Le chef d'orchestre rend sa baguette. Le meneur de jeu Xavi (35 ans), qui quittera cet été le FC Barcelone, a incarné pendant dix-sept saisons l'essence collective du jeu catalan, au point que son immense palmarès aurait pu mériter davantage de récompenses individuelles.
Samedi 23 mai, face à La Corogne (18 h 30), les supporteurs catalans devraient lui réserver un tifo, et ses coéquipiers porteront un maillot collector. Un hommage mérité au meilleur interprète du toque, ou tiki-taka, ce jeu au sol fait de possession de balle et de redoublements de passes, l'emblématique maestro tire sa révérence au Barça après avoir tout gagné, dans son club de toujours comme en sélection espagnole.
Un Mondial (2010) et deux Euro (2008, 2012) avec l'Espagne, trois Ligues des champions (2006, 2009, 2011) et une ribambelle de titres nationaux avec le Barça, Xavi Hernandez a tout gagné, dont une huitième couronne de champion d'Espagne le week-end dernier.
Avec vingt-trois trophées en plus de sept cent soixante matchs sous les couleurs du Barça, il est le joueur le plus titré du club catalan. Et il peut terminer en beauté en finale de la Coupe du roi, à la fin de mai, puis de Ligue des champions, au début de juin, avant de rejoindre le club qatari d'Al Sadd cet été.
« C'est un joueur unique, extraordinaire, qui a été fondamental dans toutes les réussites du club et de la sélection », a résumé cette semaine son inséparable complice Andres Iniesta. Mais malgré cette carrière exceptionnelle, le Catalan n'a jamais obtenu le Ballon d'or. Par trois fois, il a été devancé par son équipier argentin Lionel Messi (2009, 2010, 2011).
« On dirait qu'il joue en smoking ! »
Le petit milieu catalan (1,70 m, 67 kg) a sans doute été desservi par sa vision altruiste du football, qu'il ne conçoit qu'à travers un geste simple et pourtant primordial : la passe. « Pour moi, le football, c'est imaginer des combinaisons et des passes », a-t-il expliqué un jour.
Peu de buts décisifs, peu de dribbles virevoltants. Juste une protection de balle, une vista et surtout une précision presque mécanique dans la distribution du jeu, qui lui ont valu son surnom, la Maquina, la Machine. Le tout avec une sérénité qui avait fait dire à Luis Aragones, sélectionneur de la Roja championne d'Europe 2008 : « On dirait qu'il joue en smoking ! »
C'est d'ailleurs Aragones qui a donné à Xavi les clés du jeu espagnol après 2006 : « Ici, c'est vous qui commandez, et ils peuvent bien me critiquer. » « Luis m'a fait me sentir important, quand mon estime de moi-même était désastreuse », a raconté le milieu catalan, qui était alors mis en concurrence au Barça en raison de son gabarit modeste.
Souvent dans l'ombre des vedettes
Sa réponse a été lumineuse : meilleur joueur de l'Euro 2008, Xavi restera dans les mémoires pour sa passe décisive adressée à Fernando Torres en finale contre l'Allemagne (1-0), un triomphe européen qui a libéré l'Espagne après quarante-quatre ans sans titre majeur.
Avec le FC Barcelone, qu'il a rejoint à 11 ans, le natif de Terrassa a gravi tous les échelons, avant de débuter en équipe première en 1998. Mais ce n'est que sous les ordres de l'entraîneur Pep Guardiola (2008-2012) qu'il a véritablement ébloui l'Europe, tout en restant souvent dans l'ombre des autres vedettes de l'équipe.
Discret, le joueur l'est aussi dans la vie. Tout juste lui connaît-on une passion pour la cueillette des champignons et une connaissance encyclopédique du football. Xavi sait sans doute la trace qu'il a laissée dans l'histoire de ce sport et du Barça, dont il est devenu le capitaine no 1 après le départ de Carles Puyol, l'été dernier.
Mais sa dernière saison barcelonaise aura sans doute été frustrante : moins tranchant physiquement, retraité de l'équipe d'Espagne (cent trente-trois sélections) après le fiasco du Mondial 2014, Xavi a dû se contenter d'un rôle de remplaçant. Son départ pour le Qatar devrait lui permettre de continuer à jouer et à prendre du plaisir, sans pression. Avec la possibilité de devenir un jour entraîneur, pour garder ce rôle de passeur qui lui va si bien.