers concernés, tout indique que nos gouvernants ont la main qui tremble sérieusement au moment de conclure. Ça se voit beaucoup.

    Cela pourrait finir par créer un vrai trouble dans l'électorat le plus à gauche... Sans compter qu'avec Harlem Désir à la tête du Parti socialiste, la majorité n'est pas vraiment équipée pour résister à la droite revancharde et à la gauche énervée. Et je n'évoque pas la pression du Front national...

    Pour cet ensemble de raisons les courbes de popularité de François Hollande et de son premier ministre sont calamiteuses. Bien sûr, on ne doit pas gouverner le nez sur les sondages mais la pression existe et malheureusement le temps médiatique s'est raccourci. La parole médiatique aussi. On est passé des cent mots aux cent signes. J'ai déjà évoqué souvent ici la difficulté du pouvoir désormais soumis à la vigilance des réseaux sociaux et des sites d'information qui le fact-checkent et le "bashent" en temps réel. Il ne faut pas oublier qu'en 2007, Facebook, Twitter, les sites d'informations ne jouaient pas du tout ce rôle de vigies.

    On mesure chaque jour l'impréparation des politiques à cette instantanéité et à cette réactivité. Et ce ne sont pas les récents propos de François Hollande au Monde qui vont me démentir : "Exercer le pouvoir, aujourd'hui, c'est très dur (...) Il n'y a plus aucune indulgence, aucun respect. Mais je le savais."

    Je sais bien que ce bilan sur à peine six mois est lacunaire, subjectif, très sévère. Certains le trouveront injuste avec un président qui a au moins à son crédit le mérite énorme d'avoir apaisé certaines des folles tensions qu'ont fait naître dans notre pays Nicolas Sarkozy et ses lieutenants les plus virulents. Mais à la question "six mois pour quoi ?", je n'ai pas d'autre réponse satisfaisante à donner.

    C'est pour cette raison que lors de la conférence de presse prévue la mi-novembre, François Hollande devra absolument fixer un vrai cap. Ou plutôt, enfin, fixer LE cap.

    Pour que dans six mois, la question ne soit pas "François Hollande, un an pour quoi?"

    Le bilan :

    La déception que j'ai tenté de mettre au clair est donc partagée. Bien sûr les électeurs socialistes ne sont pas tous encore déçus; même si sur les réseaux sociaux la journée d'aujourd'hui restera un souvenir cuisant pour certains d'entre-eux, tant la hausse de la TVA et les mesures fiscales en faveur des entreprises passent mal. En vérité, ce n'est peut-être pas seulement François Hollande, son premier ministre, le gouvernement qui déçoivent. La politique déçoit. Les politiques déçoivent. Et de la même manière que Nicolas Sarkozy a été zappé après un seul mandat (contrairement à Mitterrand et Chirac), il faut probablement s'habituer à cet état de fait. La politique n'est plus ce qu'elle était... La faute à la crise, aux souffrances qu'elle crée. Partout. Mais pas seulement. Trop de promesses, trop de mensonges, trop de reniements. Et qui se voient de plus en plus notamment en raison de la vigilance du Web, des internautes, des sites d'information.
    Internet killed the Politic Star...

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