Afficher sa détermination contre le terrorisme sans pour autant changer de cap : quatre jours après l’attaque de San Bernardino, Barack Obama a tenté dimanche soir de rassurer l’Amérique, lors d’une allocution solennelle depuis le Bureau ovale de la Maison Blanche. «La menace du terrorisme est réelle, mais nous la vaincrons. Nous détruirons l’Etat islamique et toute autre organisation qui chercherait à nous nuire», a martelé le président américain, vivement critiqué pour sa stratégie anti-Daech. Voire son absence de stratégie. D’après un sondage de CBS, réalisé fin novembre, seuls 23% des Américains estimaient que Barack Obama avait un plan clair pour combattre l’Etat islamique. Il y a fort à parier que les 77% restant n’ont pas été convaincus par son adresse à la nation.

Face à l’émotion suscitée par l’attentat de San Bernardino – le plus meurtrier aux Etats-Unis depuis le 11 septembre 2001 –, Barack Obama a répété que «la sécurité du peuple américain» restait «sa plus haute priorité». Dans la foulée du 11-Septembre, «nous avons renforcé nos défenses», a-t-il ajouté, soulignant que d’innombrables complots terroristes avaient été déjoués, le commandement d’Al-Qaeda décimé et Osama Ben Laden éliminé. Une manière de répliquer à ceux qui, à commencer par les républicains, l’accusent de faiblesse en matière de lutte anti-terroriste.

 «Une nouvelle phase»

En décalage avec l’anxiété actuelle, les chiffres montrent une Amérique relativement épargnée par le fléau terroriste. D’après le décompte du think-tank New America, le terrorisme islamiste a fait 45 morts - dont les 14 de San Bernardino - aux Etats-Unis depuis le 11 septembre 2001. Sur la même période, 48 personnes ont été tuées par des suprématistes blancs et plus de 200 000 meurtres de droit commun ont été commis.

«La menace terroriste est entrée ces dernières années dans une nouvelle phase, a toutefois reconnu Barack Obama. Les terroristes se tournent vers des actes de violence moins compliqués, comme des fusillades de masse». Les auteurs du massacre de San Bernardino – Syed Farook, un Américain de 28 ans, et son épouse pakistanaise Tashfeen Malik, 29 ans – incarnent cette nouvelle menace : un terrorisme de voisinage, perpétré par des individus auto-radicalisés qui se préparent sans être repérés et frappent des cibles impossibles à protéger. Barack Obama l’a d’ailleurs confirmé : à ce stade, rien n’indique que le jeune couple ait été dirigé par un groupe terroriste depuis l’étranger. «Mais il est clair que ces deux personnes avaient suivi le sombre chemin de la radicalisation», a-t-il ajouté. Sans revendiquer explicitement leur acte, l’EI a affirmé samedi qu’ils étaient des «partisans de l’Etat islamique».

Pas de changement stratégique

En dépit de la reconnaissance de cette « nouvelle phase », Barack Obama n’a annoncé ni changement stratégique, ni nouvelles actions. Tout juste a-t-il souhaité une plus grande coopération entre services de renseignements et géants du web pour détecter les signes de radicalisation. Il a également évoqué une révision de la procédure pour obtenir un visa de fiancé (dont a bénéficié Tashfeen Malik) et un renforcement des contrôles pour ceux qui entrent aux Etats-Unis sans visa (comme les citoyens européens).

Sur le plan militaire, Barack Obama a répété que les Etats-Unis ne se laisseraient pas entraîner dans une « longue et coûteuse » guerre au sol en Irak et en Syrie. La coalition de « 65 pays » qui bombarde les djihadistes depuis plus d’un an peut contribuer à « détruire l’Etat islamique », a assuré le président américain. Il a toutefois omis de préciser que les pays arabes, présentés par Washington comme des maillons essentiels de la coalition, étaient aux abonnés absents. D’après un responsable du Pentagone, cité il y a quelques jours par la presse américaine, l’Arabie Saoudite n’a pas mené la moindre frappe contre Daech depuis trois mois, les Emirats arabes unis depuis neuf mois.

Les républicains critiquent

Dès la fin de l’allocution de Barack Obama – la troisième seulement de sa présidence depuis le Bureau ovale –, ses adversaires républicains ont dénoncé l’absence d’inflexion stratégique. « L’ennemi s’adapte, nous devons le faire aussi. C’est pourquoi ce que j’ai entendu ce soir était si décevant : pas de nouveau plan, juste une tentative peu convaincante de défendre une politique vouée à l’échec », a réagi Paul Ryan, président de la Chambre des représentants. « C’est tout ? », a ironisé le milliardaire Donald Trump sur Twitter. « Il nous faut un nouveau président, et VITE ! », a ajouté le favori de la course à l’investiture républicaine.

Avare en nouvelles idées, Barack Obama a en revanche longuement insisté sur les écueils que les Etats-Unis devaient éviter. « Nous ne pouvons pas nous dresser les uns contre les autres en laissant ce combat être défini comme une guerre entre l’Amérique et l’islam. L’Etat islamique ne parle pas au nom de l’islam. Ce sont des voyous, des tueurs », a-t-il martelé.

Les musulmans sont «nos amis»

Tout en appelant les musulmans à assumer leurs responsabilités et à lutter – « sans excuse » - contre les idéologies extrémistes, Barack Obama a appelé les Américains à rejeter la discrimination, « la suspicion ou la haine ». Les musulmans américains sont « nos amis et nos voisins, nos collègues de travail, nos héros sportifs. Ils sont aussi nos hommes et femmes en uniforme prêts à mourir pour défendre notre pays. Nous devons nous souvenir de cela », a ajouté, l’air grave, le locataire de la Maison Blanche.

Sans les nommer, Barack Obama s’en est pris ouvertement à ceux qui, dans le camp républicain, proposent des tests religieux pour les réfugiés (Ted Cruz) ou un fichage des citoyens musulmans (Donald Trump). « Cette trahison de nos valeurs fait le jeu de groupes comme l’Etat islamique », a tancé le président américain. Avant de conclure : « Même en cette période de campagne, assurons-nous de ne pas oublier ce qui nous rend exceptionnels. N’oublions pas que la liberté est plus forte que la peur ».

Frédéric Autran Correspondant à New York