Jamais la Banque centrale de Russie n'avait acheté autant d'or en une année. C'est ce qui ressort des chiffres compilés par le cabinet GFMS, du groupe Thomson Reuters, spécialisé dans les métaux. L'an dernier, les banques centrales du monde entier ont accumulé dans leurs réserves 461 tonnes supplémentaires de métal jaune. A elle seule, la Banque de Russie a acquis 152 tonnes, soit le tiers de ces acquisitions mondiales.
Alors que depuis l'été, ses réserves internationales ont fondu, dans une tentative désespérée de défense du rouble, la Banque centrale russe cherche à moins dépendre du dollar américain. La tension est remontée d'un cran entre Moscou et les occidentaux, et que l'Europe comme les États-Unis étudient une nouvelle salve de sanctions à cause du regain de violence en Ukraine, la Russie ne tient pas à faire de cadeau à l'euro ou au dollar, avance un analyste de GFMS cité par le Financial Times. Certains experts pensent aussi que la Banque centrale a également acquis de l'or produit en Russie, qui n'aurait pas été facile à vendre à l'étranger dans le contexte des sanctions.
Un matelas dégonflé
Au cours actuel du métal jaune, la Banque de Russie aurait acheté pour un peu plus de 6 milliards de dollars d'or l'an dernier. Ce qui porte ses réserves d'or à 45 milliards de dollars selon des données de la Banque centrale. A titre de comparaison, la France détient l'équivalent de 86 milliards de dollars d'or. Lors de la violente crise financière de 1998, la Russie s'était délestée massivement de son stock d'or.
Actuellement, le métal jaune ne représente que 12 % des réserves de change de la Russie, contre la moitié pour la France. Depuis le début 2014, les réserves internationales de la banque centrale de Moscou ont baissé de plus de 25 %, passant d'un confortable matelas de 510 milliards de dollars à 378 milliards. Au rythme actuel des dépenses de la banque nationale, Moscou peut tenir jusque fin 2016 avant que les réserves n'atteignent un niveau de 100 milliards de dollars, jugé critique par le cabinet Capital Economics. Il s'agit seulement d'une extrapolation car la pente de la courbe dépendra largement du prix du pétrole, source essentielle de devises pour l'économie russe. L'évolution du «bas de laine» variera également selon l'usage que les autorités russes feront des deux fonds nationaux (165 milliards de dollars), qui sont inclus dans les réserves de change, souligne Capital Economics.
Baisse surprise du taux directeur
En attendant, la Banque centrale a surpris vendredi en abaissant son taux directeur à 15 %, après l'avoir monté à 17 %, ce qui n'avait eu aucun effet pour défendre le rouble. La devise russe a réagi en baissant de nouveau. Elle est passée sous la barre des 70 roubles pour un dollar. Depuis la fin juin, date du début de la chute du pétrole, le rouble a perdu 52 % de sa valeur contre le billet vert. La banque centrale a expliqué vouloir «prévenir une chute importante de l'activité dans un contexte de facteurs extérieurs négatifs». Si la baisse du taux prétend relancer le crédit, selon la présidente de la banque centrale Elvira Nabioullina, en affaiblissant encore la monnaie, elle risque surtout d'alimenter l'inflation, via les biens importés. La hausse des prix atteint déjà 12 % et pourrait grimper à 15 % d'ici le printemps.