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Les dangers des nouveaux produits de synthèse (NPS) se précisent. L'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT), qui publie, mardi 27 mai, son rapport 2014, alerte sur des « épidémies d'injection localisées et nationales inquiétantes » de cathinones (l'un des principes psychoactifs du khat) de synthèse.
Encore peu présent en France, ce mode de consommation est cependant observé dans les cercles festifs de la communauté gay avec le « slam », qui consiste à s'injecter par voie intraveineuse un stimulant dans un contexte sexuel.
Méphédrone, pentédrone, MDPV, 4-MEC… plus de cinquante dérivés de cathinone ont été détectés dans l'UE, dont sept nouveaux l'an passé. En 2013, ce sont 81 nouveaux produits qui ont été repérés, confirmant l'essor de ces drogues non réglementées, qui copient les stupéfiants illicites. L'OEDT insiste sur les intoxications et les décès liés à la consommation de NPS. En outre, elle s'inquiète de voir le nombre de morts liées aux opiacés de synthèse augmenter, alors que ceux dus à l'héroïne baissent.
« MESSAGE DE PRÉVENTION »
« C'est un message de prévention que nous voulons faire passer, parce que l'injection est un facteur de risque aggravant pour les infections et aussi les overdoses », affirme Isabelle Giraudon, épidémiologiste à l'OEDT. L'injection des produits génère des effets plus puissants et plus rapides qu'en sniffant ou en avalant les produits.
Pas chers, accessibles sur Internet, les NPS séduisent. Ceux qui s'injectent des stupéfiants classiques y viennent. D'autres, après une période d'abstinence, retombent dans l'injection par le biais des NPS. Il y a aussi ceux qui découvrent l'injection avec eux.
En Roumanie ou en Hongrie, l'injection est désormais repérée chez de nombreux drogués. En Belgique, en Grande-Bretagne, en Allemagne et en République tchèque, elle est détectée dans des groupes restreints, comme les injecteurs traditionnels, les patients en traitement ou les détenus. Elle l'est aussi dans certaines grandes villes européennes, associée à des pratiques sexuelles à risque, chez les homosexuels hommes. Un comportement « de plus en plus préoccupant », documenté en Grande-Bretagne et en France.
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L'OEDT fait référence à la première étude qualitative, menée par Aides en 2013 auprès d'adeptes du « slam ». Ils venaient de Paris, des Bouches-du-Rhône, de Loire-Atlantique, de l'Hérault… Des « plans slam » ont également été mentionnés à Lyon, Rennes, Angers, Londres, Amsterdam ou Barcelone.
ABSENCE DE MÉFIANCE VIS-À-VIS DES RISQUES
« Intensification du désir, du plaisir et de la capacité d'endurance sexuelle ; exacerbation des sensations (…) », voilà pour les effets. L'étude constate l'absence de méfiance vis-à-vis des risques médicaux ou psychosociaux de ces produits. « Les premières injections sont le plus souvent réalisées par des tiers plus expérimentés », lit-on. Or ce type d'injection surexpose au risque infectieux.
Les « slameurs » ne se considèrent pas comme toxicomanes, ils ne fréquentent donc pas les lieux d'accueil où ils pourraient apprendre à réduire les risques (non-partage des seringues). On a vu les premiers arriver en 2011 à l'hôpital Beaujon à Clichy (Hauts-de-Seine). Une soixantaine de personnes ont déjà consulté. Ils ne parvenaient plus à maîtriser leur consommation de cathinones de synthèse. La plupart sont séropositifs. L'addictologue Philippe Batel se montre très inquiet : « L'envie d'en reprendre est très importante avec ces produits. J'ai suivi de grands cocaïnomanes, jamais je n'avais rencontré des patients qui, à ce point, ne cessaient de s'injecter pendant plusieurs jours d'affilée. » Il compte aussi des hétérosexuels parmi ses patients.
On connaît à présent un peu mieux les consommateurs de drogues de synthèse. Il y a les « geeks », professionnels des molécules qui savent limiter les risques en pesant les doses. Il y a les usagers de drogue traditionnels, plus âgés, mieux au fait des dangers. Et puis il y a les jeunes fréquentant les milieux festifs : « Eux ne sont pas conscients des risques, et parfois ne savent même pas ce qu'ils consomment », résume Agnès Cadet-Taïrou, de l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies. L'organisme a lancé, le 18 mai, une enquête sur Internet pour mieux cerner les usages. En France, trois nouveaux produits par mois ont été détectés en 2013, contre un par mois en 2010.