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    Levée de la censure de la presse en Birmanie : "L’autocensure reste une menace sérieuse"

    Capture de la première une sans censure du journal indépendant "Venus News Weekly", qui titre "Après plus de 48 ans, la censure a priori est abolie". La photo montre des journalistes en train de manifester contre la censure, à Rangoun, le 4 août dernier, avec des t-shirt avec l'inscription "Arrêtez de tuer la presse". 
      
    Le gouvernement birman a annoncé lundi 20 août  l’abolition de la censure officielle qui pesait sur les médias depuis un demi-siècle. Une initiative saluée comme une avancée démocratique. Notre Observateur, journaliste à Rangoun, estime toutefois que le chemin vers une vraie liberté de la presse reste semé d’embûches.
     
    Car si les journalistes ne seront plus tenus de soumettre leurs écrits aux autorités avant publication, le bureau de la censure n’a pas disparu et pourra toujours interdire, a posteriori, les publications qui ne lui conviennent pas. Le gouvernement n’a pas non plus supprimé les lois qui lui permettent d’arrêter des journalistes et de fermer les rédactions considérées comme une menace à la sécurité nationale. De plus, la presse indépendante reste soumise à l’interdiction de publier de manière quotidienne (seuls les hebdomadaires de la presse indépendante sont autorisés).
     
    Depuis la dissolution de la junte, en mars 2011, et la mise en place d’un gouvernement civil (au sein duquel siègent toujours d’anciens généraux), les autorités ont commencé à desserrer progressivement l’étau de la censure. Le nouveau gouvernement a en effet entamé une série de réformes importantes, incluant notamment la libération des prisonniers politiques. Et l’opposante Aung San Suu Kyi a pu faire son entrée au Parlement en avril 2012, après avoir été maintenue en résidence surveillée pendant 15 ans.
    Contributeurs

    “Cette initiative va encourager les journalistes à repousser les limites”

    Ye Naing Moe est journaliste indépendant à Rangoun.
     
    Beaucoup de journalistes saluent avec prudence cette annonce. Ils font preuve d’un optimisme modéré qu’ils tirent de leur expérience. Les journaux seront toujours contraints d’envoyer leurs articles au ministère de l’Information après publication et resteront toujours menacés de fermeture. Nous espérons néanmoins que ces dispositions disparaîtront , et que ceci ne sera qu’une phase transitoire.
     
    Les mesures annoncées par le gouvernement constituent malgré tout un grand pas en avant. Avant, nous journalistes, devions penser à la censure avant même de commencer de rédiger un article. Je ne pense pas que les journaux vont changer en profondeur leur façon de couvrir l'information. Mais cela devrait en revanche les encourager à repousser les limites.
     
    Au cours de l’année passée, les censeurs faisaient déjà preuve de plus d’ indulgence. Des journaux ont pu écrire sur l’opposante Aung San Suu Kyi et rendre compte de cas de corruption impliquant des fonctionnaires.
     
    Le grand public veut en savoir davantage sur la corruption. Je pense que c’est sur ce sujet que les journaux vont essayer d’aller plus loin. Il sera également intéressant de voir s’ils vont utiliser cette nouvelle liberté pour écrire sur le général Than Shwe [ancien chef de la junte militaire, ndlr] et ses amis militaires. Avant, c’était très compliqué d’en parler. Il se pourrait que ce soit toujours le cas aujourd’hui, vu que certains de ses amis font partie de l’actuel gouvernement.
     
    "La censure est dans nos propres têtes"
     
    Je pense qu’il sera toujours difficile de couvrir les conflits ethniques, car les journalistes pourraient être accusés par les autorités de "traiter avec des organisations illégales", comme le dit la loi. Quand je suis parti couvrir le conflit dans l’Etat de Kachin en mai denier, j’étais très nerveux parce que je courais le risque d’être arrêté. Heureusement, ce ne fût pas le cas, mais les autorités auraient facilement pu se servir de cette loi pour le faire.
     
    L'autocensure est une grave menace pour la liberté de la presse dans le pays. Nous avons vécu sous ce régime pendant cinq décennies, alors la censure est dans nos propres têtes. Il nous faudra du temps pour réaliser que les choses ont changé. Toutefois, les plus jeunes d’entre nous n’ont pas connu les mauvaises expériences qu’ont vécues nos aînés et ils semblent davantage prêts à affronter les défis de cette nouvelle ère.
     
    Pour le moment, la nouvelle loi sur les médias est notre première préoccupation [un texte a été soumis à plusieurs responsables de journaux en Birmanie afin qu’ils donnent leur avis. Il devrait déterminer un code de déontologie ainsi que les droits et devoirs des journalistes, ndlr]. Ce projet de loi devrait être bientôt soumis au vote du Parlement. Bien sûr, le ministère de l’Information affirme qu’elle constitue une formidable avancée. Mais tant que nous ne saurons pas ce que cette loi contient, nous resterons sur nos gardes.

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