• Les Mormons polygames du Texas et de l'Utah investissent Perpignan

     Les Mormons polygames du Texas et de l'Utah investissent Perpignan

    Le reportage de l'Américaine Stéphanie Sinclair sur des femmes vivant dans une communauté mormone adepte de la polygamie a été récompensé d'un Visa d'or Magazine. Les photos ne laissent pas les festivaliers indifférents...
    Par Priscille LAFITTE , envoyée spéciale à Perpignan (texte)

    Les robes sont de couleur pastel et descendent jusqu'au mollet. Elles ont été cousues dans un tissu épais, légèrement brillant, mais assez rigide pour cacher les formes du corps. Les coiffures, volumineuses sur le haut du front, toutes identiques, donnent aux femmes de l'Église fondamentaliste de Jésus-Christ des saints des derniers jours une allure victorienne un peu figée. Une allure aussi singulière que leur mode de vie prônant la polygamie...


    POUR EXPLIQUER SA DÉMARCHE
    Stéphanie Sinclair, en reportage

    I want to let the subject tell the story. (Je veux laisser le reportage parler de lui-même)
    (écouter l'interview en anglais)
     
    Stéphanie Sinclair, photoreporter américaine, s'est d'abord fait connaître par ses travaux sur l'excision en Indonésie et sur le mariage forcé de fillettes en Afghanistan. C'est en 2008 qu'elle commence à s'intéresser à cette branche dissidente des mormons, qui s'est séparée de l'Église officielle au début des années 1900, par refus de rejeter la polygamie.


    Polygamie et abus sexuels sur mineurs

    Sa curiosité est piquée par un événement qui frappe une communauté mormone du Texas au printemps 2008. Une adolescente de 16 ans confie alors à une association d'aide aux victimes de violences conjugales qu'elle a été battue et violée par un homme de 49 ans, auquel elle avait été "mariée spirituellement" - en clair : unie avec un homme pratiquant la polygamie, illégale aux États-Unis. La police et les services sociaux effectuent un raid dans un vaste ranch, "Yearning for Zion", soupçonnent ses responsables de nombreux abus sexuels sur mineurs, et emportent des centaines d'enfants et de femmes dans des autocars. Mais jamais ils n'arriveront à identifier la jeune fille à l'origine de la confession.

    Pour Stéphanie Sinclair, la forte médiatisation de cette affaire a traumatisé les fondamentalistes mormones au point de resserrer encore les liens de la communauté, qui a désormais l'impression d'être "persécutée". Elle se documente pendant plusieurs mois, contacte les dirigeants de la secte et promet de ne pas effectuer de reportage qui chercherait à condamner leurs pratiques. Elle obtient même l'accord de Warren Jeffs, dit le "Prophète", incarcéré pour avoir célébré des mariages entre des hommes adultes et des mineures.

    La photojournaliste se dit féministe. Elle arbore tous les attributs de la femme indépendante : une vie trépidante à courir le monde, un appartement à New York, des tatouages sur les deux bras... Toutefois, elle est revenue sur les idées qu'elle s'était forgées avant de partir en reportage.



    Stéphanie Sinclair/VII pour "National Geographic"
    Stéphanie Sinclair/VII pour "National Geographic"
    La photojournaliste new-yorkaise a passé plusieurs mois consécutifs à gagner la confiance de cette communauté mormone pour accéder à sa vie quotidienne.


    La liberté de culte à tout prix ?

    Les photos de la communauté mormone rendent compte d'une vie soigneusement ordonnée, extrêmement pieuse, et très respectueuse des règles et des traditions. Les familles se dévoilent dans leur quotidien. Il y a la prière le matin dans le salon, sous le portrait de Warren Jeffs, les tâches agricoles dans les champs, les heures à s'occuper des troupeaux de mouton. Les jeunes filles n'ont pas 16 ans ou 17 ans qu'elles ont déjà un enfant.

    Parmi les moments forts saisis par la photographe, il y a l'anniversaire de l'un des anciens de la communauté, Joe Jessop. L'octogénaire exhibe fièrement ses cinq épouses, 46 enfants et 239 petits-enfants. Il explique que la polygamie est un privilège qui n'est accordé qu'aux hommes considérés comme pieux et très actifs dans la vie de la communauté. Il y a aussi cette scène de l'enterrement de la première épouse de l'un des hommes très en vue dans la secte. Pas moins de 5 000 personnes assistent aux obsèques et présentent leurs condoléances au veuf accompagné, pour l'occasion, de sa douzaine d'autres épouses.



    Stéphanie Sinclair/VII pour "National Geographic"
    Stéphanie Sinclair/VII pour "National Geographic"
    L'un des leaders de la communauté, Merril Jessop (au centre), reçoit les condoléances de ses 5 000 amis et connaissances, le jour des obsèques de sa première femme - et seule épouse légale -, Foneta Jessop. Ses autres épouses sont alignées derrière lui.


    Les mormons brandissent, pour leur défense, la liberté de pratiquer sa religion, un principe auquel une grande majorité d'Américains reste viscéralement attaché. La photoreporter avoue, elle, ne pas arriver à trancher le débat : la pratique de la polygamie est-elle une question de liberté individuelle ou la société a-t-elle son mot à dire ? À Perpignan, la question anime les terrasses à tapas et heurte fortement les consciences françaises. Le "New York Times" et le magazine "National Geographic" ont apposé leur sceau au reportage. Et les organisateurs du festival Visa pour l'image ont pris le parti de récompenser la démarche de la photographe avec le Visa d'or Magazine.



    visa2010



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