Les affrontements entre musulmans, majoritaires dans le nord du pays, et chrétiens ont été déclenchés par l'attaque de trois églises par des kamikazes dimanche à Kaduna et dans la ville voisine de Zaria, qui ont fait 19 morts.
Les trois attentats suicide n'ont pas été revendiqués mais les autorités soupçonnent la secte islamiste Boko Haram, qui prône l'instauration d'une stricte loi coranique dans le nord du pays. Ils ont été suivis de représailles sanglantes qui ont gagné mardi la ville de Damaturu, dans le nord-est du pays.
Dissipant l'espoir d'un retour au calme mercredi, des habitants de Kaduna ont déclaré que des jeunes chrétiens avaient attaqué les maisons d'un quartier musulman de Kaduna, et que la police avait abattu des assaillants.
Rabo Haladu, qui vit à Kaduna, a rapporté à Reuters par téléphone avoir vu des corps étendus par terre, tandis que l'Agence nationale des secours d'urgences a fait état d'un bilan d'une dizaine de morts, qui n'a pu être vérifié.
Face à cet accès de violence, le parlement a ouvertement reproché mercredi au président Goodluck Jonathan de s'être envolé pour le sommet brésilien de Rio+20 sur le développement durable.
La chambre basse s'était prononcée la veille pour que le président soit convoqué à son retour du Brésil et s'explique sur son absence.
"C'est comme si un chef de famille quittait son foyer en proie au feu, et trouvait plus opportun d'assister à une réunion portant sur la propreté de la place du village", a déclaré le parti d'opposition "Congrès pour un changement progressiste".
Le ministre de l'Information Labaran Maku a défendu le choix du président en soulignant que le monde était devenu une société virtuelle et que le président pouvait prendre des décisions où qu'il se trouve.
"VAINCRE LE MONSTRE"
Le chef d'état-major et l'inspecteur général de la police se sont rendus à Kaduna pour appeler à la fin des tensions interreligieuses. "Nous comprenons que l'emplacement unique de Kaduna en fait un mini Nigeria. C'est un grand défi pour lequel chacun d'entre nous doit se rassembler afin de vaincre le monstre", a déclaré le chef des armées.
Le pape Benoît XVI a par ailleurs appelé mercredi à la fin des "attaques terroristes" menées contre les chrétiens au Nigeria et a exhorté l'ensemble des parties concernées à ne pas se livrer à des représailles.
"Je suis avec une profonde inquiétude les informations en provenance du Nigeria où les attaques terroristes se poursuivent, notamment contre les chrétiens", a déclaré le pape lors de l'audience générale au Vatican.
"Je lance un appel aux responsables des violences pour qu'ils cessent immédiatement de verser le sang de nombreux innocents", a-t-il ajouté.
Boko Haram, qui veut imposer la "charia" (loi coranique) dans le nord du pays et restaurer un ancien califat islamique, serait allié à Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). Les insurgés ont tué des centaines de personnes depuis le lancement de la guérilla en 2009.
Garma Mohammed et Mike Oboh, avec Catherine Hornby à Rome; Julien Dury, Marine Pennetier et Hélène Duvigneau pour le service français