L’étau se resserre autour de la Commission européenne, suspectée d’avoir connu à l’avance les tricheries du groupe Volkswagen et de n’avoir rien dit. Vendredi, l’hebdomadaire économique allemand Wirtschafts Woche est venu renforcer cette thèse en affirmant avoir pu consulter des documents montrant qu'«un équipementier automobile a informé le commissaire européen à l’Industrie de l’époque, Antonio Tajani, à propos de la fraude». La Commission européenne «savait depuis 2011 que les constructeurs automobiles trichaient au sein de l’UE sur les mesures de leurs émissions de gaz grâce à des systèmes de réglage de leurs moteurs», écrit le journal.

Devant l’inaction de l’institution, «des fonctionnaires de l’administration de l’Union européenne ont fini par informer l’organisation environnementale américaine ICCT [International Council on Clean Transportation, ndlr] sur de possibles fraudes aux émissions d’oxyde d’azote», témoigne dans Wirtschafts Woche la responsable du Conseil de l’air californien (California Air Resources Board, CARB), Mary Nichols. Son organisation aurait été prévenue par l’ICCT en même temps que l’Agence américaine de protection de l’environnement (Environmental Protection Agency, EPA).

«Urgence absolue»

Pour rappel, le constructeur allemand Volkswagen a reconnu avoir installé sur près de 11 millions de ses véhicules diesels un logiciel permettant de dissimuler leur caractère polluant lors des tests d’homologation. Puis, début novembre, le scandale s’est étendu aux grosses cylindrées d’Audi et Porsche, deux marques du même groupe.

Le Financial Times affirmait par ailleurs, fin octobre, que le commissaire européen à l’Environnement, Janez Potocnik, avait mentionné le problème dans une lettre adressée en février 2013 au même Antonio Tajani : «Il y a des préoccupations répandues selon lesquelles la performance [des moteurs, ndlr] a été ajustée pour se conformer au cycle de tests, en dépit d’une spectaculaire augmentation des émissions en dehors de ce contexte». Une lettre restée sans réponse de la part de son homologue à l’Industrie.

«Nous savions déjà que la Commission était restée silencieuse face aux preuves que de nombreux véhicules sur le marché avaient dépassé les normes de pollution de l’UE. Mais là, c’est encore plus grave, car cela veut dire qu’elle a ignoré des preuves de manipulation illégale des tests d’émissions. Autrement dit, la commissaire à l’Industrie de l’UE [Elzbieta] Bienkowska nous a purement et simplement menti lors d’un débat avec le Parlement sur la question en octobre», a réagi vendredi l’eurodéputée EE-LV Karima Delli dans un communiqué. Interrogée par Libération fin octobre, celle-ci réclamait «une véritable enquête parlementaire européenne sur l’ampleur de la fraude Volkswagen». C’est désormais une «urgence absolue», insiste-t-elle : «Il est crucial que la commissaire Bienkowska, ainsi que l’ancien commissaire à l’Industrie Antonio Tajani, viennent rendre des comptes publiquement devant le Parlement européen.»

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Gabriel Siméon