• Reportage : À Trappes, dialogue de sourds entre jeunes et policiers

    Dernière modification : 24/07/2013 

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    Reportage : À Trappes, dialogue de sourds entre jeunes et policiers

    Reportage : À Trappes, dialogue de sourds entre jeunes et policiers
    © AFP

    Alors que Trappes a été secouée par des violences le week-end dernier, FRANCE 24 a rencontré des jeunes de la ville qui dénoncent le comportement "régulièrement agressif" des policiers. Reportage.

    Par Charlotte BOITIAUX , envoyée spéciale à Trappes (texte)
     

    Il n’en démord pas : tant que le comportement de la police ne changera pas, "la tension va continuer à monter" à Trappes. Les propos d'Abdoulaye, un jeune de 18 ans du quartier des Merisiers, épicentre des émeutes des 19 et 20 juillet, sont aussi cinglants qu’intransigeants. Il faut dire que le jeune garçon, casquette vissée sur la tête et jogging tombant sur ses cuisses, sort fraîchement de garde à vue pour, dit-il, "un soit-disant recel de vol". Son regard, fatigué par une longue nuit qui lui a "cassé le dos", en dit long sur son sentiment à l’égard des forces de l’ordre.

    "Moi aussi, je suis victime de violences. Je suis contrôlé tout le temps", lâche-t-il en tirant frénétiquement sur sa cigarette.

     
    Des cars de CRS sont stationnés devant le commissariat de Trappes, caillassé dans la nuit de jeudi à vendredi.(Crédit : Charlotte Boitiaux /FRANCE 24)

    "Là, je sors tout juste [de garde à vue]. Mais ils me connaissent. Alors pourquoi ils me contrôlent en permanence ? Parfois, je me mange même des gifles. Ils ne respectent rien. Franchement, la police cherche les problèmes avec tout le monde", explique-t-il sur un ton blasé.

    "Un jour ils m’ont traité de singe"

    Adossé à l’abribus situé en face du commissariat complètement désert, l’un de ses amis, qui préfère taire son identité, corrobore ses propos. "Ils se sentent comme des rois là-dedans [dans le commissariat], assène-t-il en remettant ses lunettes de soleil alors que le temps vire à l’orage. En plus, ils sont complètement racistes, ils ne contrôlent que les bronzés", raconte le jeune homme qui confesse avoir déjà passé quelques nuits derrière les barreaux.

    À peine finit-il sa phrase qu’une troisième personne, Melik, sort à son tour du poste de police. Ce dernier a passé une nuit en garde à vue pour trafic de stupéfiants. N’hésitant pas à provoquer les policiers stationnés le long de la rue, Melik, libre depuis quelques minutes, se met à les insulter à haute voix. "Ils sont tout le temps agressifs. Un jour, ils m’ont traité de singe. Ils m’ont dit : ‘Elle est où ta putain de mosquée’ ? Parfois, ils passent dans la cité en voiture, ils nous arrosent de produit essuie-glace. Comment voulez-vous qu’on réagisse ?", peste-t-il.

    "Le mythe de la gifle en garde à vue, ça n'existe plus "

    François Legallou, secrétaire départemental adjoint du syndicat Alliance Police, ne s’étonne pas vraiment de ce comportement haineux vis-à-vis des autorités. Il estime cependant que tous les torts ne peuvent incomber à la police. "Ici, le chômage est très important, certains jeunes rejettent leur frustrations sur nous. Nous sommes en première ligne face à eux. La police a un boulot à faire mais il y a des problèmes de fond à régler. À nous seuls, on ne peut pas gérer tous les problèmes de la société", déplore-t-il.

    Du côté du syndicat Unsa Police, on tient sensiblement le même discours, le ras-le-bol en plus. "Franchement, le mythe de la gifle en garde à vue et des coups de botin, c'est fini !", s'emporte Christophe Crépin, le secrétaire national de l'Unsa, chargé de la communication. "Il y a une rupture de dialogue entre certains jeunes et la police. Quelques-uns ont un compte à régler avec la société. Ils vivent en marge des lois républicaines, ils n'ont plus peur de l'autorité. Nous sommes devenus des cibles pour eux. Parfois, ils prennent en embuscade des voitures de police. C'est inacceptable. Il faut bien préciser que la violence vient beaucoup de leur côté", ajoute le policier.

    "Il suffit d’une bavure de la part des flics pour que ça pète"

     
    Un abribus du quartier des Merisiers, à Trappes, a été détruit pendant la première nuit d'émeutes. (Crédit : Charlotte Boitiaux/FRANCE 24)

    Les trois garçons, qui n'ont pas plus de 25 ans, donnent systématiquement tort aux forces de l’ordre. Ils n’étaient pas présents lors du contrôle, jeudi 18 juillet, de Cassandra, la femme intégralement voilée, qui aurait mal tourné et provoqué les affrontements avec la police. Qu’importe, "ils [les policiers] ont forcément mal agi", lâche Melik, pressé de partir "loin de cet endroit de merde" [le commissariat, NDLR].

    Le soir de la première nuit d’émeutes, - où plus de 200 personnes se sont rassemblées devant le commissariat - ils sont venus "voir ce qu’il se passait" mais jurent ne pas avoir participé aux échauffourées. "Ça caillassait de partout", explique calmement Abdoulaye. "Mais les flics ont eu tellement peur qu’ils sont montés se planquer sur le toit du bâtiment", ajoute Melik.

    Avant de repartir en voiture, Melik se fend d’une recommandation. "Faîtes attention à vous quand même... Là, c'est calme, mais il suffit encore d’une bavure de la part des flics pour que ça pète", lâche-t-il. Alors que la voiture part en trombe en frôlant les cars de CRS, une dernière injure fuse depuis les vitres arrières : "On se reverra bientôt bande de fils de p****, ça ne fait que commencer !".

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    FRANCE - BANLIEUES

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