INTERVIEW

Danielle Simonnet, conseillère de Paris et candidate tête de liste du Parti de gauche pour les élections municipales, déplore la stratégie du PCF qui se dirige de plus en plus vers l’union avec le PS dès le premier tour aux municipales.

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Hier, 67% du conseil départemental du PCF de Paris s’est exprimé en faveur d’une alliance avec le Parti socialiste dès le premier tour pour les prochaines municipales. Pierre Laurent, patron du PCF, déclare dans le Parisien «partager cette proposition». Craignez-vous pour l’avenir du Front de gauche ?

Danielle Simonnet, en 2011.Cette volte-face de Pierre Laurent est pour moi assez incompréhensible et opportuniste. Décider que le PCF quitte le FDG à Paris, et fasse l’inverse à Marseille ? Cette décision me consterne. Mais je continue d’espérer que les militants communistes se prononceront pour leur poursuite dans le Front de gauche à Paris.

Avez-vous bon espoir quant à l’issue de ce vote, qui aura lieu les 17, 18 et 19 octobre prochains ?

Je n’ai pas de boule de cristal. Mais depuis ce matin je reçois des SMS de militants communistes qui me disent «ne lâche pas, Danielle». J’ai croisé des militants communistes effondrés, qui ne comprenennt pas pourquoi ils ne pourraient pas être autonomes sur Paris, alors que sur Marseille ils vont l’être. Cette situation est très grave. On ne peut pas dénoncer les politiques d’austérité, la casse des retraites, la rentrée catastrophique avec la réforme des rythmes scolaires, et faire alliance avec le PS. Car il y a une cohérence complète entre les politiques menées au gouvernement, les soumissions à l'austérité au niveau municipal, et les orientations de la candidate PS Anne Hidalgo. Nous devons rester unis et cohérents dans les urnes. Dans les quartiers populaires parisiens, il y a un très fort mécontentement : si on n’en est pas le réceptacle et le débouché, qui le sera ?

Vous pensez au Front national ?

En premier lieu, c’est l’abstention qui va en être l’énorme réceptacle. Et elle va permettre la surreprésentation du score du Front national, comme cela a été le cas à Brignoles. Il faut tirer les enseignements de cette élection partielle : le PS et ceux qui y sont associés s’effondrent. Le FN se présente comme la force en tête, grâce à l’abstention. Mais ils ne se préoccupent pas des acquis sociaux. Les députés FN étaient absents lors du vote sur la loi des retraites, ils n’ont pas voté ! Mais à Paris, le FN reste faible.

Dans l’hypothèse où vous partiriez seule, ne craignez-vous pas qu’une dispersion de l’électorat de gauche ne fasse le jeu du FN ?

Nous ne sommes pas seuls. Sept composantes sur les neuf que compte le Front de gauche souhaitent participer à des listes autonomes. Je n’exclus pas une grande surprise dans ce scrutin, au vu de la dynamique que nous lançons. Il est possible que le périmètre de rassemblement évolue vers un front plus large, un front du peuple. Ce sera à chacun de choisir en conscience, et pour les communistes, de savoir dans quel camp ils souhaitent agir. Si nous n’arrivons pas en tête, nous aurons à défaut rassemblé les nôtres, en restant libres sur nos choix politiques, sans aucune muselière.

Vous pensez aux écologistes ?

Je fais allusion à ceux qui participent à ce gouvernement. Je suis sûre que les militants communistes refuseront de prendre les mêmes muselières que les ministres d’EE-LV.

Ne craignez-vous pas que certains militants communistes votent pour une alliance avec le PS par peur de votre posture trop anti-PS sur le plan national ?

Pierre Laurent, lors de son discours à la fête de l’Humanité, était tout aussi dur que nous vis-à-vis de la politique nationale menée par le PS. Pour ma part, je continuerai à mettre en garde les socialistes sur leur stratégie d’explosion du FDG, et sur leur surenchère sécuritaire anti-Roms. A jouer la divison de la gauche et du peuple, à démissionner de la question sociale, ils risquent de provoquer de graves conséquences pour la démocratie et la République. Pas un jour ne se passe dans ma campagne sans que des personnes ne me parlent des Roms. Voilà le climat nauséabond qu’ils encouragent, comme s’ils étaient responsables de la spéculation immobilière, de la destruction des emplois... Ils encouragent à rendre victorieuse l’hégémonie culturelle des idées racistes. Ils jouent avec le feu.

Au vu de la stratégie du PCF à Paris, les discussions sont donc interrompues ?

Pas toutes. Mais nous avons interrompu celle sur la constitution des listes parce que nous estimons qu’elle ne pourra avoir lieu qu’une fois que les composantes auront tranché en faveur de la stratégie. Nous refusons de participer à un comparatif d’offres où le Front de gauche serait le lot de consolation, au cas où l’accord avec le Parti socialiste ne marcherait pas. Une seule composante ne peut s'autoriser à faire valoir le score de tout le FDG pour négocier pour elle-même, et provoquer une rupture en quittant la stratégie du Front de gauche. En cas d'accord politique sur la stratégie, je n'ai aucun doute que nous parviendrons à constituer des listes.

Cette posture du PCF met-elle en péril le Front de gauche pour les prochaines élections européennes ?

Il est très difficile de savoir ce qu’il va se passer. Pierre Laurent dit qu’en aucun cas cela ne remet en cause la bataille commune pour les européennes. Aujourd'hui la discussion n'a pas encore eu lieu dans mon parti ni dans le Front de gauche. Moi je dis qu'il y aura  un avant et un après le vote des militants communistes.

Que dites-vous aux militants du Parti communiste français qui devront voter dans quelques jours ?

J’espère que vous restaurerez la cohérence politique du PCF au sein du Front de gauche à Paris. Faites un vote de conviction, pour poursuivre la belle aventure commune.

Recueilli par Laura Fernandez Rodriguez