Ile de Giglio (Italie) (AFP) - Tel un géant sauvé des eaux 20 mois après son tragique naufrage, le Concordia dominait mardi le minuscule port du Giglio, où il stationnera jusqu'à son renflouement qui n'est "pas prévu avant le printemps".
Vu de la rive, l'ex-palace flottant, qui s'était échoué sur cette petite île toscane le 13 janvier 2012 - faisant 32 morts - barre l'horizon, étonnamment droit. Le flanc resté immergé des mois dans l'eau salée est tout rouillé, tranchant avec l'autre encore d'un blanc éclatant.
"Nous avons franchi une étape importante, sans doute la plus difficile, car nous n'avions pas de plan alternatif si cela n'avait pas fonctionné", a indiqué à la presse Nick Sloane, le Sud-Africain qui a piloté l'opération de redressement pour le compte de Titan, une firme américaine spécialisée, alliée sur ce projet à l'Italien Micoperi.
Première mondiale, le redressement du mastodonte de 114.000 tonnes, qui gisait sur son flanc droit à quelques mètres du Giglio, a duré une vingtaine d'heures.
Le redressement a été considéré comme terminé mardi à 4H00 (2H00 GMT). M. Sloane s'est ému en se souvenant avoir annoncé par talkie-walkie : "le Concordia est droit et appuyé sur les plateformes" mises en place par 30 mètres de fond. Son annonce a été saluée par les sirènes de dizaines de bateaux.
"Cela a été une grande émotion, une belle émotion", a souligné cet expert en renflouement qui a salué le travail des 500 personnes de 26 nationalités mobilisées sur le projet depuis 16 mois.
Pendant la nuit, ils n'étaient que 12 dans la salle de contrôle, 10 ingénieurs spécialisés en informatique, ingénierie, robotique sous-marine, une architecte et le capitaine Sloane.
Le "senior salvage master", timide et amateur de bons vins, a ensuite fêté le redressement réussi avec sa femme Sandra venue pour l'occasion d'Afrique du Sud, et des dizaines de techniciens et d'ingénieurs.
Pas de remorquage avant des mois
Prochaines étapes : la recherche des corps de deux disparus (sur les 32 morts dans le naufrage) qui débutera "au plus tard dans les prochains jours", une fois vérifiées les conditions d'accès au navire, a précisé le chef de la protection civile Franco Gabrielli.
"Les couloirs qui étaient devenus des puits" quand le navire avait basculé à 65 degrés, vont redevenir pour certains accessibles, a-t-il noté.
Ensuite, débuteront la réparation du flanc droit, le positionnement de 15 caissons (en symétrie avec le côté déjà émergé), puis les préparatifs en vue du renflouement. Le remorquage du Concordia vers un port où il sera démantelé, n'interviendra pas avant le "premier semestre de l'an prochain", selon M. Gabrielli.
Piombino, en Toscane, Naples ou Palerme (sud) sont candidats à un tel marché qui les occuperait plusieurs années.
D'ici là, le navire va être stabilisé avec câbles et tirants d'acier pour passer l'hiver, puis le flanc endommagé sera consolidé pour supporter le poids des caissons. "Il y a encore beaucoup de travail au niveau de l'ingénierie" sur la résistance de la coque, a dit M. Sloane.
Autre tâche qui attend les intervenants de Titan-Micoperi, récupérer là où c'est possible le contenu des coffres-forts des cabines des 4.000 occupants du paquebot.
Tout cela en continuant d'éviter toute pollution du Giglio, réserve marine à la flore et la faune exceptionnelles. Selon M. Gabrielli, les analyses de l'eau sont constantes : même l'ADN des oursins est examiné pour s'assurer de l'absence d'éventuelles mutations.
Des proches des deux morts dont les corps n'ont pas été retrouvés - le veuf d'une passagère italienne et le frère d'un serveur indien - sont arrivés dans l'après-midi. Tenus à l'écart des journalistes par les carabiniers, ils se sont engouffrés dans une de leurs fourgonnettes sans dire un mot.
Le président du Conseil Enrico Letta a souligné le sens de l'évènement pour l'Italie, au cours d'une conférence de presse à Rome : "Nous avons tourné la page de l'image publique de notre pays qui, au moment de l'accident, avait été synonyme d'un abandon de responsabilités, malheureusement répercuté dans le monde entier".
M. Letta, manches de chemise retroussées et cravate rouge un peu à la manière du président Barack Obama, a fièrement posé pour une photo, aux côtés du chef de la protection civile Franco Gabrielli.