• Le manque de canadairs:la Kabylie transformée en fournaise

    Le manque de canadairs, les décharges sauvages et les bouts de verre ont transformé la Kabylie en fournaise

    Capture d'écran d'une vidéo tournée lors d'un incendie de forêt survenu au mois d'août, en Kabylie.
     
    L’Algérie sort tout juste d’un été caniculaire marqué par des incendies dévastateurs. Dans la région de Kabylie, où le nombre de feux de forêt a triplé par rapport à l’année dernière, de nombreuses voix s’élèvent contre l’armée, soupçonnée de les avoir provoqués. Deux Observateurs de la région nuancent cette accusation.
     
    À la fin du mois d’août, près de 21 000 hectares de terres et forêts sont partis en fumée à travers tout le pays. En plus des fortes chaleurs de l’été (les pics de température ont atteint 45 degrés cette année), plusieurs facteurs expliquent ces incendies, comme le manque de moyens alloués aux services d’intervention mais aussi la composition des forêts algériennes, principalement plantées de pins et de chênes-lièges, des arbres rapidement inflammables.
     
    En Kabylie, région du nord de l’Algérie, les feux de forêt ont été particulièrement nombreux et ravageurs ces trois derniers mois. Dans la seule wilaya (préfecture) de Tizi Ouzou, plus de 6 700 hectares de végétation ont été détruits et 368 incendies ont été recensés par la Conservation des forêts de la région. Il y a un an, la wilaya avait connu 196 départs de feu, qui avaient détruit 940 hectares de végétation.
     
    Afin d’expliquer l’ampleur des catastrophes, les autorités algériennes ont mis en cause le manque de vigilance et l’incivisme des habitants. Mais, en Kabylie, où le sentiment de persécution et de délaissement par le pouvoir central est très présent dans l’opinion, c’est surtout l’armée qui est pointée du doigt par une partie de la population. Largement déployées dans la région, les troupes algériennes effectuent régulièrement des opérations de ratissage dans les forêts montagneuses de Kabylie où sévissent divers groupes armés.  
     
    Vidéo amateur d'un incendie qui a embrasé une partie de la forêt de Yakouren, le mois dernier. Publiée le 12 août 2012 par Heinz Guderian.

    "Les gens vont brûler leurs ordures au milieu de la forêt"

    Fadela D. est membre de l’Association pour la jeunesse innovatrice et l’environnement (AJIE), basée à Tizi Ouzou.
      
    L’armée a sa part de responsabilité dans les incendies qui ont ravagé la Kabylie. Les militaires sont amenés à bombarder des zones en forêt pour chasser les groupes armés, ce qui provoque des feux.
     
    Mais cette catastrophe résulte aussi de l’incivisme de certains citoyens. En Kabylie, il y a une grande pénurie de décharges publiques. Du coup, dans certaines zones rurales, les habitants ont pris l’habitude d’aller en forêt pour brûler leurs ordures. Quand ils le font en pleine canicule, leur geste relève d’une totale inconscience [le directeur du pôle environnement de la wilaya de Tizi Ouzou a récemment déclaré que les décharges sauvages, au nombre de 1500 dans cette préfecture, étaient souvent à l’origine des départs de feu, NDLR].
      
    De nombreux départs de feu sont également le fait de jeunes qui consomment de l’alcool au bord de la route et à la lisière des bois. En partant, ils laissent derrière eux des quantités de débris de verre, sur lesquels se reflètent les rayons du soleil, entraînant des combustions.
     
    "Deux camions-citernes pour un gigantesque feu de forêt"
     
    De plus, nous manquons terriblement de moyens. L’État algérien devrait investir dans des canadairs pour lutter correctement contre les incendies, mais il ne le fait pas [les responsables de la protection civile algériens ont déclaré que le pays ne disposait que de deux hélicoptères pour éteindre les flammes et que le prix d'un canadair, d'au moins 50 millions d'euros, était trop élevé pour l'État].
     
    Il y a deux semaines, je me suis rendu dans la forêt de Yakouren où un feu gigantesque s’était déclaré. Seulement deux camions-citernes ont été dépêchés sur les lieux. Les pompiers se sont préoccupés uniquement de la zone proche de la chaussée sans oser pénétrer dans la forêt. Quand je me suis renseigné, ils m’ont dit qu’ils avaient déjà vidé leurs citernes et qu’ils ne pouvaient plus rien faire. Nous sommes restés là, impuissants, à regarder la forêt brûler.
     
    Notre association essaie de sensibiliser les plus jeunes à la protection de l’environnement, notamment à travers une campagne de sensibilisation auprès des écoliers. Aussi, étant donné qu’il y a beaucoup de chômeurs en Kabylie, nous avons en projet d’impulser la création de petites entreprises de recyclage de déchets dans les villages. 
     

    "Les paysans attendent un plan d’aide de la part des autorités"

    Belkacemi Mohand Said est blogueur à Bouzeguène, une ville proche de Tizi Ouzou.
      
    Dans la région de Bouzeguène, les gens ne jugent pas nécessaire d’effectuer le désherbage des champs. C’est très dangereux en période de sécheresse, car les mauvaises herbes permettent au feu de se propager très rapidement. C’est ce qui a conduit à la destruction d’une quantité importante d’arbres dans ma région.
     
    J’espère que les autorités prendront conscience de l’ampleur des dégâts et de leur impact sur l’économie locale. Ici, les gens vivent essentiellement de l’agriculture et attendent que le gouvernement propose un plan d’aide aux paysans.
     
    Vidéo amateur des dégâts causés par un feu de forêt près du village d'Ath Ikhlef, le 13 juillet. Images tournées par  Belkacemi Mohand Said.

  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :