• Le « Pentagone à la française », inauguration d?un bâtiment controversé

    Le « Pentagone à la française », inauguration

    d’un bâtiment controversé

    LE MONDE ECONOMIE | <time datetime="2015-11-05T11:00:55+01:00" itemprop="datePublished">05.11.2015 à 11h00</time> • Mis à jour le <time datetime="2015-11-05T12:49:02+01:00" itemprop="dateModified">05.11.2015 à 12h49</time> | Par

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    Le nouveau bâtiment du ministère de la défense à Balard, dans le sud de Paris. </figure>

    La gauche critiquait le projet pendant la campagne électorale de 2012 et envisageait de le remettre en cause. Il n’en fut rien. Au contraire. Trois ans et demi plus tard, François Hollande devait inaugurer jeudi 5 novembre, l’Hexagone Balard, le nouveau ministère de la défense installé à Paris dans le 15e arrondissement sur un terrain de 16,5 hectares. Le Pentagone à la française regroupe 9 300 personnes jusqu’alors dispersés sur douze sites, dans un ensemble de 330 000 m2 pour les trois armées terre, air et marine, les états-majors, la Direction générale de l’armement (DGA) et différents services.

    Le bâtiment principal de 150 000 m2 abrite le bunker ultra-moderne du centre des opérations consacré à l’armée du XXI siècle. Cet origami porte quelques prouesses architecturales, dont la plus vaste toiture photovoltaïque de la capitale (5 000 m 2) et des bâtiments montés sur pilotis pour réguler la circulation de l’air. Ses murs bétonnés sont conçus pour résister à un éventuel tir de missiles.

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    Le déménagement, une opération militaire

    Ce regroupement historique de tous les services de la défense s’est concrétisé en mai 2011 par la décision du gouvernement Fillon de confier à Opale, un consortium d’entreprises mené par Bouygues associant Thales, Dalkia et Sodexo , la construction et la maintenance de ce siège par un partenariat public privé (PPP). Opale loue pendant vingt-sept ans l’ensemble au ministère de la défense moyennant un loyer annuel de 150 millions d’euros, soit au total de 4 milliards d’euros sur la période, à l’issue de laquelle l’Etat deviendra propriétaire. Ce montant inclut le remboursement des équipements (construction et rénovation) pour 1,28 milliard d’euros, les dépenses de fonctionnement, et la maintenance (prévue à 20 % des coûts) assurée par 700 salariés d’Opale en permanence à Balard.

    On évoque des prises de courant facturées 5 000 euros, et des cloisons à 10 000 euros

    « Il n’y a pas de dépenses supplémentaires », affirme le secrétaire général pour l’administration Jean-Paul Bodin. Le loyer correspond au coût du fonctionnement des douze anciens sites, qui étaient vétustes. De plus, apprécie-t-il, « nous avons négocié pour 84 millions de travaux supplémentaires et obtenu une baisse de 4 millions du loyer annuel ». Pour M. Bodin, la réussite du chantier est liée à la prise en main du projet dès le départ, en 2008, par une équipe d’une quinzaine de cadres de la défense de haut niveau. De fait, le déménagement, conçu comme une opération militaire, s’est déroulé sans heurts majeurs sur l’essentiel : les guerres françaises n’ont pas été interrompues. « On nous a livré ce que nous avons demandé », assure-t-il.

    La question portera au fil des années sur la tenue des bâtiments livrés par Bouygues. Quelques défauts sont déjà apparus. L’immeuble de haute qualité environnementale réserve déjà des surprises. Avec la canicule de juillet, « le bâtiment a bien tenu », assure-t-on au ministère, mais il faisait tout de même 29 degrés dans les étages, pour 39 degrés dehors… Plus embêtant, des relents pestilentiels d’égouts obligent certains personnels à utiliser des désodorisants.

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    « De vrais mécontentements »

    Si les occupants essuient les plâtres comme n’importe quel entrant dans un nouveau lieu, ils critiquent surtout la lourdeur des aménagements par le prestataire Opale. On évoque des prises de courant facturées 5 000 euros, et des cloisons à 10 000 euros. L’un des hauts cadres ministériel a voulu changer de sens la porte d’entrée de son bureau qui était orientée à l’envers de sa table de travail et a dû y renoncer face au prix de la manipulation. Un autre envisageait de mettre un œilleton sur sa porte : le coût estimé par ses services était de… 2 000 euros. Le trop faible nombre de prises de courant irrite également. « On ne peut même pas mettre de machine à café dans les bureaux, s’énerve un colonel, car les prises sont contingentées. » Contactés, Opale et Bouygues renvoient sur le ministère de la défense.

    « Quand nos élus se retrouvent dans des réunions et demandent un aménagement, on leur explique que ce n’est pas prévu et que cela va coûter très cher », raconte Franck Hueber, secrétaire général CFDT-Défense d’Ile-de-France. « Nous ne pensons pas que le service rendu est à la hauteur des espérances. Les agents ont de vrais mécontentements », ajoute-t-il en évoquant la partie du site qui fait l’objet d’une rénovation, ou encore le prix de la cantine, en augmentation par rapport au prestataire précédent. Christian Prévot, délégué fédéral CGT pour l’administration centrale, déplore lui le manque de souplesse du contrat. « Ce qui nous inquiète c’est la dépendance à l’égard du privé. »

    « Nous avons un catalogue de prix d’Opale selon les aménagements demandés et à partir de là, nous allons continuer de négocier pied à pied les devis », affirme Jean-Paul Bodin. Les nouveaux entrants sont en train de faire remonter leurs doléances. Parmi celles-ci, le rétrécissement des espaces des chefs d’état-major. « C’est humiliant. En plus ils doivent se partager de trop rares salles de réunion, c’est l’embouteillage » , illustre un gradé. Une réunion est prévue le 17 novembre pour faire un premier point. L’administration de la défense donne rendez- vous aux critiques à l’été 2016.


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