Le groupe islamiste armé qui a revendiqué mercredi 16 janvier la prise d'otages sur le site gazier d'In Amenas, dans le centre-est de l'Algérie, près de la frontière libyenne, exploité par le groupe britannique BP, le norvégien Statoil et l'algérien Sonatrach, a réclamé dans un communiqué "l'arrêt de l'agression" au Mali.
"Nous annonçons avoir réussi une attaque de taille en réaction à (...) la croisade menée par les forces françaises au Mali", indique le communiqué rédigé par un groupe intitulé les Signataires par le sang ("La brigade Al-Mouthalimin"). C'est le nom que l'Algérien Mokhtar Belmokhtar, récemment destitué d'Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI), a donné à sa katiba (unité combattante).
Eclairage : Qui est la brigade Al-Mouthalimin ?"
"Nous affirmons que les otages sont plus de 40 croisés, dont 7 Américains et 2 Britanniques, parmi d'autres nationalités", poursuit l'organisation. "L'Algérie a été choisie comme scène de cette opération pour faire apprendre au [président algérien Abdelaziz] Bouteflika que nous n'accepterons jamais l'humiliation de l'honneur du peuple algérien (...) en ouvrant le ciel algérien à l'aviation française", précise le communiqué. "Cette opération s'inscrit aussi dans une campagne mondiale de lutte contre les Juifs et les croisés", selon le texte.
- Un Britannique et un Algérien tués
Selon Alger, deux personnes – un Britannique et un Algérien – ont été tuées dans l'opération. Le ministère des affaires étrangères algérien évoque aussi six blessés – deux étrangers, deux gendarmes et deux agents de sécurité.
Le ministre de l'intérieur algérien, Dahou Ould Kablia, a déclaré que les ravisseurs ne venaient pas du Mali ni de Libye, et précisé qu'il s'agissait d'un groupe d'"une vingtaine d'hommes issus de la région". Ils auraient demandé à quitter le pays avec les otages. Un employé du site, qui a requis l'anonymat, a aussi indiqué qu'ils réclamaient la libération de cent islamistes détenus en Algérie avant de relâcher leurs otages. Mais Alger refuse toute négociation sur ces points.
Plus tôt, l'attaque avait été revendiquée auprès de l'AFP par des combattants disant appartenir à Al-Qaida et venir du Mali, et affirmant agir en représailles à l'intervention militaire française menée dans ce pays. Les assaillants ont dit appartenir "à la brigade Khaled Aboul Abbas, Mokhtar Belmokhtar" – Belmokhtar, surnommé "le Borgne", étant l'un des chefs historiques d'Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI), qu'il a introduit dans le nord du Mali. El Watan évoque aussi des "terroristes de la katiba des Moulathamine, 'les signataires par le sang'". Or selon l'Agence Nouakchott d'information (ANI), Mokhtar Belmokhtar est à la tête de cette katiba.
- 150 employés de CIC Catering retenus
Selon l'agence de presse algérienne APS, des travailleurs algériens ont été libérés par leurs ravisseurs par petits groupes. Mais le PDG de CIS Catering, entreprise française qui assure des prestations de restauration, d'hôtellerie et de logistique, annonce sur Le JDD.fr que 150 de ses employés algériens sont encore retenus sur le site.
"Selon mes informations, un groupe d'une soixantaine de terroristes venus de pays voisins, surarmés et très bien équipés, a attaqué la base cette nuit. Ils auraient alors pris en otage tous les expatriés, quelle que soit leur nationalité, les auraient regroupés et attachés", ajoute-t-il. Selon le PDG, cité par l'AFP, alors que les étrangers sont "bloqués dans un coin et ne peuvent pas bouger", les employés algériens sont, eux, laissés en liberté sur la base, mais ne peuvent pas la quitter.
Le correspondant sur place du quotidien algérien El Watan évoque deux Français parmi les otages. Mais François Hollande a déclaré n'avoir pas de certitude sur la présence éventuelle de ressortissants de France. Le Quai d'Orsay a activé sa cellule de crise pour procéder à des "vérifications".
Les assaillants avaient affirmé avoir capturé sept Américains ; Washington a confirmé que des Américains figuraient parmi les otages. Tout comme l'ambassadeur britannique Martyn Roper, qui a donné confirmation sur son compte Twitter :
We can confirm that British Nationals are caught up in a terrorist incident in Ain Amenas.Continuing to work closely with local authorities.
Du côté de l'Irlande, le chef de la diplomatie a confirmé la présence d'un otage originaire de la province britannique d'Irlande du Nord, et a demandé sa libération immédiate. Le gouvernement japonais a quant à lui confirmé la présence d'otages nippons, et ajouté qu'il tentait de régler la situation "par voie diplomatique", comme le montre cette vidéo sous-titrée en anglais.
Le premier ministre norvégien a, lui, assuré que treize Norvégiens étaient retenus en otage. Plus tôt, l'épouse d'un Norvégien travaillant sur le site gazier a annoncé au journal local norvégien Bergens Tidende (BT) que son mari avait été pris en otage. "Mon mari m'a appelé ce matin, a déclaré la femme. Il a dit qu'il était pris. Il y avait quelqu'un qui lui dictait ce qu'il devait dire en anglais. La police a appelé le numéro qu'il m'a donné. La conversation a été coupée après quelques secondes."
- Menace de faire exploser le site
Selon El Watan, les assaillants sont toujours à l'intérieur du site. Des sources occidentales à Alger ont indiqué qu'une opération de l'armée algérienne était en cours contre eux. Selon le site Maghreb émergent, un porte-parole du groupe a aussi déclaré à une agence mauritanienne que l'armée et la gendarmerie algérienne encerclaient le site, qui aurait été miné, et a menacé de le faire exploser "si les forces armés algériennes ne se retirent pas".
Le site des Dernières Nouvelles d'Algérie cite un communiqué du ministère de l'intérieur algérien, selon lequel "un groupe de terroristes, fortement armés, arrivés à bord de trois véhicules, a investi mercredi à 5 heures la base-vie de Sonatrach à Tigantourine". "L'attaque a porté d'abord sur un bus qui quittait cette base, transportant des étrangers vers l'aéroport d'In Amenas." "Le groupe terroriste, après cette tentative avortée, s'est dirigé vers la base-vie dont il a investi une partie et y a pris en otage un nombre indéterminé de travailleurs", précise la même source.
- La frontière entre l'Algérie et le Mali fermée
Longtemps réticentes à voir la France intervenir à leur porte, les autorités algériennes ont annoncé la fermeture de leur frontière avec le Mali lundi, afin d'éviter un repli des islamistes hors de portée des forces françaises. Elles ont également autorisé le survol de leur territoire par les chasseurs français.
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C'est dans cette région algérienne proche de la frontière libyenne qu'une touriste italienne avait été enlevée en février 2011 par des membres d'AQMI, avant d'être libérée en avril 2012. Huit otages français sont par ailleurs déjà détenus au Sahel. Les menaces proférées par les groupes islamistes qui contrôlent le nord du Mali ont plongé leurs familles dans l'angoisse depuis le début de l'intervention militaire française, vendredi 11 janvier. François Hollande a déclaré mardi qu'il était "encore temps" pour les ravisseurs de "rendre à leurs familles" les otages.
Enfin, "en raison de la forte dégradation de la situation sécuritaire au Mali", le ministère des affaires étrangères déconseille fortement de se rendre dans la zone rouge de la carte ci-dessous : "les ressortissants français qui se trouveraient dans cette zone doivent savoir que leur liberté et leur vie sont explicitement et directement menacées. Aucune personne, aucun groupe, aucune organisation ne peut prétendre garantir leur sécurité."
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