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Nafissatou Diallo, une femme de chambre prise à son propre piège
Dernière modification : 05/07/2011
Nafissatou Diallo, une femme de chambre prise à son propre piègeLa femme de chambre guinéenne de 32 ans qui prétend avoir été violée par Dominique Strauss-Kahn fait l'objet de toute les attentions médiatiques. Si elle maintient ses accusations, sa crédibilité a été mise en doute par de récentes révélations.Par Sarah LEDUC (texte)Ange ou démon ? Oie blanche ou prostituée ? Victime ou coupable ? Depuis les révélations du New York Times et la libération sur parole de Dominique Strauss-Kahn, vendredi dernier, par le tribunal de Manhattan, l’image lisse de Nafissatou Diallo, la jeune femme de chambre du Sofitel qui accuse l’ex-patron du Fonds monétaire international (FMI) de tentative de viol et d’agression sexuelle, s’est sensiblement ternie.
Oublié le portrait de la mère de famille célibataire de 32 ans qui multiplie les heures de travail pour élever sa fille de 16 ans dans un immeuble de briques rouges du Bronx, celle que la presse décrivait comme une femme discrète, sans histoire, habillée modestement et appréciée de ses voisins car "toujours aimable et ne faisant jamais de bruit".
Oubliée l’employée exemplaire qui brique sans rechigner les chambres luxueuses de l'hôtel depuis plus de trois ans, celle dont le directeur de l’établissement, Jorge Tito, avait dit qu'elle avait "donné entière satisfaction, tant en ce qui concerne la qualité de son travail que son comportement", celle que ses collègues disaient vouloir "prendre dans [leurs] bras pour la consoler".
Oubliée l’image de l’immigrée démunie, liane peule d’1m80 originaire du petit village de Tchakulé, sur les hauts plateaux de Guinée, fuyant les violences du régime de Lansana Conté pour trouver refuge aux États-Unis.
Oubliée, enfin, la jeune femme qui apparaissait comme une victime au-dessus de tout soupçon. Selon les révélations de la presse américaine et du bureau du procureur, Nafissatou Diallo entretiendrait en fait une relation avec un dealer de marijuana incarcéré dans l’Arizona, posséderait 100 000 dollars sur ses comptes en banque, jonglerait avec cinq lignes de téléphones portables et mentirait au fisc pour continuer de recevoir ses allocations. Le fossé ne pouvait être plus grand…
Parjure
D’après l’équipe du procureur Cyrus Vance Jr., Nafissatou Diallo a menti à plusieurs reprises. Et d’abord sur son emploi du temps après le viol présumé de la suite 2806.
Alors qu’elle avait déclaré sous serment être restée prostrée dans un couloir du 28e étage du Sofitel en quittant la chambre de DSK, elle a omis de préciser qu’elle en avait nettoyé une autre puis qu’elle était retournée dans celle de l’ancien directeur du FMI.
Elle a également menti aux autorités américaines sur son histoire personnelle, son parcours et ses expériences dans son pays d’origine lorsqu’elle a fait sa demande d’asile aux États-Unis, datée du 30 décembre 2004. Elle a notamment déclaré avoir été victime de viol par des gangs de Lansana Conté, l’ex-président guinéen, avant de revenir sur ses déclarations lors d’auditions ultérieures.
Les révélations du New York Times selon lesquelles les enquêteurs ont découvert "des lacunes majeures dans la crédibilité" de la plaignante avait déjà sérieusement sapé sa crédibilité. Selon le quotidien américain, les enquêteurs soupçonnent désormais Nafissatou Dialo d'être impliquée dans des activités criminelles comme le trafic de stupéfiants et le blanchiment d'argent.
Le New York Times a détaillé samedi le contenu d’une conversation téléphonique que celle-ci a eu le lendemain de son agression présumée par DSK avec son petit ami incarcéré en Arizona pour détention de 180 kg de marijuana. Au cours de celle-ci, elle lui aurait notamment dit : "Ne t’inquiète pas. Ce type a plein de fric, je sais ce que je fais".
Le tabloïd américain New York Post va plus loin encore : il accuse la plaignante de prostitution. Citant une source proche des avocats de la défense, le journal affirme qu’elle prodiguait ses services contre rémunération - qui ne se limitaient pas à "changer les serviettes de toilettes", précise peu subtilement le quotidien.
Maintien des poursuites
Autant de mensonges qui - même si certains sont indépendants de l’affaire DSK - ébranlent sérieusement la crédibilité de la supposée victime. Dans le système judiciaire américain, en effet, masquer ne serait qu’une seule fois la vérité suffit pour être taxé de parjure. Un crime passible de cinq ans de prison aux États-Unis...
Toutefois, malgré les inexactitudes contenues dans le récit de Nafissatou Diallo, les poursuites pour crimes sexuelles contre Dominique Strauss-Kahn n’ont pas été abandonnées. Selon le bureau du procureur, celle-ci "maintient qu'elle a été attaquée" et les tests ADN attestent qu'une relation sexuelle a bien eu lieu entre elle et DSK. Reste à prouver si elle était forcée ou non, ce que dément vigoureusement la défense.
"Si vous mentez, pouvez-vous pour autant être violée en toute impunité…?", interroge Frederick T. Davis, ancien procureur aujourd’hui avocat aux barreaux de Paris et de New York, contacté par FRANCE 24. Mentir sur sa déclaration aux services d’immigration, avoir une relation avec un dealer, ou même se prostituer n’annule pas la tentative de viol, si elle s’avère qu’elle a bien eu lieu.
Reste à savoir si les preuves réunies par le bureau de procureur (traces d’ADN, etc.) seront suffisamment solides pour se passer du témoignage de Nafissatou Dialo et mener l’affaire jusqu’au procès.
"Le fait qu’elle ait menti avant ne signifie pas forcément qu’elle ment maintenant. La question n’est pas de savoir si elle est crédible ou pas, mais d’évaluer si les preuves sont suffisamment solides pour convaincre le grand jury à l’unanimité", poursuit Frederick T. Davis.
Si tel n’est pas le cas, le procureur abandonnera les charges retenues contre DSK, qui sera intégralement blanchi. Et ce qu’il s’est réellement passé dans la suite 2806 en cette fin de matinée du 14 mai pourrait alors rester à jamais un mystère.
Tags : DSK, procureur, presse, justice
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