• Olivier Ferrand, socialiste à part

    Olivier Ferrand, socialiste à part

    <time datetime="2012-06-30T15:42:39+02:00" itemprop="datePublished">30 juin 2012 à 15:42</time> (Mis à jour: <time datetime="2012-06-30T15:59:17+02:00" itemprop="dateModified">15:59</time>)

    Olivier Ferrand, candidat PS dans les Bouches du Rhône, président du think tank Terra Nova.

    Olivier Ferrand, candidat PS dans les Bouches du Rhône, président du think tank Terra Nova. (Photo Frédéric Stucin pour Libération)

    portrait Cet intellectuel dont les prises de position hérissaient la gauche du PS avait enfin obtenu l'onction du suffrage universel en se faisant élire dans les Bouches-du-Rhône.

    Par LAURE BRETTON

    « Mais pas de problème, parlons-en ! ». Face à des socialistes souvent furibards de ses prises de position iconoclastes, c’était sa martingale. Olivier Ferrand, décédé brutalement samedi à 42 ans, aimait le débat d’idées. Tellement qu’il avait créé en 2008 une fondation, Terra Nova, pour « ré-outiller » le PS après la défaite présidentielle de 2007. Après, aussi, son propre échec à se faire élire député dans les Pyrénées-Orientales, lui le Marseillais d’origine, installé à Paris. « Il n’était ni dans le confort de pensée, ni dans le confort des institutions, se souvient François Kalfon, autre quadra remueur d’idées au PS. Quand il a perdu, il a choisi de créer son espace politique ex nihilo. Il avait une volonté de fer et de faire ».

    A lire aussi : le portrait d'Olivier Ferrand par Charlotte Rotman, paru le 4 juin dans Libération, et les informations de Libé Marseille.

    Social-démocrate assumé, énarque, ancien conseiller de Lionel Jospin pour les affaires européennes, Olivier Ferrand venait de réussir son pari : être un élu de la République. Des Bouches-du-Rhône. Sur des terres certes familiales – il était né à Marseille en 1969 – mais difficiles, où le Front national est arrivé en deuxième position derrière Nicolas Sarkozy au premier tour de la présidentielle.

    Mardi dernier, à l’heure de la rentrée parlementaire, l’homme aux allures d’ascète, la mèche brune folle, toujours sans cravate mais d’une classe discrète, posait, hilare, sur les marches du Palais-Bourbon. Entouré des autres députés socialistes de son département, la ministre Marie-Arlette Carlotti, le président de région Michel Vauzelle et Patrick Mennucci. Enfin là. « C’était un intellectuel, il s’engageait vers autre chose, une autre vie. On ne sait pas s’il l’aurait aimé », confie une de ses amies. La veille, dans les sous-sols de l’Assemblée, il séchait les débats byzantins de ses camarades sur les dates du futur congrès ou la composition des commissions parlementaires pour discuter dans les couloirs de la toute fraîche hausse du smic. Qu’il ne trouvait pas vraiment justifiée, pour des raisons de compétitivité. Lui prônait plutôt la revalorisation des minimas sociaux, dans un pays classé 23e sur 27 en la matière. Hélas, confiait-il, brûlant d’action face à un consensus intellectuel qu’il jugeait injuste, « en France, on ne peut rien bouger » dans ce domaine parce que « droite et gauche sont tétanisés par la loghorrée anti-assistanat ».

    Réflexion autonome

    Car Olivier Ferrand était un homme de réseaux, pas de courants. Ce qui est loin d’être un détail au Parti socialiste. « Il avait cette position particulière et assez unique d’être très proche des responsables politiques et le centre d’une réflexion autonome et indépendante », confirme la ministre des Affaires sociales, Marisol Touraine, « sonnée » par l’annonce de sa mort.

    Avec lui, la députée d’Indre-et-Loire avait tenu la « maison Strauss-Kahn » dans l’attente du retour du patron du FMI dans la course présidentielle. Mais lui avait pris soin de préciser qu’il ne prendrait pas position pendant la campagne. « Il avait décidé que ce n’était pas dans les jeux d’appareil qu’il voulait construire sa légitimité et mis toute son énergie ailleurs, dans les idées. C’était un boulimique », complète le jeune député Razzy Hammadi, membre de l’aile gauche du PS, pas vraiment la tasse de thé de Ferrand.

    Samedi, cette aile gauche réunie en colloque à l'Assemblée a appris la nouvelle de la bouche de Benoit Hamon. «C'était un type qui aimait creuser son sillon par le débat d'idées, ce qui est en soi une trajectoire ultra-respectable, souligne le ministre délégué à l'économie sociale. Après, d'accord ou pas d'accord c'était une autre histoire».

    Pour Bruno Julliard, Olivier Ferrand « connaissait parfaitement son monde, tous les éléphants du PS et il aurait pu être l’un des leurs mais il a fait gaffe à ne jamais l’être, rapporte Bruno Julliard. Beaucoup ne voyaient pas ça d’un bon œil mais lui se satisfaisait de ce côté un peu à part, un peu baroque ». Aujourd’hui conseiller du ministre de l’Education, Bruno Julliard était parti il y a deux ans en voyage d’études au Canada avec Olivier Ferrand. « C’était un type étonnant, toujours en action. Il faisait un jogging tous les matins alors que nous, avec le décalage horaire… ».

    Course

    C’est au retour d’une de ces séances de course quotidienne que ce sportif tous azimuts s’est effondré samedi, dans le mas familial de Velaux. Olivier Ferrand était marié et père d’une fille de 12 ans. Nouvel adepte du marathon, skieur émérite, sparring-partner de Lionel Jospin au tennis, il avait encore disputé une partie mercredi soir, après une journée à l’Assemblée. « C’était un compétiteur, c’est sûr », lâche François Kalfon. A tous les niveaux. Des 35 rapports publiés par Terra Nova – de la dissuasion nucléaire à la réforme des retraites - certains ont fait voir rouge à nombre de « camarades ». Comme son étude sur les classes populaires, sortie au printemps 2010, qui seraient désormais trop éloignées du PS. Le hic c’est qu’il recommandait au PS de se concentrer sur ses nouvelles zones de chalandise électorale : les centres-villes, le haut du panier des classes moyennes diplômées, ces fameux « gagnants de la mondialisation ». « Son diagnostic n’était pas faux mais il ne fallait évidemment pas abandonner cet électorat», constate Kalfon, pilier de la « gauche populaire ».

    Loin de faire l’unanimité au PS au départ, l’idée de primaires ouvertes a été importée par Ferrand et Arnaud Montebourg, partis bras dessus bras dessous étudier le modèle Obama aux Etats-Unis. « Tout le monde, Martine Aubry comprise, le trouvait trop radical. Et puis, on a compris que non seulement il fallait en passer par là mais que c’était la condition de notre victoire », dit aujourd’hui un secrétaire national.

    Rebelote pour l’axe central de campagne de François Hollande, qui n’était pourtant pas un proche : un rapport de Terra Nova avait dès la fin 2010 attiré l’œil du futur candidat socialiste. Mercredi, autour d’un verre à la buvette de l’Assemblée, Olivier Ferrand et Razzy Hammadi avaient d’ailleurs mis en route un nouveau projet : une fondation pour faire émerger des jeunes dirigeants notamment dans les quartiers populaires. Et une fois de plus, les tâches s’étaient réparties naturellement : «A nous l’organisationnel, à lui le travail sur le fond ».


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