Primes démesurées, enseignants invisibles, avantages luxueux, absence de contrôle... La Cour des comptes fustige la gestion de Sciences Po Paris durant l'ère Richard Descoings, mort d'une crise cardiaque le 3 avril dernier, et appelle à réformer l'institution. Un rapport provisoire révélé mardi 8 octobre par "Le Monde" et dont le "Nouvel Observateur" s’était déjà fait l’écho début juillet.
Que dit plus précisément cette enquête ? Les 210 pages du rapport, établi entre septembre et juin 2012, constituent, selon le quotidien, "un long réquisitoire qui appelle à réformer Sciences Po Paris sans délai". Le ministère de l'Enseignement supérieur est également invité "à revoir au moins en partie sa subvention à la baisse". Principales critiques.
Une "fuite en avant financière"
Fin 2011, sous la direction de Richard Descoings, l'institution déclenche un contrôle sur la gestion de Sciences Po, après cinq années de développement ininterrompu. La Cour des comptes juge : "La politique de développement de Sciences Po n'a pu être mise en oeuvre qu'au prix d'une fuite en avant financière et d'une gestion peu scrupuleuse des deniers publics". Elle pointe l'absence de contrôle interne et externe. Et au coeur du problème, le statut obsolète de l’établissement, imbrication de la FNSP régie par le droit privé, et de l'IEP, établissement de droit public sans budget propre, géré... par la fondation. Ce montage a entraîné selon la Cour une gabegie d'argent public et de nombreux dysfonctionnements.
L’envolée des primes
Le site "Mediapart" avait été le premier à révéler l'ampleur des primes que s’octroyaient les dirigeants de Sciences Po. La Cour des comptes enfonce le clou : entre 2005 et 2011, la rémunération annuelle brute de Richard Descoings a augmenté de 60,4%, culminant à 537.246,75 euros en 2010. Elle "tombera" à 505.806,29 euros l'année suivante, selon "Le Monde". Quatre fois plus que la rémunération annuelle d'un banal président d'université. Pire : "L'indemnité mensuelle de (Richard Descoings) ne repose sur aucun contrat formel et n'a pas été votée en conseil d'administration", ajoute l'institution.
Profs à rémunération variable
A Sciences Po, il y a les enseignants vedettes et les autres : les vacataires, qui représentent 20% des dépenses en personnel mais assurent 93% des heures d'enseignement. Et au-delà des différences de traitement, la Cour estime que les enseignants-chercheurs effectuent 30% de leur service mais sont payés 100%.
Des étudiants hors de prix
S'agissant des étudiants, "le coût moyen d'un étudiant est supérieur de plus de 3.000 euros à celui d'un étudiant à l'université Paris-Dauphine", pointe la Cour des comptes. La facture est acquittée par le ministère de l'Enseignement supérieur pour un surcoût de 300 euros par étudiant. La Cour "invite le ministère à revoir au moins en partie sa subvention à la baisse".
Etat complaisant
Sous la direction de Richard Descoings, la subvention du ministère de l'Enseignement supérieur est passée de 47,7 millions d'euros en 2005 à 63,3 millions en 2010. Le tout, en "l'absence de tout contrôle exercé par l'Etat, pourtant principal financeur de la fondation".
Le gouvernement osera-t-il imposer un droit de regard ? La ministre de l'Enseignement supérieur Geneviève Fioraso y pense. Elle devrait être saisie du dossier par la Cour des comptes dans la semaine. Après, la désignation du nouveau directeur pourra enfin avoir lieu.