Quatre ans après son discours du Caire, c'est un président Barack Obama aux ambitions revues à la baisse qui revient au Proche-Orient, où, dit-il, il a surtout l'intention d'écouter mais pas d'annoncer de grands projets. M. Obama va entamer, mercredi 20 mars, sa première tournée à l'étranger depuis le début de son second mandat par une visite en Israël, pays allié par excellence des Etats-Unis mais où il n'était pas revenu depuis la campagne électorale de 2008. Pendant les quatre jours qu'il passera en Israël, dans les Territoires palestiniens et en Jordanie, des rencontres sont notamment prévues avec le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou, le président palestinien Mahmoud Abbas et son premier ministre Salam Fayyad.
"Il n'est pas question d'accomplir quoi que soit maintenant. C'est ce que j'appelle un voyage d'acompte", commente Aaron David Miller, qui a été conseiller pour le Proche-Orient de six secrétaires d'Etat. "N'espérez pas qu'un accord soit trouvé sur aucune des intiatives majeures", a renchéri Ben Rhodes, vice-conseiller à la sécurité nationale de Barack Obama. Mais, précise-t-il, lancer ces discussions "peut poser le cadre de décisions qui finiront par être prises".
Jetter les bases de relations israélo-américaines apaisées pourrait bien être l'objectif prioritaire de cette première visite officielle du président américain dans l'Etat hébreu, parallèlement à la discussion de dossiers-clé comme l'Iran ou la relance du processus de paix israélo-palestinien.
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- Le réchauffement des relations américano-israéliennes
Près de quatre ans après le début de sa relation souvent houleuse avec Benyamin Nétanyahou, la priorité de Barack Obama sera de poser les bases d'une relation apaisée avec Israël et de prendre la mesure de la nouvelle coalition au pouvoir en Israël. Le président américain s'apprête à adopter une nouvelle approche en s'adressant directement aux Israéliens plutôt qu'à leur premier ministre. Le temps fort de sa visite sera un discours devant des étudiants israéliens à Jérusalem. Il s'efforcera probablement de dissiper les réserves de l'opinion à son égard en soulignant son attachement à la sécurité d'Israël et à la défense de ses intérêts.
Le locataire de la Maison Blanche espère ainsi accroître ses moyens de pression sur un Benyamin Nétanyahou sorti affaibli des élections du 22 janvier. Le président américain pourrait également tirer parti de la situation régionale. Avec l'aggravation de la crise iranienne et de la guerre civile en Syrie, qui menace la stabilité de toute la région, les intérêts stratégiques des Etats-Unis et d'Israël ont rarement été aussi convergents.
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- Le nucléaire iranien
Le dossier du nucléaire iranien constitue la priorité de cette visite, pendant laquelle les deux hommes vont tenter de se mettre d'accord sur les démarches futures à entreprendre. Israël a menacé à plusieurs reprises l'Iran d'une action militaire, estimant qu'il pourrait obtenir l'arme nucléaire dans un délai de six mois. Beaucoup d'Israéliens attendent de Barack Obama davantage de fermeté, en particulier sur le plan militaire, pour dissuader l'Iran de se doter de la bombe atomique.
Or, le président américain ne semble pas prêt à aller plus loin, bien que Benyamin Nétanyahou lui demande avec insistance de fixer "une ligne rouge" à la république islamique. S'il ne cesse de rappeler que rien n'est exclu, y compris le recours à la force, le président américain a appelé à donner la priorité à l'action diplomatique et aux sanctions économiques. Selon lui, l'Iran, ne sera pas en mesure de se doter de l'arme nucléaire avant un an.
A la Maison Blanche, on estime que les moyens à mettre en oeuvre pour amener Téhéran à renoncer à ses ambitions nucléaires, toujours inavouées, ne font pas consensus dans l'opinion israélienne, ce qui devrait écarter pour le moment la perspective d'un recours à la force, dit-on de source proche du dossier. Obama plaidera donc la patience auprès de Benyamin Nétanyahou, ajoute-t-on. L'administration américaine espère toutefois qu'un nouvel engagement ferme en faveur de la sécurité d'Israël fera basculer l'opinion du côté de la diplomatie, plutôt que d'une option militaire lourde de conséquences.
- La relance du processus de paix israélo-palestinien
Si l'arrivée au pouvoir de M. Obama avait soulevé l'espoir de voir les Etats-Unis s'impliquer à nouveau dans le processus de paix israélo-palestinien, son bilan est particulièrement maigre. Les négociations sont dans l'impasse depuis 2010, toutes ses tentatives de relance ayant échoué. La Maison Blanche ne prévoit pas d'initiative particulière en la matière. A la veille de cette visite, le gouvernement israélien a d'ailleurs envoyé des messages contradictoires, le premier ministre se disant prêt, devant le Parlement, à un "compromis historique", tandis que son proche allié Avigdor Lieberman qualifiait les appels à la paix de "délirants".
<figure class="illustration_haut"> </figure>L'environnement géopolitique ne joue pas non plus en faveur d'une telle initiative : le régime égyptien de Hosni Moubarak, garant de stabilité et d'une "paix froide" avec Israël a été remplacé par une direction issue des Frères musulmans. A la frontière nord, la Syrie est aux prises avec une guerre civile meurtrière. Avec le printemps arabe, "il y a beaucoup de forces en mouvement et de tendances que les Etats-Unis ne sont pas en mesure de contrôler ou d'influencer", estime Haim Malka, chercheur au Centre d'études internationales et stratégiques, à Washington.
La faiblesse des attentes sur ce dossier pourrait toutefois permettre à Barack Obama et Benyamin Nétanyahou d'entamer des discussions franches sur le sujet. Pour Alan Elsner, vice-président du groupe J Street, militant pour la paix israélo-palestinienne, M. Obama pourrait surprendre en proposant aux deux camps des mesures de confiance réciproques, première étape d'une reprise de contact. Au cours de ses entretiens en face-à-face, le président américain pourrait déjà tenter de "persuader les deux camps de ne pas recourir à des actions de provocation unilatérales vouées à l'échec", analyse Haim Malka.
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- La libération de l'espion Jonathan Pollard
La détention de l'espion juif américain Jonathan Pollard, emprisonné aux Etats-Unis depuis plus de vingt-cinq ans, sera à nouveau évoquée par Benyamin Nétanyahou et le président Shimon Pérès, qui font de sa libération un objectif prioritaire. Cet ancien analyste de la marine américaine a été condamné à la prison à vie en 1987 pour avoir fourni à Israël des milliers de documents classés "secret défense" entre mai 1984 et son arrestation en novembre 1985. Il a été officiellement reconnu par l'Etat juif comme un agent israélien en 1998.
<figure class="illustration_haut"> </figure>Les nombreux efforts d'Israël pour obtenir sa libération se sont pour l'heure heurtés à une fin de non-recevoir. Le 14 mars, le président américain a réaffirmé sur une chaîne de télévision israélienne qu'il n'avait pas l'intention de le libérer "dans l'immédiat". M. Pollard, condamné pour espionnage pour le compte d'Israël, a "commis un crime très grave", a souligné M. Obama.