Les fans de 007 risquent d'être surpris. Dans Skyfall, le 23e épisode des aventures de James Bond, sorti le 26 octobre, l'agent secret interprété par Daniel Craig boit une bière Heineken. Certains vont crier au scandale en voyant l'agent de Sa Très Gracieuse Majesté siffler une petite mousse tel un vulgaire supporter de foot.
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Mais si ce mélange des genres ne gêne pas les producteurs, Michael Wilson et Barbara Broccoli, les deux représentants de la famille propriétaire des droits, qui coproduisent le film avec la MGM (Sony Pictures étant le distributeur), c'est bien parce que leur modèle économique fonctionne à merveille. "Aussi étonnant que cela puisse paraître, les marques présentes dans le film ne paient rien aux producteurs", révèle Jean-Patrick Flandé, responsable de l'agence Film Media Consultant, qui place les marques dans les James Bond. Selon une habitude très ancienne (dès Dr. No en 1962), les producteurs sélectionnent des marques utiles au scénario, et celles-ci s'engagent à communiquer massivement au moment de la sortie du film.
Un paiement en publicité
Pour le dernier opus, aux 170 millions d'euros investis dans la production, viennent donc s'ajouter plus de 100 millions d'investissements en marketing intégralement payés par les partenaires. Un battage tel qu'il a permis aux précédents épisodes de rapporter au minimum trois fois leur mise de départ. "Nous ne payons pas de royalties, mais nous dépensons 60 millions d'euros en publicité, c'est notre plus grosse campagne de l'année", confirme Sandrine Huijgen, directrice de la communication globale du brasseur hollandais. En outre, comme la plupart des partenaires, Heineken utilise l'image de Bond sur des millions de bouteilles.
Parmi les autres marques présentes dans le film, toute la panoplie Sony: les ordinateurs Vaio, les téléphones, les téléviseurs Sony Bravia. Coup de chance, 007 adore les gadgets électroniques issus du laboratoire du MI6. "Nous en profitons pour faire découvrir notre nouveau smartphone Xperia T", indique Laurent La Rocca, directeur marketing de Sony Mobile France. L'image de l'agent britannique permet à la marque de rappeler qu'il n'y a pas que l'iPhone sur le marché.
Coca-Cola s'y met aussi
C'est cette image très masculine et moderne qu'a voulu capter aussi Coca-Cola Zero. Le soda sans sucre veut convaincre les hommes que l'on peut renoncer aux calories sans perdre sa virilité. D'où l'idée de s'associer à l'espion anglais sans toutefois apparaître dans le film. "Le plan multimédia est très puissant: télévision, cinéma, Internet, points de vente, packaging..., reconnaissent les responsables de Coca-Cola Company. Quatre-vingt millions de canettes Coca Zero James Bond ont été éditées".
Enfin, une poignée de marques s'en sortent encore mieux. Il s'agit des historiques, celles choisies par Albert Broccoli lui-même (décédé en 1996). Ainsi, Aston Martin est présent dans quasiment tous les films, sans avoir jamais offert quoi que ce soit en échange. De même, le champagne Bollinger et les montres Omega (Swatch Group) font partie de la panoplie de base du héros sans grosses contreparties. "Il y a une réelle fidélité entre les familles Broccoli et Bollinger, signale Jérôme Philipon, PDG de la maison de champagne, qui va sortir un coffret James Bond baptisé 002, car il contient un millésime 2002. Nous sommes très attentifs à poursuivre cette histoire, mais nous serions bien incapables de payer des royalties à James Bond pour la publicité qu'il nous fait dans le monde entier". Si l'espion répugne à utiliser son permis de tuer, il n'a aucune hésitation, en revanche, à user de son talent de vendeur.