La mémoire est inséparable du travail du romancier. C'est ainsi que Patrick Modiano définit son métier lors de la réception de son prix Nobel de littérature, ce dimanche à Stockholm. Il recevra sa récompense mercredi 10 décembre. 

Le 15e lauréat français de ce prestigieux prix a été récompensé pour "l'art de la mémoire avec lequel il a fait surgir les destins les plus insaisissables et découvrir le monde vécu sous l'Occupation" nazie. Il estime que la mémoire est inséparable du travail du romancier. 

L'occupation a servi de matrice à ses livres

L'écrivain français de 69 ans était visiblement ému et très heureux de se trouver sous les ors de la majestueuse salle de la Bourse de l'Académie suédoise. L'auditoire était lui sous le charme. Pour certains, "il écrit merveilleusement. C'est comme lire de la poésie sous forme romanesque", pour d'autres "c'est de la culture au plus haut niveau. C'est un vrai honneur de rencontrer comme ça ceux qui créent". Tous sont unanimes devant le talent du Français. 

Sur la scène pour réciter son discours, le ton est d'abord hésitant, puis assuré. Modiano a exploré l'essence du rôle de l'écrivain,"prisonnier de son temps". Marqué par sa perception de l'époque dans laquelle il est né et dans laquelle il vit, Modiano se voit comme "un enfant de la guerre, (...), un enfant qui a dû sa naissance au Paris de l'occupation". Des souvenirs d'enfance qui "ont servi de matrice à mes livres, plus tard" juge-t-il. 

"Les réseaux sociaux entament la part d'intimité"

Loin du passé, il est bien un écrivain du XXIème siècle qui, comme ses pairs, peut éprouver une certaine nostalgie vis-à-vis des romanciers du XIXème car "le temps s'écoulait d'une manière plus lente qu'aujourd'hui et cette lenteur s'accordait au travail du romancier car il pouvait mieux concentrer son énergie et son attention". Selon lui, cela explique les différences entre "les grands massifs romanesques du passé (..) et les oeuvres discontinues et morcelées d'aujourd'hui". 

"Les réseaux sociaux entament la part d'intimité et de secret qui était encore notre bien jusqu'à une époque récente -le secret qui donnait de la profondeur aux personnes et pouvait être un grand thème romanesque", a-t-il poursuivi. Le romancier refuse pourtant de condamner Internet et la culture de l'immédiat véhiculée par les réseaux sociaux. 

La mémoire, "la vocation du romancier"

"Je suis persuadé que les écrivains du futur assureront la relève comme l'a fait chaque génération depuis Homère" car, a-t-il affirmé, l'écrivain "exprime toujours dans ses oeuvres quelque chose d'intemporel". 

Tour à tour acupuncteur, somnambule, voyant, sismographe, tout auteur est aussi un artiste: Modiano a expliqué ressentir une parenté avec aussi bien les peintres -tel Modigliani-, que les musiciens qui lui "semblaient pratiquer un art supérieur au roman". Mais l'art de Modiano est celui de la mémoire, il estime que "c'est sans doute la vocation du romancier, devant cette grande page blanche de l'oubli, de faire ressurgir quelques mots à moitié effacés".