Le Hamas a choisi la continuité, et le pragmatisme, en reconduisant à sa tête son chef en exil Khaled Mechaal pour tenter de faire avancer la réconciliation palestinienne tout en plaidant la cause du mouvement islamiste sur la scène arabe et internationale.
Incarnant le consensus et sans vrai rival, Khaled Mechaal a été reconduit lundi au Caire à son poste de président du bureau politique du Hamas qui contrôle la bande de Gaza depuis 2007. A la tête du «Mouvement de la résistance islamique», le nom complet du Hamas, depuis 2004, Khaled Mechaal, 56 ans, avait fait part l’an dernier de son intention de passer la main mais les autres dirigeants lui ont demandé de rester en place et lui ont «renouvelé leur confiance» pour quatre ans.
Longtemps considéré comme un radical, il a évolué en revendiquant l’influence du «Printemps arabe», au point de mentionner dans des interviews l’idée d’un Etat palestinien à côté d’Israël ou de la «résistance populaire», c’est-à-dire non-violente. Pour Walid al-Moudallal, professeur de sciences politiques et d’histoire à l’Université islamique de Gaza, «Khaled Mechaal se différencie des chefs plus radicaux du Hamas par sa souplesse politique sur la réconciliation (inter-palestinienne), ce qui lui permet d’apparaître publiquement comme un dirigeant modéré et rationnel avec lequel on peut discuter».
«Sa réélection va lui offrir la possibilité de modifier les relations avec les pays occidentaux en présentant un Hamas qui ne leur est pas hostile», prévoit cet universitaire. Le mouvement islamiste est considéré comme une organisation terroriste par les Etats-Unis et les Européens qui s’interdisent de lui parler. Il est certain que Khaled Mechaal a bénéficié de l’appui des Frères musulmans, au pouvoir au Caire et très proches du Hamas, un soutien qui «constitue une porte d’entrée dans le monde», selon Salah Joumaa, spécialiste égyptien de la question palestinienne.
Un dirigeant pragmatique
Cet expert relève que la réunion des instances dirigeantes du Hamas, au cours de laquelle Khaled Mechaal a été réélu, s’est déroulée au Caire et surtout que l’Egypte pousse à la réconciliation entre les islamistes au pouvoir à Gaza et les nationalistes du Fatah, dirigé par le président Mahmoud Abbas qui gouverne la Cisjordanie.
La lune de miel entre le Hamas et Le Caire a toutefois tourné court, notamment depuis que l’Egypte a ordonné la fermeture de tunnels de contrebande qui permettaient à l’enclave palestinienne de contourner le blocus israélien. «Avant les révolutions arabes, la communauté internationale considérait l’islam politique comme un danger et elle n’aurait jamais parlé à Mechaal. Mais depuis la victoire des islamistes, les Américains et les Européens veulent procéder à un examen de conscience sur ce dossier», estime Moukhaïmer Abou Saada, professeur de science politique à l’Université Al-Azhar de Gaza.
«Khaled Mechaal, grâce à ses connections avec l’Egypte, le Qatar et la Turquie, est en mesure d’améliorer les relations avec l’Europe et les Etats-Unis», prédit le professeur Abou Saada, en soulignant que personne d’autre au sein du Hamas «n’a son expérience politique». Sur le front intérieur, Mechaal, auquel on prête l’ambition de succéder au président Abbas à la tête de l’OLP, a insisté sur la réconciliation entre Palestiniens lors de sa première visite à Gaza fin 2012.
Le Hamas et le Fatah ont signé en avril 2011 au Caire un accord de réconciliation mais la plupart des clauses sont restées lettre morte et ses échéances constamment repoussées. «Mechaal est un homme pragmatique, susceptible d’être plus flexible que d’autres au sein du Hamas, ce qui pourrait contribuer à parvenir à la réconciliation», a réagi mardi Mahmoud Aloul, membre du comité central du Fatah.