• Quelques arpents de vigne, une cabane en pierre, un goût de liberté

    Quelques arpents de vigne, une cabane en pierre, un goût de liberté

    Cet été, les chibottes sur la route de Vals-prés-Le Puy avaient un air de bories méridionales. Avec ses collègues muraillers, Fabien Habauzit, un habitant de Mézères, avait travaillé à remettre en état ces cabanes de paysans en pierre-sèches alors que le soleil cognait durement et se réverbérait sur leurs parois de pierre noire. Il ne manquait que les cigales. Mais en plein mois de décembre, avec une petite pluie ennuyeuse et le froid qui prend vite le bout des doigts si on ne se sert pas d'une tronçonneuse ou d'une cisaille, elles se fondent nettement plus dans le territoire et dans le climat passablement rude de la Haute-Loire.

    En hiver, les chibottes se fondent dans le décor de la Haute-Loire. © Antonin Sabot / LeMonde.fr

    En ce début d'hiver, Fabien Habauzit et Manuel Duveau sont pourtant revenus travailler sur le site. Un peu plus loin que le "sentier des chibottes", qu'ils ont restauré pour le compte de la région et de l'agglomération du Puy, ils défrichent une parcelle qui contient une de ces petites cabanes, au cœur d'un terrain aménagé en de belles terrasses.

    Le projet, s'il fait suite à la restauration de cet été est pourtant conçu autour d'une logique bien différente. Novatrice. Cet été, les deux muraillers n'étaient que les exécutants d'une demande des pouvoirs publics. Cette fois, ils sont partie prenante de la remise en état des lieux et ne veulent pas juste "faire joli" : "On va planter de la vigne ici", annonce Manuel. Pourtant le terrain ne lui appartient pas.   C'est la ville de Vals qui l'a acheté et Fabien et lui ont proposé de le remettre en état et de restaurer la chibotte qui s'y tient. Ensuite ils maintiendront le tout en état contre le droit de l'exploiter.  

    Manuel Duveau a déjà commencé à défricher le terrain où il aimerait planter de la vigne. ©Antonin Sabot / LeMonde.fr

    L'affaire n'est pas encore conclue, mais dans l'idée que s'en font Manuel et Fabien, il s'agirait d'une nouvelle sorte de partenariat public/privé. Bien éloignés des délégations de pouvoirs pharaoniques et complexes que l'on voit souvent pour la gestion de l'eau ou des cantines scolaires, Manuel et Fabien ne rêvent que de pouvoir exercer leur savoir-faire, non contre rétribution, mais contre le droit d'utiliser ce terrain. Il s'engageraient ensuite à exploiter le sol de manière écologique et selon un cahier des charges établi entre eux et la mairie. A leurs yeux, il s'agit d'un échange entre un peu de moyens financiers (à l'échelle de la commune) et les compétences des deux hommes. Une sorte de location de terrain dont le tarif serait la préservation d'un patrimoine culturel et agricole.

    A l'échelle d'une collectivité, le prix à payer ne semble pas trop lourd. Une fois le terrain acheté et la la chibotte restaurée, il ne resterait que des pieds de vignes à acheter pour ensuite voir la parcelle entretenue et son patrimoine préservé. "Trois mille pieds de vigne à 1,5 euros, c'est pas grand'chose pour eux, si ? estime Manuel. Alors que pour Fabien et moi, c'est pas possible d'investir ça. Notre part à nous, c'est notre force de travail."

    Ce n'est pas la révolution verte, mais déjà en été Fabien m'avait parlé de ses envies d'exploiter des terres laissées à l'abandon. "Y'a plein de gens qui aimeraient cultiver un bout de terre, se rendre un peu plus indépendants", expliquait-il. Mais il s'était alors heurté à une certaine incompréhension et à l'attachement des gens du coin à la terre. Ce bout de terrain en friches détenu par une collectivité locale semble alors une aubaine pour commencer un changement de paradigme. "Il y a une continuité non ?", raisonne Fabien, en pensant à ce nouveau projet. Plus besoin d'être propriétaire d'un terrain pour en faire quelque chose d'utile.

    Rien n'est encore signé et les détails du cahier des charges sont encore loin d'être posés.   Mais, premier signe positif selon Fabien et Manuel, "la mairie a montré qu'elle voulait faire quelque chose des chibottes" et ne pas laisser tomber dans l'oubli le petit patrimoine, celui des paysans et de temps pas si éloignés mais déjà un peu oubliés  . Ceux où on devait exploiter le moindre recoin de terre pour survivre et où ces pentes emplies de cailloux étaient une vraie richesse, pas un espace abandonné.

    Les deux hommes parlent déjà des travaux à mener. "On défriche et ensuite il faudra préparer un peu la terre. Remonter quelques murs des terrasses. L'an prochain, engrais vert, et ensuite on plante les vignes." Ils rêvent du vin qu'ils feront par ici, grâce au micro-climat que créent les énormes quantités de pierres volcaniques en emmagasinant puis en restituant la chaleur du soleil. "Et le terroir ici, c'est de la bombe, souffle Manuel. De la terre de volcan. La chaleur, tu la sens dans le vin."

    ©Antonin Sabot / LeMonde.fr

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    Cet été, le réalisateur Sylvain Lion a tourné un documentaire sur la restauration des chibottes de Vals. Vous pouvez en voir les premières minutes ici :

    Chibotte, la main de l'homme


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