Un cadre sur deux a passé un test lors de son recrutement, selon l'enquête Sourcing cadres 2013 de l'Apec. Parmi eux, 90% ont été testés sur leur personnalité. Mais cela permet-il aux employeurs de trouver la bonne personne qui répondra aux exigences du poste qu'ils cherchent à affecter?
Selon Jean Pralong, professeur de Gestion des Ressources Humaines, la réponse est clairement non. "Ces tests mesurent objectivement et rationnellement une notion -la personnalité du candidat- mais ce critère est totalement inutile et constitue un médiocre prédicateur de performance. C'est comme faire passer un scanner du cerveau à quelqu'un qui a une jambe cassée!", illustre celui qui est également titulaire de la Chaire Nouvelles Carrière de NEOMA Business School.
Tests sérieux
Pour argumenter son propos, Jean Pralong et la chaire Nouvelles Carrières de NEOMA Business School ont réalisé une étude dont les résultats sont dévoilés lundi 10 février. Les auteurs de cette enquête ont synthétisé le résultat de 76 articles de recherche publiés dans des revues scientifiques internationales. Bilan: "La personnalité prédit très modestement voire pas du tout la rémunération, le maintien dans l'emploi à court, moyen et long terme, l'évolution hiérarchique et même la satisfaction dans le poste. Ces résultats sont avérés sur des populations de cadres et de non cadres, en France, en Europe et aux Etats-Unis".
Pourtant, il s'agit de tests plutôt sérieux. Les techniques baroques (comme la graphologie, l'astrologie, la tarologie, la numérologie) sont désormais rarement utilisées. Et ce pour deux raisons: d'une part la fonction RH s'est énormément professionnalisées ces vingt dernières années. Et surtout leur utilisation est encadrée par la loi (article L.121-7 du code du Travail).
Schémas cognitifs
"Les tests de personnalités sont utiles quand ils sont bien faits et bien employés", défend encore Gilles Azzopardi. Selon le psychosociologue-auteur de nombreux livres: "Les tests bien faits s'appuient sur une grille psychologique valide, c'est-à-dire qu'ils préviennent d'un certain nombre de biais : cognitifs, de verbalité, d'acquiescement. Et bien employé signifient qu'on leur donne une valeur indicative et non prédictive.
Il ne faut pas prendre les recruteurs pour des imbéciles! Ils connaissent les limites de ces tests et cela leur permet de choisir entre plusieurs candidats. Car quand les salariés présentent de nombreuses compétences, c'est leur personnalité qui fera la différence en fin de course."
Mais rien à faire, la chaire Nouvelles Carrières persiste: "l'évaluation de la personnalité en situation de recrutement révèle moins les caractéristiques réelles des candidats que leur connaissance des stéréotypes et des attendes supposées des recruteurs". Dur, pour un marché estimé à 10 d'euros par an en France et où les prix ont de quelques centaines à quelques milliers d'euros.
Alors, que faudrait-il tester ? Pour les auteurs de l'étude, "l'évaluation des schémas cognitifs est la piste la plus prometteuse. Ces schémas permettent de comprendre comment un individu traite l'information et gère ses comportements".
Seulement, "il n'existe pas de tests de ce genre pour des recrutements", reconnaît Jean Pralong.