Laurent Fabius, lors de la réunion des ministres des Affaires étrangères du groupe des pays "amis de la Syrie" à Doha, au Qatar. Les diplomates ont sommé l'Iran et le Hezbollah libanais de cesser d'intervenir dans le conflit syrien. /Photo prise le 22 juin 2013/REUTERS/Mohammed Dabbous (c) Reuters
par Lesley Wroughton et Amena Bakr
DOHA (Reuters) - Les "Amis du peuple syrien" se sont réunis samedi au Qatar pour coordonner plus étroitement leur aide aux insurgés qui combattent le régime de Bachar al Assad.
Washington souhaite que les ministres des Affaires étrangères des onze Etats-membres du groupe (Etats-Unis, France, Allemagne, Egypte, Italie, Jordanie, Qatar, Arabie saoudite, Turquie, Emirats arabes unis et Royaume-Uni) s'engagent à ce que toute l'aide aille au Conseil militaire suprême de l'Armée syrienne libre (ASL) pour enrayer l'émergence des forces djihadistes.
Jusqu'à présent, les Etats-Unis ne fournissaient aux rebelles qu'une aide non létale, sous forme de vivres et de médicaments, mais le gouvernement a revu sa position à la suite de la prise le 5 juin de la ville stratégique de Koussaïr par les forces gouvernementales, de l'implication de plus en plus grande du Hezbollah libanais aux côtés de Bachar al Assad et des annonces de la France et du Royaume-Uni concernant le recours aux armes chimiques par l'armée loyaliste.
La semaine dernière, Washington a annoncé être parvenu à la conclusion que les forces de Bachar al Assad avaient utilisé des armes chimiques, et a décidé de fournir une "assistance militaire directe" aux insurgés.
L'Arabie saoudite, à la pointe de l'aide aux opposants du régime bassiste, a quant à elle accru ses livraisons d'armes sophistiquées, selon deux hauts fonctionnaires du Golfe interrogés par Reuters.
"Au cours de la semaine écoulée, davantage de ces armes sont arrivées. Ils en obtiennent plus fréquemment", a dit l'un deux sans plus de précisions. L'autre a parlé de livraisons "potentiellement décisives".
Les rebelles réclament des armes antichars et anti-aériennes. Pour le cheikh Hamad ben Djassim al-Thani, chef du gouvernement et de la diplomatie qatarie, "la force est nécessaire pour obtenir la justice. Et la fourniture d'armes est le seul moyen d'obtenir la paix dans le cas syrien".
"Nous ne pouvons attendre du fait des divergences entre membres du Conseil de sécurité sur les moyens de régler le problème", a-t-il poursuivi, invitant par ailleurs le gouvernement libanais à faire le nécessaire pour limiter l'implication des miliciens chiites du Hezbollah.
L'IRAN ET LE HEZBOLLAH POINTÉS DU DOIGT
"Il faut mettre un terme à ce conflit qui devient de plus en plus un conflit religieux", a quant à lui souligné Laurent Fabius, ministre français des Affaires étrangères.
"Dans le texte que nous publions, nous exigeons que les Iraniens et le Hezbollah cessent d'intervenir dans le conflit", a-t-il ajouté, s'adressant à la presse en marge de la réunion.
Avant l'arrivée du secrétaire d'Etat John Kerry à Doha, un membre de l'administration américaine ayant requis l'anonymat avait souligné l'importance de ne passer que par le canal de la Coalition nationale syrienne, plus précisément du conseil militaire suprême que dirige le général Salim Idriss.
"Nos interlocuteurs doivent partager nos valeurs et les principes de démocratie et de pluralisme. C'est la raison pour laquelle M. Salim Idriss est notre interlocuteur", avait souligné vendredi le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, assurant toutefois que Paris n'avait pas encore livré d'armes aux rebelles.
"Si livraison d'armes il doit y avoir, elles ne pourront intervenir que sous un certain nombre de conditions. Nous avons clairement à l'esprit le précédent libyen, lorsque certains stocks d'armes s'étaient retrouvés dans les mains de groupes terroristes que nous combattions dans le Nord du Mali", a-t-il ajouté, évoquant les "filières" utilisées par la France pour acheminer jusqu'à présent une aide humanitaire ou du matériel non létal aux insurgés.
La Grande-Bretagne, qui n'a pas non plus pris de décision concernant les livraison d'armes, juge toutefois qu'un règlement négocié passe nécessairement par le renforcement de l'opposition.
"On n'obtiendra pas de solution politique si Assad et son régime pensent pouvoir éliminer l'opposition par la force et nous devons donc apporter une aide à cette opposition", a déclaré William Hague, chef de la diplomatie britannique, avant la réunion de Doha.
Selon un diplomate qui en a pris connaissance, le projet de communiqué final ne parle pas spécifiquement de livraisons d'armes aux insurgés, ni de l'éventuelle instauration d'une zone d'exclusion aérienne, dont l'idée serait à l'étude à Washington. Le texte recommande en revanche de faire pression sur le président syrien pour qu'il autorise plus largement l'acheminement de l'aide humanitaire.
Avec Julien Ponthus à Doha; Jean-Stéphane Brosse et Jean-Philippe Lefief pour le service français, édité par Henri-Pierre André