Paris (AFP) - En admettant que la "pause fiscale" promise pour 2014 par François Hollande ne serait en fait "effective" qu'en 2015, Jean-Marc Ayrault a créé un embrouillamini au sommet de l'Etat dont s'est emparé mercredi l'opposition.
La porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem, n'a pas dissipé le malaise en assurant à l'issue du Conseil des ministres que "concrètement, nous commençons bel et bien dès l'année 2014 la pause fiscale qui se confirmera en 2015".
Il s'agit en termes de prélèvements obligatoires pour les Français en 2014 "d'une quasi-stabilisation et on sera à la stabilisation totale en 2015", a-t-elle expliqué, appelant à "ne pas créer des coins là où il n'y en a pas".
Le président de la République avait pourtant été catégorique le 30 août dans Le Monde: "grâce à l'engagement de substantielles économies, le temps est venu de faire - plus tôt qu'il n'avait été prévu - une pause fiscale".
Face au "ras-le-bol fiscal" des Français relayé cet été par Pierre Moscovici, ministre de l'Economie, M. Hollande avait réitéré cet engagement dimanche sur TF1. "En 2014, nous aurions pu poursuivre dans cette trajectoire d'augmenter les impôts. Qu'est-ce que j'ai décidé ? De faire d'abord des économies".
Mais patatras! deux jours plus tard, son Premier ministre reconnait dans Metronews que cette promesse ne sera en fait "effective" qu'en 2015.
M. Ayrault, qui ne cache pas en privé que des efforts sont encore nécessaires malgré le début de reprise économique qui s'amorce, admet que les contribuables seront encore mis à contribution l'an prochain, entre la hausse programmée de la TVA, la baisse du quotient familial ou encore la hausse des cotisations retraite.
Cette sortie a brouillé la communication du gouvernement deux jours après les explications données par M. Hollande, même si 69% des Français ne croyaient pas à cette promesse, selon un sondage CSA-Les Echos-Institut Montaigne publié le 5 septembre.
"Dans le programme de stabilité, il était prévu une hausse de la fiscalité de 0,3 point du PIB mais finalement, ce sera 0,05 point, ce qui est proche de 0", fait valoir une source gouvernementale.
Secouée ces derniers jours par de nouvelles tensions liées aux déclarations de François Fillon sur le FN, l'UMP s'est immédiatement engouffrée dans la brèche pour dénoncer ces contradictions au sommet de l'Etat.
"Le gouvernement sur le sujet aura utilisé tout l'éventail des expressions, dans un concours de sémantique: on allait +augmenter les impôts le moins possible+ après ce fut une +pause fiscale+, finalement c'est un +ralentissement+, après un +ralentissement de la hausse+", a raillé sur i>TELE la candidate UMP à la mairie de Paris, Nathalie Kosciusko-Morizet.
Le gouvernement n'a pas trouvé "la touche pause"
"On voit chaque jour de nouvelles idées surgir, donc je crois que ce n'est pas crédible, ce n'est pas crédible pour 2014, et il n'y a aucune raison de penser que ça le sera pour 2015", a renchéri le maire de Bordeaux, Alain Juppé, invité de "Questions d'Info" LCP/FranceInfo/AFP/LeMonde.
"Un Premier ministre qui recadre un président de la République, c'est du jamais vu. On est dans le cafouillage le plus total et ça sent terriblement l'improvisation", a fustigé auprès de l'AFP et LCP la députée UMP des Yvelines, Valérie Pécresse, pour qui "le gouvernement n'a pas trouvé la touche pause".
Les centristes s'en sont aussi donné à coeur joie, le président de l'UDI, Jean-Louis Borloo, s'étonnant dès mardi soir que le Premier ministre "contredise" le chef de l'Etat.
Le président du MoDem, François Bayrou, a aussi dénoncé sur France Info un gouvernement "enfermé dans une impasse, enlisé, où aucune promesse n'est respectée".
Ségolène Royal, présidente PS de Poitou-Charentes, est venue à la rescousse du gouvernement.
"Ce n'est pas du tout incompatible: il y a un objectif à moyen terme 2015 et la volonté politique est de le réaliser avant", a expliqué Mme Royal sur Radio Classique-LCI.
Selon elle, "quand on est au mois de décembre (2014) ou de janvier (2015), il y a un mois d'écart, il ne faut pas chercher de polémique là où il n'y en a pas".