• Les Sénégalais semblent pencher pour Macky Sall

    Les Sénégalais semblent pencher pour Macky Sall

    Dimanche 25 mars, les Sénégalais sont appelés à choisir leur prochain président entre Abdoulaye Wade et Macky Sall.

    Des supporteurs de Macky Sall. 

    (SEYLLOU/AFP)

    Des supporteurs de Macky Sall. 

    La campagne du président sortant est conduite par ses fidèles, à l’image d’Amadou Sall, son porte-parole.

    Macky Sall déclenche l’enthousiasme populaire.

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     « Allô ? oui, je t’écoute. Quoi ? Le président veut aller se balader en banlieue, maintenant ! Une folie ! Cela se prépare. Il faut l’en dissuader. Il est décidé, j’ai compris. Alors, qu’il choisisse un quartier sûr »,  lance le ministre d’État Amadou Sall, porte-parole et directeur de la communication du candidat Abdoulaye Wade, à son interlocuteur au téléphone. Il raccroche, inquiet. « Imaginons qu’il se fasse huer ou caillasser, cela serait catastrophique pour son image à la veille du deuxième tour »,  ajoute-t-il.

    À improviser une telle sortie, le président sortant ne saurait-il plus quoi faire pour marquer les esprits ? « Pas du tout , répond Amadou Sall. Le Vieux affectionne les surprises. Et puis, il en a assez d’être enfermé dans son palais. Il est comme Chirac, il aime serrer les mains et caresser les vaches. »  Cet après-midi-là, Amadou Sall doit gérer les coups de tête de son candidat au téléphone. Comme tous les cadres du Parti démocratique sénégalais (PDS, le parti présidentiel), il est sur le terrain pour convaincre les électeurs de voter Abdoulaye Wade dimanche.

     « Nous avons décidé de conduire une campagne de proximité. En lieu et place des grands meetings du premier tour, nous privilégions les rencontres de voisinage, le contact direct avec les électeurs. Tous nos cadres sont mobilisés. De son côté, le président reçoit les Sénégalais au palais présidentiel pour des échanges directs. Nous préférons la discrétion au grand barnum »,  explique-t-il, le téléphone à la main.

    « Tant pis s’il y a deux ou trois personnes. »

    Aujourd’hui, il sillonne la grande banlieue où il doit participer à quatre réunions d’information politique. Mais le responsable de la première rencontre vient l’avertir : peu de monde s’est déplacé ! « Tant pis s’il y a deux ou trois personnes »  ,  dit Amadou Sall en s’engouffrant dans sa voiture. Vingt minutes plus tard, son chauffeur le dépose dans une rue de Thiaroye-sur-Mer où l’attendent une trentaine de femmes, assises sur des chaises en plastique. Parmi elles, des membres du PDS, mais aussi des abstentionnistes et des électrices de Moustapha Niass, l’un des candidats battus au premier tour, rallié à Macky Sall.

    Un animateur de la télévision publique s’est déplacé pour « chauffer » l’assemblée. La petite sono louée crache ses décibels. L’assemblée s’étoffe : on compte plus d’une centaine de participantes. Elles exposent leurs difficultés. « Nous n’avons pas d’éclairage public. La nuit, nous sommes sans défense contre les agressions et les voleurs » , dit l’une d’elles. 

    Le ministre les écoute avant de prendre, à son tour, la parole en wolof : « Abdoulaye Wade ne se bat pas pour profiter de l’argent du pays, il est trop âgé pour cela, mais il se lève tous les matins pour vous. Macky Sall préfère, lui, se battre pour donner des droits aux homosexuels. Il a déclaré vouloir ouvrir un débat sur le sujet. Il n’a pas compris que le Sénégal est un pays religieux qui rejette cette pratique . » Le propos fait mouche dans l’assistance.

    Sourire aux lèvres, Amadou Sall reprend la route. Il est attendu à Diamaguène, plus à l’est. La rencontre se déroule dans une ruelle, près d’une école. Une quarantaine de personnes sont présentes. « C’est le directeur de notre école qui nous a réunis. Nous avons confiance en lui, c’est un porteur de voix, nous votons pour le candidat qu’il nous indique »,  explique Fatou Faye, une commerçante d’une cinquantaine d’années. « Nous sommes ici pour soutenir Wade, pour lui donner l’occasion d’achever les travaux qu’il a engagés » , ajoute Ngavou Diagne, une ménagère de 33 ans. Amadou Sall ne prend pas la parole. Il est déjà tard.

    « Macky, président ! »

    Il serre quelques mains et s’engouffre à nouveau dans sa voiture pour aller à Tikine. Le voilà arrivé à son troisième rendez-vous. Une quarantaine de personnes l’attendent dans une ruelle. Parmi elles, cheikh Abdou Dioun, 58 ans, représentant des tailleurs du marché : « Je suis là pour soutenir l’action du président Wade. Il a fait beaucoup pour le Sénégal. Macky est trop jeune pour nous gouverner. »  « J’aime Wade, c’est comme ça. Il a rendu la césarienne gratuite »,  ajoute Ndeye Diouf, une vendeuse de petit déjeuner de 30 ans. « Je fais confiance au grand âge de Wade, à son expérience »,  complète Fatou Guyeye, 62 ans, ménagère. Amadou Sall les invite à convaincre leurs voisins et leurs amis d’aller voter Wade.

    En route pour son dernier rendez-vous, il tombe, soudain, sur la caravane de Macky Sall. Une vingtaine de voitures en file indienne, pour l’essentiel des jeunes gens joyeux, sono au vent. Cette fois, la foule s’est déplacée et elle scande d’une seule voix : « Macky, président ! »  Amadou Sall doit laisser passer la caravane. Derrière les vitres d’une grosse berline, un homme lui adresse un salut de la main : c’est le candidat à l’élection présidentielle !

    Caravanes et chanteurs à la mode

    Le contraste entre les deux manières de conduire la campagne est saisissant. Tout semble indiquer la fin d’un règne et le début d’une nouvelle page pour l’histoire du Sénégal. Résolu, Amadou Sall se rend à son dernier rendez-vous. Une cinquantaine de personnes l’attendent : ensemble, ils prient pour la victoire de leur candidat. À 23 h 30, le ministre regagne le centre-ville. Sa détermination semble inébranlable. « Nous gagnerons »,  lance-t-il, bien seul, cette nuit-là.

    Tout autre est la campagne de Macky Sall. Caravanes, grands meetings publics avec tribune, service de sécurité et chanteurs à la mode. Et plusieurs fois par jour. Le challenger n’économise pas sa peine. Derrière cette mise en scène impressionnante, un ancien compagnon de route d’Abdoulaye Wade, le Français Jean-Pierre Pierre-Bloch. « Nous sommes tous écœurés par la manière dont Wade a exercé le pouvoir dans ce pays. Je travaille pour Macky parce qu’il incarne une vraie alternative »,  explique-t-il, alors que Macky Sall est attendu à Rufisque, à 25 km de Dakar. Près de 10 000 personnes se sont déplacées. L’enthousiasme est palpable. Et la foule, d’applaudir à tout rompre le candidat dont chacun espère tant.

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    « Macky Sall est gentil »

     Marianne Faye Diop, infirmière de 26 ans, supporter de Macky Sall

    « Macky Sall est gentil, il va nous aider. Il a promis d’instaurer pour tous une sécurité sociale et de rendre les accouchements gratuits. Il va aussi faire baisser le prix des denrées de première nécessité, comme l’huile, le sucre et le riz. Ainsi, le kilo de riz passera de 6 000 FCFA (9,15 €) aujourd’hui à 3 500 FCFA (5,35 €). »

    LAURENT LARCHER (à Dakar et Rufisque)    


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