Pierre Fabre est décédé samedi matin à son domicile du Tarn à l’âge de 87 ans, après avoir bâti en 50 ans un empire pharmaceutique international. Mais tout au long de sa carrière, il a tenu à conserver aux laboratoires Pierre Fabre leur ancrage régional dans son Tarn natal, un attachement viscéral également concrétisé depuis 25 ans par son soutien financier au Castres Olympique, champion de France en titre de rugby.
Né à Castres le 16 avril 1926, d’abord simple pharmacien d’officine, ce «self-made man» à la française est décédé samedi matin à son domicile d’En Doyse à Lavaur, des suites d’une longue maladie, a-t-on indiqué de source proche du groupe.
Les hommages se sont succédé dès sa mort connue, le Medef déplorant «une immense perte» tandis que les hommes politiques de Midi-Pyrénées parlaient «du deuil de toute une région». Le président François Hollande a salué «un entrepreneur exceptionnel» qui «fut constamment en avance sur son temps», et le ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg un «défenseur du patriotisme industriel».
A Castres, une ville de 45.000 habitants, la pharmacie où tout a commencé existe toujours. En 1961, Pierre Fabre, qui a alors 35 ans, y invente le premier veinotonique et crée le laboratoire qui porte son nom. Quatre ans plus tard, il acquiert les laboratoires Klorane, point de départ de ses activités dans la dermo-cosmétique, qui représente aujourd’hui plus de la moitié (53%) des revenus du groupe, soit 1,045 milliard d’euros sur 1,978 milliard d’euros fin 2012.
Il compte 10.000 salariés dans le monde, dont 6.700 en France, un ancrage national rare pour une entreprise de cette taille, forte de 42 filiales et diffusant ses produits dans 130 pays.
L’homme était d’une légendaire discrétion et son groupe non coté en bourse n’était pas tenu de communiquer ses résultats. Pierre Fabre n’en exerçait plus officiellement la direction opérationnelle, mais n’avait jamais vraiment lâché les rênes, comme en témoigne la valse des directeurs généraux depuis une quinzaine d’années.
Célibataire sans enfant, il s’était soucié de longue date de garantir l’indépendance du groupe après lui. Il avait ainsi fait don de 65% du capital à la fondation d’utilité publique qui porte son nom via une société financière Pierre Fabre Participations. Le président Hollande a salué cette volonté de préparer sa succession «avec le souci constant de ses salariés et d’assurer l’avenir de sa société».
La société a indiqué dans l’après-midi qu’elle communiquera prochainement les dispositions prises pour poursuivre «l’aventure (…) dans le respect des valeurs et des volontés de son président et fondateur».
A titre personnel, Pierre Fabre avait aussi investi de longue date dans les médias à travers sa société Sud Communication. Il a notamment possédé Sud Radio revendue en 2005 et contrôle le groupe de presse Valmonde, qui édite notamment l’hebdomadaire Valeurs actuelles. Il possède aussi 6% du groupe La Dépêche du Midi.
Il s’était en partie désengagé des médias en revendant en 2011 l’agence Sipa Press au groupe allemand DAPD, puis en cédant en juin 2013 sept titres de presse locale au groupe Centre-France-La Montagne.
L’homme fort de Castres, souvent dépeint comme autoritaire, était plutôt classé à droite, mais il a reçu tour à tour au Carla, une splendide résidence réservée aux invités de marque, les politiques de tous bords, de Valéry Giscard d’Estaing à Michel Rocard, de Nicolas Sarkozy à Laurent Fabius, en passant par Jacques Chirac.
Le 30 mai dernier, il s’était entretenu quelques minutes avec le président de la République François Hollande, venu inaugurer l’extension d’une de ses unités de production dermo-cosmétique à Soual près de Castres.
Cet attachement à la région natale, Pierre Fabre l’avait marqué en 2012 pesant de tout son poids aux côtés des chefs d’entreprise du Tarn en faveur du projet controversé d’autoroute Toulouse-Castres.
Son soutien au Castres Olympique avait des motifs moins économiques, mais il fut indéfectible depuis qu’il en avait pris le contrôle en 1987.
«Pierre Fabre pourrait se passer du Castres Olympique mais le Castres Olympique ne pourrait pas se passer de Pierre Fabre», résumait ainsi au moment du titre 2013, Pierre-Yves Revol, président du club pendant 20 ans puis de la LNR de 2008 à 2012, souvent considéré comme son fils spirituel.