• Quand les fonctionnaires turcs traquent l'obscénité en littérature

    29 août 2011 - 13H00  

    Quand les fonctionnaires turcs traquent l'obscénité en littérature
     

    Ils sont médecin, spécialiste de l'économie agraire, imam ou encore psychologue. Une mission réunit ces dix honorables citoyens turcs: la lutte contre l'obscénité.

    Ils sont médecin, spécialiste de l'économie agraire, imam ou encore psychologue. Une mission réunit ces dix honorables citoyens turcs: la lutte contre l'obscénité.

    Le mois dernier, le comité, qui dépend des services du Premier ministre, a contraint un nouveau magazine de caricatures, Harakiri, à mettre la clé sous la porte avec une forte amende pour obscénité.

     

    Le mois dernier, le comité, qui dépend des services du Premier ministre, a contraint un nouveau magazine de caricatures, Harakiri, à mettre la clé sous la porte avec une forte amende pour obscénité.

    AFP -   Ils sont médecin, spécialiste de l'économie agraire, imam ou encore psychologue. Une mission réunit ces dix honorables citoyens turcs: la lutte contre l'obscénité.

    Le Comité de protection des mineurs contre les publications nuisibles est convoqué par le ministère public à chaque fois qu'une oeuvre littéraire est suspectée d'obscénité. Il traque aussi l'immoralité au quotidien dans la presse turque. 

     

    Parmi les derniers écrivains dont un roman a été déclaré obscène et sans mérite littéraire par ce comité figurent les Américains Chuck Palahniuk, auteur de "Fight Club", et William Burroughs, chef de file de la Beat Generation.

    Le procès de "La Machine molle" de Burroughs est imminent tandis que l'enquête sur "Snuff" de Palahniuk est en cours.

    Le mois dernier, le comité, qui dépend des services du Premier ministre, a contraint un nouveau magazine de caricatures, Harakiri, à mettre la clé sous la porte avec une forte amende pour obscénité.

    L'institution a motivé sa décision en affirmant que le magazine "encourage les relations hors mariage", aussi bien que "la paresse et l'aventurisme", a rapporté la presse.

    "Un magazine de caricatures n'encourage qu'une seule chose: la lecture", rétorque le dessinateur M. K. Perker, le fondateur de la revue, aujourd'hui basé à New York, dont les dessins sont publiés dans le New York Times et le Wall Street Journal.

    Le comité peut aussi ordonner la vente des périodiques "obscènes" sous un emballage en plastique noir.

    "Il s'agit de tentatives pour dissuader les éditeurs. C'est une attaque contre notre liberté d'expression", martèle l'éditeur Irfan Sanci au sujet du sort réservé par le comité à "La Machine Molle".

    Le comité a conclu que le roman de Burroughs "n'a pas de valeur littéraire (...) en raison d'un manque d'intégrité de son contenu", et "n'a pas d'utilité pour le monde intellectuel des lecteurs".

    "Ce comité n'est pas qualifié pour prendre des décisions concernant la littérature", juge M. Sanci, récompensé en 2010 du Prix de la liberté de l'Association internationale des éditeurs.

    "Bien sûr qu'il existe des publications qui peuvent affecter négativement les enfants. Le comité doit surveiller cela, mais (...) il n'y a aucun pédagogue ou auteur pour enfant dans cette institution", estime le président de l'Union des éditeurs de Turquie, Metin Celal Zeynioglu.

    "Je n'ai jamais vu ce comité prendre une seule décision dans un dossier concernant des enfants", insiste M. Zeynioglu.

    La plupart de ses membres proviennent de différents ministères comprenant la Santé, la Justice, la Culture et l'Education, aux côtés d'un imam nommé par la Direction des Affaires religieuses, d'un universitaire et d'un journaliste.

    Contacté par l'AFP, son président, Ruhi Özbilgiç, un expert en économie agraire, a refusé de s'exprimer.

    Pour Irfan Sanci, l'action du comité n'est pas liée à l'accession au pouvoir en 2002 du Parti de la justice et du développement (AKP), issu de la mouvance islamiste.

    "Ce comité a été fondé en 1927. Il est lié à la philosophie fondatrice de la République, commente l'éditeur, dont dix livres ont été poursuivis en vingt ans.

    "J'ai été poursuivi pour un roman de l'auteur français Jeanne Cordelier avant l'arrivée de l'AKP", indique-t-il. Le roman, "La Dérobade", un témoignage sur la prostitution, a été vendu sous emballage plastique noir dans les années 1990.

    Pour M. Zeynioglu cependant, la nature des publications censurées évolue au gré de "l'atmosphère politique".

    "Dans le passé, les gens étaient poursuivis parce qu'ils faisaient de la propagande religieuse. Plus tard, les procès ont été ouverts pour insulte aux valeurs religieuses", a-t-il observé.


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