par Gilbert Kreijger et Thomas Escritt
AMSTERDAM (Reuters) - Des élections législatives anticipées semblent inéluctables aux Pays-Bas, où l'échec des négociations budgétaires met en question la trajectoire de redressement des comptes publics du pays et la ratification du Pacte budgétaire européen.
Le Premier ministre libéral Mark Rutte, qui a confirmé samedi l'impasse des discussions engagées début mars avec le Parti de la Liberté (PVV) de Geert Wilders, a précisé qu'il réunirait un conseil des ministres exceptionnel ce lundi et qu'il essaierait de parvenir à un accord avec l'opposition parlementaire.
Mais même s'il parvient à différer une crise sur le budget, la perspective d'élections législatives anticipées dans les semaines ou les mois à venir s'est accrue.
Et l'incertitude qui irait de pair avec une entrée en campagne risque de modifier le calendrier du rétablissement des comptes publics et de compliquer la ratification du Pacte budgétaire signé par 25 des 27 Etats membres de l'UE pour renforcer le contrôle sur les politiques budgétaires, un revers pour les Pays-Bas, l'un des quatre derniers pays de la zone euro à bénéficier encore d'un triple A sur sa dette souveraine.
"Il faut s'attendre désormais à des élections", a reconnu Mark Rutte samedi lors d'une conférence de presse.
Les Pays-Bas sont dirigés depuis octobre 2010 par un gouvernement minoritaire formé par les libéraux du VVD et les Chrétiens-démocrates (CDA).
Le Parti de la Liberté (PVV) de Wilders, qui n'appartient pas au gouvernement, le soutenait au Parlement. Mais l'alliance a volé en éclats lors des négociations amorcées début mars sur les moyens de dégager 14 à 16 milliards d'euros d'économies budgétaires nécessaires pour ramener le déficit budgétaire sous le plafond des 3% du PIB.
Le "paquet" de mesures en discussion comprenait un gel des salaires, une augmentation du taux de la TVA et une baisse des subventions aux crédits immobiliers, baisse qu'ont farouchement rejetée les négociateurs du parti de Wilders.
"Ce 'paquet' aurait nui à notre économie pour les années à venir et accentué le chômage. Et tout cela pour respecter l'exigence de Bruxelles, acceptée par les libéraux, de revenir à 3% de déficit en 2013", a dit à la presse le dirigeant du parti xénophobe anti-immigrés, dénonçant des "diktats" européens.
"LES PAYS-BAS NE PEUVENT PLUS JOUER LE RÔLE DE MODÈLE"
D'après le Bureau central de planification (CPB), le déficit du budget devrait s'élever à 4,6% du PIB cette année et en 2013, ce qui place les Pays-Bas dans le même "bateau budgétaire" que les pays dits "périphériques", comme la Grèce ou le Portugal, dont les Pays-Bas ont dénoncé avec force le "laxisme budgétaire".
"Les Pays-Bas sont confrontés aux mêmes problèmes que l'Italie et l'Espagne", estime le CPB dans un rapport publié le mois dernier. En conséquence de quoi, l'agence gouvernementale a appelé le gouvernement Rutte à baisser les dépenses publiques et mettre en oeuvre des réformes structurelles pour relancer l'économie et conserver la confiance des marchés.
"Les Pays-Bas ne peuvent plus jouer le rôle de modèle pour les autres. Il pourrait y avoir dans des pays tiers une réaction du genre 'Si eux ne le font pas, pourquoi le devrions-nous ?' Ce risque existe, et il est déplaisant", souligne l'économiste Jaap Koelewijn.
Selon un sondage publié dimanche, l'électorat néerlandais demeure très fragmenté, et des législatives anticipées pourraient déboucher sur un Parlement morcelé, compliquant la formation d'une nouvelle coalition.
D'après cette enquête, menée par l'institut Maurice de Hond après l'annonce de l'échec des discussions, aucun parti ne disposerait de la majorité. Les Libéraux de Mark Rutte s'en sortiraient cependant les mieux, progressant par rapport aux précédentes législatives avec 33 des 150 sièges du Parlement, contre 31 dans l'actuelle législature.
Ils seraient suivis du Parti socialiste, eurosceptique (30 sièges) et du Parti travailliste, pro-européen (24 sièges). Les chrétiens démocrates reculeraient à onze sièges et le parti de Wilders à 19.
Nouveau signe de la lassitude des Néerlandais face aux efforts qui leur ont été demandés depuis le début de la crise de la dette dans la zone euro, le sondage révèle également qu'une majorité des personnes interrogées (57%) prônent des économies inférieures à ce qu'attend l'UE .
"Les électeurs d'affiliations politiques différentes partagent la même opinion: du dégoût ou de la déception à l'égard de l'action politique et des partis politiques", souligne l'institut, qui précise que les deux tiers de son échantillon se sont dit d'accord avec la proposition: "Tous les partis politiques me fatiguent".
Si les Pays-Bas ne réduisent pas leurs dépenses publiques, ils risquent probablement de perdre à leur tour leur triple A.
Jeudi dernier, un analyste de l'agence de notation Fitch a prévenu que "les Pays-Bas (étaient) à deux doigts d'une mesure négative".
L'incertitude sur le budget, les réformes et l'issue des législatives pourrait avoir pour effet d'augmenter les taux auxquels les Pays-Bas se financent sur les marchés obligataires de la dette souveraine.
"Le coût du financement des Pays-Bas va légèrement augmenter par rapport à l'Allemagne, mais notre dette est principalement à long terme. Les Pays-Bas n'ont pas d'importants besoins de refinancement dans les toutes prochaines années", note l'économiste Sweder van Wijnbergen.
Avec Sara Webb et Anthony Deutsch; Henri-Pierre André pour le service français