par Oliver Holmes
BEYROUTH (Reuters) - Les combats entre soldats gouvernementaux et insurgés se sont poursuivis mardi en Syrie, à quelques heures de la date butoir fixée par l'émissaire international Kofi Annan pour le retrait de l'armée de Bachar al Assad des zones urbaines.
L'entrée en vigueur du plan de paix mis au point par l'envoyé spécial de l'Onu et de la Ligue arabe semble de plus en plus compromise, Damas ayant posé des conditions au retrait de ses troupes et de ses armes lourdes des secteurs résidentiels tout en affirmant avoir entamé le processus.
Les forces loyalistes sont censées se retirer des villes avant minuit locales (21h00 GMT) mais le plan Annan accorde ensuite aux rebelles jusqu'à jeudi 06h00 locales (03h00 GMT) pour cesser le feu, délai qui inquiète le gouvernement syrien.
Lors d'une escale en Turquie, où il a visité des camps de réfugiés syriens, Kofi Annan a fait état d'informations contradictoires selon lesquelles l'armée syrienne se retirait comme prévu de certains secteurs mais se déployait parallèlement dans d'autres zones qui n'étaient pas jusqu'ici concernées par les opérations militaires.
Il a jugé prématuré de dire si son plan avait échoué et a réitéré son appel à la fin des combats, sans condition préalable, d'ici jeudi.
En visite à Moscou, le chef de la diplomatie syrienne, Walid al Moualem, a assuré que Damas avait commencé à appliquer le plan mais a demandé que les rebelles observent sans attendre un cessez-le-feu.
L'Armée syrienne libre (ASL), fer de lance de la lutte armée contre le régime de Bachar al Assad, ne veut pour sa part observer une trêve que lorsqu'elle sera sûre que les gouvernementaux se sont retirés des centres urbains.
LES "MENSONGES" DE DAMAS
A Genève, la porte-parole du Conseil national syrien (CNS), principale organe de l'opposition, a dit ne constater aucun signe d'un retrait de l'armée. Basma Kodmani a ajouté que Kofi Annan devrait demander au Conseil de sécurité de l'Onu de revoir son plan si les combats ne cessent pas d'ici jeudi.
A l'issue d'un entretien avec son homologue russe, Sergueï Lavrov, le ministre syrien des Affaires étrangères a estimé que la fin des combats et le déploiement sur le terrain d'observateurs des Nations unies devaient être concomitants.
Il a réitéré l'exigence du régime syrien d'obtenir des "garanties" de la part de Kofi Annan que les rebelles respecteront bien le cessez-le-feu.
Kofi Annan s'est engagé au cours d'un récent entretien téléphonique à ce que les "groupes terroristes" soient désarmés une fois la trêve entrée en vigueur, a dit Walid al Moualem.
Un porte-parole des rebelles a affirmé de son côté que l'équipe du diplomate ghanéen n'avait jamais évoqué la question d'un désarmement lors de ses contacts avec eux.
Pour la France, les déclarations syriennes sur un début de retrait sont un "mensonge flagrant et inacceptable".
"Les déclarations ce (mardi) matin du ministre des Affaires étrangères syrien affirmant une première mise en oeuvre par le régime de Damas du plan de M. Annan sont une nouvelle expression de ce mensonge flagrant et inacceptable", a déclaré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Bernard Valero.
Sur le terrain, de violents bombardements ont visé les quartiers de Khalidya et de Bayada à Homs, à 150 km au nord de Damas, où des militants de l'opposition affirment que 26 personnes au moins ont été tuées. Six soldats gouvernementaux ont été tués par les insurgés qui ont attaqué deux barrages routiers près de la ville de Markada, dans le désert de l'est du pays, au sud de la frontière turque.
DES BLINDÉS TOUJOURS À HOMS ET HAMA
Dans la nuit de lundi à mardi, la ville de Hama a également subi des bombardements, rapporte l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH). Quatre personnes ont été tuées dans une opération de l'armée à Kafar Zeita, au nord de Hama. Des fusillades ont aussi été signalées à Deraa, berceau de l'insurrection dans le sud du pays, près de la Jordanie. Des blindés restent déployés à Homs et Hama, selon l'opposition.
La Chine, qui avec la Russie a opposé par deux fois son veto à une résolution du Conseil de sécurité de l'Onu condamnant les autorités syriennes, a dit espérer que toutes les parties se plieront aux directives du plan Annan, afin de mettre fin à treize mois de violences.
Ces violences ont fait plus de 9.000 morts dans la population civile depuis la mi-mars 2011, selon les chiffres de l'Onu. Le gouvernement syrien affirme pour sa part que les "groupes terroristes armés" ont tué plus de 2.500 membres des forces de sécurité.
Les combats ont forcé des milliers de civils à fuir à l'étranger, notamment en Turquie où près de 25.000 personnes déplacées sont accueillies dans de camps proches de la frontière.
Lundi, des tirs transfrontaliers ont fait cinq blessés, dont deux ressortissants turcs, dans l'un de ces camps, à Kilis.
Le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, a dit sa colère devant l'attitude des soldats syriens. "Ils tirent même dans le dos des gens qui s'enfuient. Ils n'ont aucune pitié, ils tirent sur les femmes et les enfants", a-t-il déclaré à l'agence anatolienne de presse.
Le chef du gouvernement turc a ajouté qu'en cas de violation de la frontière par l'armée syrienne, Ankara réagirait "en accord avec le droit international". Recep Tayyip Erdogan verra vendredi à Ryad le roi Abdallah d'Arabie saoudite et la Syrie sera au centre de leurs entretiens.
Avec les rédactions d'Ankara, Genève, Londres, Amman, Moscou et Pékin; Tangi Salaün et Guy Kerivel pour le service français édité par Gilles Trequesser