• Quand Rachida Dati poignarde François Fillon dans le dos sans se soucier de la vérité

    Quand Rachida Dati poignarde François Fillon dans le dos sans se soucier de la vérité

    Modifié le 21-11-2012 à 13h07    lien

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    LE PLUS. Invitée de BFM TV, Rachida Dati a éreinté François Fillon sous tous les angles, usant même d'arguments peu conformes à la vérité au sujet d'événements tragiques vécus par l'ancien Premier ministre. La ligne jaune morale a-t-elle été franchie dans l'affrontement politique ? Décryptage de Bruno Roger-Petit.

    Édité par Louise Pothier   Auteur parrainé par Benoît Raphaël

    Rachida Dati lors d'un meeting de Jean-François Copé le 8 novembre 2012, avant son élection à la tête de l'UMP. (Sipa)

    Rachida Dati lors d'un meeting de Jean-François Copé le 8 novembre 2012, avant son élection à la tête de l'UMP. (Sipa)

     

    Rachida Dati est-elle aveuglée par la haine qu'elle semble vouer à François Fillon au point d'en perdre tout sens commun politique ? Qui a vu sur BFM TV l'ancienne garde des sceaux piétiner, enfoncer, enterrer l'apparent vaincu de dimanche soir (à 98 voix près) ne peut que s'interroger à ce sujet tant les propos tenus ont été empreints d'une violence et d'un mépris inhabituel à ce niveau de responsabilité politique. Il n'était plus question de jouir simplement de la revanche prise sur un adversaire politique qui vous a autrefois bousculé, il s'agissait de tuer symboliquement l'ennemi suprême, le nier jusqu'à l'effacer, quitte à prendre quelques aises avec l'histoire. 

     

    Tantôt victime, tantôt cruelle

     

    Rachida Dati est le pendant droitier d'Audrey Pulvar, exhibant, selon son bon plaisir, une vie publique réduite aux aléas du privé tant que cela arrange sa communication people, puis se posant en victime d'une presse infâme et immorale quand cela ne lui sied plus. C'est divertissant, à bien des égards, sauf quand l'usage des armes de destruction médiatique massive vire à la pratique déloyale.

     

    Donc, Rachida Dati a tapé sur Fillon mettant successivement en cause :

     

    - Son tempérament : "C'est quelqu'un qui est orgueilleux, qui a du mal à accepter quand ça ne va pas comme il veut."

     

    - Ses mauvaises manières lorsqu'il décida de se présenter dans la circonscription parisienne guignée par Rachida Dati : "J'avais été un peu déçue que venant se présenter là où j'étais élue il ne m’ait jamais appelée pour former un rassemblement. Quand on est considéré comme un homme d’État, ça ne se fait pas."

     

    - Son côté mauvais perdant après la "victoire" de Jean-François Copé : "Il avait dit, 'quel que soit le vainqueur, il n'y aura pas de vainqueur ni de vaincu'. Il n'en est pas là, il conteste encore un peu.

     

    - Sn manque de fair play : "Il n'avait pas été très gentil avec lui quand Jean-François Copé l'a appelé."

     

    N'en jetez plus...

     

    Un procédé destructeur

     

    Toute à l'ivresse de la victoire, Rachida Dati s'est aussi livrée à une sortie sur le cursus honorum électoral de Fillon, qui, à l'en croire, n'aurait rien eu d'honorable : "Si vous regardez sa vie parlementaire, il avait pris le fauteuil de quelqu'un d'autre, qui était décédé, ensuite il est parti au Sénat. C'est la première fois qu'il avance à visage découvert."

     

    C'est sur ce dernier point que l'observateur, qui connait un peu son histoire de la Ve République, a recours à l'indispensable et moderne pratique du fact checking, car en vérité, l'argument de Rachida Dati est très éloigné de la réalité.

     

    Élu pour la première fois député en 1981, à vingt sept ans, en pleine vague rose mitterrandienne, François Fillon n'a pas "pris le fauteuil de quelqu'un d'autre, qui était décédé", il a succédé à un élu suite à son décès imprévu et imprévisible, donc tragique, élu dont il était l'assistant parlementaire. Joel Le Theule, grande figure, plusieurs fois ministre des vingt premières années de la Ve, fut en effet la victime d'un malaise cardiaque, à la fin du mois de décembre 1980, sous les yeux d'un François Fillon impuissant tandis que ce dernier l'emmenait en urgence à l’hôpital suite à une première alerte.

     

    C'est donc à la suite de ce terrible événement que François Fillon, considéré par tous, dans la Sarthe, comme l'héritier politique direct de Joel Le Theule, fut amené à reprendre un à un tous ses mandats électoraux. Il n'a pas "pris le fauteuil de quelqu'un d'autre qui était décédé", il s'est inscrit dans une filiation politique légitimée par les électeurs durant trente ans. Ces précisions modifient quelque peu la perspective tracée par Rachida Dati.

     

    Rachida Dati peut elle ignorer l'épisode ? Si oui, c'est grave. Si non, c'est encore plus grave. Car procéder ainsi à l'évocation de cet événement dans une saillie destinée à accabler François Fillon ne relève plus de la bataille politique traditionnelle mais traduit une volonté de blesser, d'humilier en usant du procédé le plus destructeur : l'insinuation.

     

    Nul doute que François Fillon a du se sentir poignardé dans le dos en découvrant ces propos, si éloignés de la réalité.

     

    Révélateur du nouvel état d'esprit de l'UMP ?

     

    Cette sortie de Rachida Dati; que l'on a tant vu s'afficher aux cotés de Jean-François Copé, triomphante et rayonnante, est-elle le révélateur du traitement que les nouveaux dirigeants de l'UMP entendent infliger à François Fillon, en dépit des proclamations bienveillantes de Copé ? Selon nos informations, le principal intéressé ne nourrit guère d'illusions à ce sujet.

     

    D'une façon générale, Rachida Dati est-elle emblématique des nouvelles mœurs en vigueur à l'UMP ? On ne change pas une équipe qui gagne.

     

    La politique à l'UMP, sous le règne de Jean-François Copé, dans le prolongement des années Sarkozy, se résumera-t-elle, encore et toujours, à l'exhibition permanente des dérives narcisso-people de personnalités réduisant la vie publique à l'annihilation totale de leur surmoi ?

     

    Compte tenu des événements des derniers jours, des tensions, des clivages et des ressentiments, l'intérêt politique de Rachida Dati (et Jean-François Copé ?) commanderait plutôt d'afficher envers François Fillon bienveillance et tempérance, c'est une évidence, "C'est la base" même, comme disent les jeunes de l'époque. Mais prisonnière de de son impulsivité et de son égo,de ce "moi-je" caractéristique de nos élites contemporaines, Rachida Dati semble avoir oublié les leçons de Machiavel (c'est toujours chic de terminer sur une citation de classique) : "Un acte de justice et de douceur a souvent plus de pouvoir sur le cœur des hommes que la violence et la barbarie."


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