Le Point.fr - Publié le <time datetime="2012-11-23T11:34" itemprop="datePublished" pubdate=""> 23/11/2012 à 11:34</time> - Modifié le <time datetime="2012-11-23T13:59" itemprop="dateModified"> 23/11/2012 à 13:59 </time>
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Albert Marco, membre du gouvernement catalan, explique au Point.fr les enjeux des élections régionales de dimanche.
Pour Albert Marco, bras droit du président catalan, la rupture avec Madrid est définitivement consommée. © DR
Considéré comme l'un des bras droits du président de région Artur Mas, Albert Marco, chargé de la politique sportive du gouvernement catalan, décrypte pour Le Point.fr les enjeux du scrutin de dimanche. Une élection du Parlement qui pourrait ouvrir une étape décisive dans la volonté de la Catalogne de quitter l'Espagne. À en croire ce leader de la sécession, la rupture avec Madrid est définitivement consommée. Retour sur les raisons d'une vieille revendication remise au goût du jour à la faveur de la crise en Europe.
Le Point.fr : Votre pronostic des élections régionales ce dimanche ?
Albert Marco : Une franche victoire de Convergencia i Unio (CiO), le parti du président Artur Mas. Selon les estimations, nous obtiendrons entre 62 et 72 députés - la majorité absolue étant de 68 sièges. Avec l'appui d'autres formations, et même si aucune alliance n'est encore planifiée, "les indépendantistes" pourraient disposer d'une majorité des deux tiers au Parlement.
Êtes vous vraiment déterminés à quitter l'Espagne ?
Absolument. La voie vers l'indépendance de la Catalogne est irréversible. Malgré les intimidations, les basses accusations de corruption contre notre président, le discours de peur des autorités centrales à notre encontre, rien ne nous arrêtera. Au cours de la prochaine mandature, nous organiserons un référendum. Le peuple souverain décidera de son avenir. Depuis 30 ans, nous avons joué la carte du compromis. En vain. Dans les processus sécessionnistes en cours au sein de l'Union européenne, on compare souvent l'Écosse à la Catalogne. Mais, tandis que le Royaume-Uni reconnaît qu'il est la somme de plusieurs nations, l'Espagne prétend que la nation catalane n'existe pas. Quel aveuglement ! La manifestation du National Day, en septembre dernier, a réuni 1,5 million de personnes issues de toutes les classes sociales. En ville, les drapeaux sont de plus en plus nombreux aux fenêtres. À l'école, les enfants apprennent le catalan. Et au stade du New Camp, à chaque match du Barça, la foule entonne désormais l'hymne de l'indépendance. C'était jusqu'alors du jamais-vu !
Quels sont vos griefs à l'encontre de Madrid ?
Par le passé, l'Espagne a été un grand empire. Mais, siècle après siècle, le pays n'a eu de cesse de s'affaiblir à cause de sa mentalité colonialiste et de son avidité à piller les richesses des territoires qui lui étaient soumis. Aujourd'hui, à notre tour, nous sommes traités comme une colonie. Il faut que cela cesse : nous devons sauver notre territoire !
Vous exagérez...
Non. Chaque année, la Catalogne reverse presque 10 % de son PIB au pot commun du budget espagnol, alors que, dans un état fédéral comme l'Allemagne, les Länder ne peuvent pas contribuer pour plus de 4 % de leurs ressources. Notre économie est prospère, nous sommes la région la plus riche d'Espagne, et pourtant, nous sommes endettés de 42 milliards d'euros. Il suffirait que la Catalogne diminue de moitié sa contribution pour avoir un déficit zéro. En septembre dernier, le président Mas a tenté de négocier un nouveau pacte fiscal. Mais le chef du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, l'a sèchement éconduit. Pire, il exige de nous davantage de sacrifices.
Lesquels ?
Rien de moins que le démantèlement encore plus accusé de notre système de protection sociale et d'État providence. À la différence d'autres régions et du gouvernement espagnol qui, malgré la crise, n'ont pas renoncé à des projets d'infrastructures coûteux et inutiles économiquement, nous voici sommés de réaliser des coupes franches dans notre budget : nous devons réduire nos investissements ainsi que nos dépenses de santé et d'éducation. C'est d'autant plus injuste qu'encore une fois c'est l'Espagne qui a besoin d'aide, pas la Catalogne...
La Constitution espagnole vous interdit d'organiser un référendum... Comment comptez-vous agir ?
Après la dictature de Franco, contrairement aux Basques qui ont obtenu une autonomie budgétaire et financière, nous avons renoncé à certaines de nos prérogatives en faveur de l'unité du pays. Mais la Constitution est devenue une arme contre nous et le président Mas effectue une forte campagne de communication afin de parvenir au seul objectif possible : la création d'un État souverain. Nous entretenons des contacts avec les gouvernements européens, le Parlement et la Commission de Bruxelles, les grandes instances internationales. Nous solliciterons leur appui. Dans un monde global et interconnecté, nous ne sommes pas isolationnistes. Notre place est au sein de l'Union.
Justement, vu la crise qu'elle traverse, ne craignez-vous pas de la fragiliser encore un peu plus ?
Non. Les Catalans sont des gens sérieux, travailleurs, responsables. Notre tissu industriel est efficient. Barcelone est une ville à la pointe de la modernité. Au sein de l'Europe, nous serons plus aptes à contribuer aux efforts d'aide en direction des pays en difficulté. Mais selon de nouvelles règles.
Au cours du processus, craignez-vous une montée de la violence ?
Non. Nous sommes pacifiques. Et il ne semble pas sérieux d'imaginer que Madrid enverra les chars contre nous. Depuis sa création, notre parti a toujours utilisé la voie du dialogue et de la négociation. Chez nous, la culture démocratique est profondément ancrée. Créé en 1283, longtemps avant celui de l'Angleterre ou de la France, le Parlement catalan est le plus vieux d'Europe. Cela nous donne des droits, mais aussi des devoirs.