• "Les aides versées pour la reconstruction d'Haïti semblent invisibles"

    Dernière modification : 12/01/2012 
    - Haïti - Séisme en Haïti

    "Les aides versées pour la reconstruction d'Haïti semblent invisibles"

     

    Deux ans après le séisme qui a dévasté l'île le 11 janvier 2010, les effets de l'aide internationale demeurent discrets. Entretien avec Mackendie Toupuissant, président de la Plateforme d’associations franco-haïtienne.

    Par FRANCE 24 (vidéo)
    Aude MAZOUE (texte)
     

    Où en est l’aide internationale pour reconstruire Haïti ? À l’heure où l’on commémore le deuxième anniversaire du séisme qui a ravagé l’île le 11 janvier 2010, la population haïtienne vit toujours dans une grande précarité. Mackendie Toupuissant, Français d’origine haïtienne, président de la Plateforme d’associations franco-haïtienne (Pafha) revient pour FRANCE 24 sur le bilan de la reconstruction du pays.

    FRANCE 24 - Une partie de l’aide internationale a été distribuée en Haïti. Deux ans après le séisme, où en est la reconstruction du pays ?

    Mackendie Toupuissant - Une partie de l’aide a été distribuée mais il est difficile de parler de chiffres. Les montants annoncés varient en fonction de l’interlocuteur. Les sommes avancées par le gouvernement haïtien et celles de la communauté internationale ne sont pas les mêmes. Bill Clinton, au nom de l’ONU, avait parlé de 10 milliards de dollars lors de la conférence de New York. À ce jour, on dit que 56 % des fonds ont été distribués en Haïti, ce qui représente plus de 5 milliards. De son côté, la France dit avoir décaissé près des trois quarts de son aide bilatérale soit 326 millions d'euros.

    En tout cas, je suis revenu d’Haïti le 29 décembre, et ces aides versées semblent invisibles. Cinq milliards, c’est beaucoup, ça devrait se voir. Sans compter que ces sommes comprennent uniquement les aides gouvernementales, pas celles des ONG. On peut s’interroger sur l’utilisation de ces fonds. Je ne dis pas qu’il y a eu des malversations mais on a le sentiment que les choses n’ont pas vraiment changé quand on se promène dans les rues. La situation commence timidement à évoluer. Mais je n’ai pas vu une seule grue par exemple, ce qui serait un signe que la reconstruction a commencé. Les axes principaux ont été dégagés de leurs gravats mais de nombreux quartiers reculés sont encore inaccessibles en voiture. L’urbanisme est encore à l’état sauvage. Des zones du pays n’ont toujours pas l’électricité. Et le camp de la place du Champs de Mars devant le Palais national [siège de la présidence, ndlr] est toujours là. Les logements de fortune, faits de tentes, de taules et de matériel de récupération, n’ont pas bougé. Hormis l’hôpital, aucun bâtiment public n’a encore été construit.

    F24 - Pourquoi la totalité de l'aide financière internationale promise n’a-t-elle toujours pas été distribuée en Haïti ?

    M. T. - Ce qui est sûr, c’est que l’argent n’a pas transité dans les caisses du gouvernement haïtien car il n’en a pas la capacité d’absorption. L’entreprenariat haïtien n’est pas en mesure de reconstruire le pays. Les fonds sont donc à l’étranger. Mais les projets sont longs à monter et deux ans, cela reste court pour reconstruire le pays.

    En Haïti, il y a des problèmes structurels endémiques. L’urbanisme, par exemple, pose des difficultés parce qu’il n’existe pas de cadastre. D’autant plus qu’il s’agit de constructions antisismiques, qui nécessitent de longues et coûteuses études. Et puis l’État doit prendre des décisions de préemption. Et il est très long et compliqué de les faire avancer.

    Les différentes séquences électorales n’ont pas favorisé, en outre, l’avancement des décisions. Le Sénat n’est pas complet, les élections municipales ont été reportées. Tant que le processus démocratique n'a pas abouti, il est difficile de faire avancer rapidement les projets.

    F24 - Peut-on être confiant dans la reconstruction future ?

    M. T. - Les choses évoluent timidement, mais la volonté de s’en sortir est bien présente. Le peuple est patient, il survit grâce au système D mais il y a une réelle envie de reconstruire le pays. Du foyer le plus modeste aux plus hautes autorités, les Haïtiens veulent prendre leur destin en main. Ils souhaitent une transmission du savoir pour mieux s’organiser. Les ONG historiques, qui étaient déjà présentes avant le séisme, apportent toujours un soutien important mais la population souhaite œuvrer elle-même pour son futur.

    Au niveau politique, les différentes mesures pour l’emploi prises par le président Michel Martelly vont dans ce sens. Il souhaite faire venir l’emploi et les investisseurs sur son territoire pour que les Haïtiens aient enfin du travail et du pouvoir d’achat. Il y a deux semaines, par exemple, il a fait modifier le code de la propriété pour autoriser les investisseurs étrangers à acheter en Haïti. Avant cette modification, l’implantation d’industries étrangères était impossible.

    Il y a également un vrai potentiel sur le plan économique. Le tourisme peut largement être développé. L’île n’a rien à envier aux paysages des Caraïbes.

    Sur le plan économique, les avis sont partagés quant à l’action de Michel Martelly. Il y a les inconditionnels et les sceptiques. Mais si les avis divergent sur l’action politique à mener, la volonté de s’en sortir et l’optimisme du peuple et de ses dirigeants sont unanimes. Cela peut prendre 10 ou 20 ans, mais tout le monde est confiant. Les Haïtiens et toute la diaspora haïtienne croient fort en la reconstruction. La nation, qui a 208 ans d’Histoire, n’a pas toujours été comme cela. Elle a connu des temps glorieux que la population entend bien retrouver.

     

     


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