• Les civils kurdes, victimes collatérales des divisions de l'opposition syrienne

    Dernière modification : 12/08/2013 

    lien

    Les civils kurdes, victimes collatérales des divisions de l'opposition syrienne

    Les civils kurdes, victimes collatérales des divisions de l'opposition syrienne
    Combattantes kurdes le 16 juillet à Ras el-Aïn, en Syrie
    © www.pydrojava.net

    Enlevés par des rebelles dimanche près d’Alep, treize civils kurdes ont été remis à des djihadistes du Front al-Nosra, qui les retiennent en captivité. Face à ces attaques contre des civils, le Kurdistan irakien menace d'intervenir en Syrie.

    Par Steven JAMBOT (texte)
     

    Treize civils kurdes ont été enlevés dimanche 11 août par des rebelles syriens dans la province d’Alep. Ils ont été remis aux djihadistes du Front al-Nosra qui détiennent désormais en captivité plus de 250 Kurdes dans cette région, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), une ONG basée à Londres. Depuis plusieurs semaines, les civils kurdes se retrouvent menacés par des combattants liés à Al-Qaïda, dont des djihadistes venus d'Irak.

    Accusés de jouer à un "jeu trouble" dans la guerre civile syrienne, les Kurdes de Syrie peuvent compter sur le soutien du Kurdistan irakien, explique à FRANCE 24 Myriam Benraad, politologue spécialiste de l’Irak et du Moyen-Orient, chercheuse associée au Centre d’études et de recherches internationales (Sciences Po-Ceri) et à l’Institut de recherches et d’études sur le monde arabe et musulman (Iremam).

     

    FRANCE 24 : Depuis plusieurs semaines, des combats opposent djihadistes et Kurdes dans plusieurs régions du nord et du nord-est de la Syrie. Pourquoi les deux parties, pourtant farouchement hostiles au régime de Bachar al-Assad, s'opposent-elles ?

    Myriam Benraad : Minorité relativement ignorée, et pourtant au nombre de plus de trois millions, les Kurdes constituent une partie significative de la population syrienne et une carte maîtresse du conflit actuel. Tout d’abord rangés du côté de l’opposition armée sunnite, les Kurdes se sont progressivement distancés de cette dernière. À présent, ils dénoncent ouvertement les atrocités commises par la frange salafiste-djihadiste radicale contre laquelle ils ont récemment pris les armes.

    Cela ne signifie en aucun cas que les Kurdes ont abandonné leur lutte contre le régime d’Al-Assad, mais ils entendent aujourd’hui incarner une "troisième voie". Face aux attaques dont ils font l’objet depuis plusieurs mois, les Kurdes ont principalement adopté une posture défensive, consistant à mettre sur pied des comités de protection de leurs régions, quartiers et populations civiles.

    Ces prises d’otages rappellent les méthodes d’Al-Qaïda en Irak. Pourquoi utiliser ce moyen de pression sur la communauté kurde en Syrie ?

    Les prises d’otages de civils kurdes syriens sont effectivement similaires en de nombreux points à celles des civils chiites et kurdes dont Al-Qaïda s’est rendue coupable sur le terrain irakien. L’organisation djihadiste, toujours très active en Irak, a pris fait et cause pour le djihad syrien et ses acteurs les plus radicaux, allant même jusqu’à se rebaptiser sous le nom d’"État islamique d’Irak et du Levant" au mois d’avril dernier, date anniversaire de la chute du régime de Saddam Hussein.

    Al-Qaïda et ses combattants considèrent aussi les Kurdes de Syrie, qui ont refusé de s’aligner sur leur stratégie jusqu’au-boutiste, comme des "traîtres" et des "mécréants", et ont multiplié les enlèvements et attaques contre leurs partis et milices – au premier rang desquels le Parti de l’union démocratique (PYD) et les Unités de défense du peuple (YPG). Il s’agit bien là d’un moyen de pression visant au ralliement par la force des Kurdes à la stratégie de terreur poursuivie par Al-Qaïda. En retour, les Kurdes n’en font pas moins preuve d’une extrême solidarité en ayant annoncé leur mobilisation armée contre la mouvance salafiste-djihadiste, ainsi que leur détermination à défendre coûte que coûte leurs territoires et populations.

    Dans une lettre publiée samedi 10 août, le dirigeant de la région autonome du Kurdistan irakien a menacé d'intervenir dans le conflit syrien pour protéger la vie des civils kurdes, s'ils sont attaqués par Al-Qaïda. Est-ce réaliste ?

    Sur le modèle de leurs homologues irakiens, les Kurdes de Syrie ont désormais pour visée de se constituer en région autonome. De fait, les zones qu’ils sont parvenus à placer sous leur contrôle au cours des derniers mois sont relativement plus stables que les autres provinces du pays, où se déploie une violence aveugle. Le gouvernement régional kurde d’Irak, conduit par Massoud Barzani, figure tutélaire de la cause nationale kurde, voue une solidarité totale aux Kurdes syriens dans leur lutte contre Al-Qaïda et dans leur quête d’autonomie.

    Les Kurdes d’Irak ont en effet eux aussi à la fois essuyé les foudres de l’ancien régime baasiste et les attentats d’Al-Qaïda. Il était donc naturel qu’ils se rangent du côté de la mouvance kurde syrienne, et ce d’autant qu’approche à grands pas la tenue du Congrès national kurde à Erbil, capitale du Kurdistan irakien. Cette évolution est tout à fait cruciale car elle vient rappeler combien les Kurdes demeurent un élément central du conflit et, plus largement, de l’avenir de la Syrie et de la région dans son ensemble.


    Tags Tags :
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :