• Sénégal : la rue répond au pouvoir

    Sénégal : la rue répond au pouvoir

     

    Par Alcyone Wemaere avec agences

    Publié le 28 janvier 2012 à 12h13 Mis à jour le 28 janvier 2012 à 16h24

     

    Des manifestants fuyant des gaz lacrymogènes à Dakar.

    Des manifestants fuyant des gaz lacrymogènes à Dakar. © REUTERS

    La validation de la candidature de Wade à un 3ème mandat a déclenché une vague de violences.

    A un mois de la présidentielle, un bras de fer semblait s'amorçait samedi au Sénégal après une nuit de violences survenues après la validation de la candidature du président sortant Abdoulaye Wade et de l'invalidation du populaire chanteur Youssou Ndour. En cause : les choix du Conseil constitutionnel, qui a validé la candidature, contraire à la Constitution, du président Wade, et refusé celle Youssou Ndour. Les tensions, déjà palpables depuis les manifestations de la société civile, ont donc franchi un nouveau palier.

    Des "manifestations d'humeur" pour Wade

    Que sait-on des violences qui ont éclaté dans le pays ? Des jeunes érigeant des barricades, brûlant des pneus et des planches sur plusieurs artères de Dakar, des échanges de projectiles et gaz lacrymogènes entre manifestants et forces de l'ordre… voilà les images diffusées par les télévisions privées au Sénégal. La vague de violences, survenue vendredi, s’est soldée par la mort d’un policier à Dakar. Les autorités disent ignorer s'il y a eu d'autres victimes. Selon un témoin, un poste de police de la ville de Kaolack, dans le centre, a été mis à sac et selon la radio publique, l'antenne locale du Parti démocratique sénégalais (PDS), la formation de Wade, a été détruite par les flammes.

    Selon plusieurs médias locaux, les manifestations violentes ont touché plusieurs villes de provinces, dont Thiès (ouest), Kaolack (centre-ouest), Matam (nord), mais également Diourbel (centre), Tambacounda (est). Les troubles semblaient avoir cessé avant l'aube de samedi. Abdoulaye Wade a pris la parole à la télévision pour appeler les manifestants au calme. Il a demandé à ses opposants d'arrêter "les manifestations d'humeur qui ne conduisent à rien", les accusant de contester la validité de sa candidature "sur des bases légères".

    Pourquoi cette vague de violences à l’annonce de la candidature de Wade ? Les adversaires du président sénégalais contestent la légitimité du président sortant, au pouvoir depuis 2000, à se présenter. La Constitution interdit en effet plus de deux mandats présidentiels consécutifs. Or, après sa réélection en 2007, Abdoulaye Wade entend à nouveau briguer sa propre succession le 26 février prochain. S’il était réélu, ce serait alors son troisième mandat.

    En guise de parade à l’argument anticonstitutionnel, Abdoulaye Wade, 85 ans, fait valoir que son premier mandat ne compte pas, car il a été entamé avant l'ajout de cet amendement, en 2001. Vendredi, le Conseil constitutionnel lui a donné raison en l’autorisant à se présenter à la présidentielle. Les manifestations de Sénégalais hostiles à cette nouvelle candidature de Wade ont alors éclaté à Dakar avant de s’étendre à Thies et Mbour.

    L'opposition vent debout contre le président sortant

    Pour quelle raison la candidature du chanteur Youssou N'Dour a-t-elle été écartée ? Outre la candidature de Wade, le Conseil constitutionnel a validé treize autres candidatures pour la présidentielle du 26 février prochain. Celle du chanteur Youssou N'Dour a, en revanche, été écartée. Raison invoquée ? Le musicien n'a pas réuni les 10.000 signatures de soutien requises. L'institution a, plus précisément, argué que 4.000 des 12.000 soutiens revendiqués par l'artiste n'avaient pu être vérifiés.

    Youssou N'Dour a aussitôt appelé ses partisans à s'opposer à la tenue du scrutin. "Nous n'autoriserons jamais Abdoulaye Wade à participer à cette élection", a-t-il affirmé à l'antenne de sa chaîne de télévision, TFM. Il a aussi dénoncé un "coup de force" du président Wade, ajoutant : "je suis candidat et je le reste". Il a précisé qu'il avait "48 heures pour un recours" contre la décision du Conseil.

    Comment a réagi le reste de la classe politique ? Certains des treize candidats adoubés par le Conseil constitutionnel sont sur la même ligne que Youssou N'Dour : "Wade n'a aucun droit d'effectuer un troisième mandat, et le peuple saura résister", a ainsi assuré Moustapha Niasse, un ancien Premier ministre de Wade, désormais candidat face à lui.

    Parmi les autres candidats autorisés à participer au scrutin, on trouve le chef de fil du Parti socialiste, Ousmane Tanor Dieng et un autre ex-Premier ministre : Idrissa Seck et Macky Sall. Le Mouvement du 23 juin (M23), coalition de partis politiques d'opposition et d'organisations de la société civile conteste également la candidature de Wade. Le mouvement a appelé samedi les Sénégalais à "marcher sur le palais" présidentiel pour l'en "déloger".


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