Homs, le 2 février. (LCC SYRIA / AFP)
260 civils ont été tués cette nuit dans la seule ville de Homs en Syrie, "le plus terrifiant massacre" depuis le début de la révolte, rapporte l'opposition samedi 4 février. Plus tôt, l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH) évoquait au moins 217 civils tués par des tirs de mortier dans cette même ville, et une vingtaine d'autres dans le reste du pays.
Si ce chiffre était confirmé, il s'agirait de la journée la plus meurtrière depuis le début de la révolte contre le président Bachar al-Assad en mars 2011.
D'après Luc Bronner, rédacteur en chef au "Monde" qui s'exprime sur Twitter, l'envoyé spécial du Monde à Homs confirme l'intensité des violences.
Quelque 138 personnes, dont des femmes et des enfants, ont été tuées dans le quartier d'Al Khalidiya et 79 dans d'autres parties de Homs, d'après l'observatoire. Selon l'OSDH, les forces loyalistes ont tiré sur les milliers de personnes descendues dans la rue à Damas et dans l'ensemble du pays en souvenir du massacre commis il y a 30 ans à Hama par le père de l'actuel président, Hafez al-Assad.
La ville "saignée" par l'armée
Les chaînes d'information arabes Al-Arabiya et Al-Jazira ont montré des dizaines de corps sans vie jonchant les rues d'Homs. Des témoins interrogés par Al-Jazira évoquent une pluie de bombes à fragmentation ainsi qu'un incessant pilonnage, qui ont converti la ville en véritable zone de guerre.
Un résident, Danny Abdul Ayem, mentionne "un bombardement incessant ... par des chars d'assaut et des mortiers". Selon des tweets, dont les auteurs affirment être des habitants de Homs, la ville était "en train d'être saignée" et sous un bombardement intense, un résident assurant avoir compté "366 explosions dans la nuit". Un étudiant en médecine a par ailleurs affirmé à Al-Jazira que l'hôpital local ne pouvait plus faire face à l'afflux de blessés. "Nous manquons de sang, nous manquons d'oxygène... Nous avons ouvert une mosquée proche" pour recevoir les blessés, a-t-il déclaré.
HRW dénonce des tortures sur des enfants
"C'est un véritable massacre", a réagi le directeur de l'OSDH, Rami Abderrahman. Celui-ci réclame "l'intervention immédiate" de la Ligue arabe, alors que le Conseil de sécurité de l'ONU a prévu de se réunir samedi à New York pour voter une résolution condamnant la répression en Syrie.
Pour sa part, le Conseil national syrien (CNS), qui regroupe la plupart des courants de l'opposition, exhorte la Russie à "clairement condamner le régime et à le tenir responsable pour les massacres", selon un communiqué du mouvement diffusé dans la nuit.
De son côté, le régime de Damas dément avoir ordonné le pilonnage de plusieurs quartiers de la ville de Homs, et affirme que des "hommes armés" sont à l'origine des tueries. "Les civils montrés par les chaînes de télévision satellitaires sont des citoyens qui ont été kidnappés et tués par des hommes armés", précise l'agence officielle Sana.
Selon Human rights watch, les forces gouvernementales se livrent à des tortures, y compris sur des enfants âgés d'à peine de 13 ans, qui ont rapporté avoir été "brutalement battus et électrocutés", ou encore brûlés avec des cigarettes.
De minces progrès à l'ONU
Ces nouvelles violences interviennent alors que les 15 pays membres du Conseil de sécurité doivent se réunir ce matin à New York pour voter sur un projet de résolution condamnant la répression en Syrie. Il s'agit du texte transmis aux capitales jeudi et qui souligne le soutien du Conseil aux décisions prises par la Ligue arabe en janvier pour régler la crise en Syrie, sans faire toutefois de référence explicite au sort de Bachar al-Assad.
Le nouveau texte "soutient pleinement (...) la décision de la Ligue arabe du 22 janvier 2012 de faciliter une transition politique conduite par les Syriens eux-mêmes et menant à un système politique démocratique et pluraliste". Concessions faites à la Russie, il ne demande plus explicitement le départ du président syrien, ne mentionne pas d'embargo sur les armes ni même de nouvelles sanctions.
Un projet de résolution que la Russie a annoncé ne pas pouvoir soutenir "en l'état" vendredi. Mais la secrétaire d'Etat américaine et son homologue russe Sergueï Lavrov ont eu "une conversation constructive" plus tard, s'accordant à continuer de travailler sur un projet de résolution.
Ce pourrait être la journée la plus meurtrière depuis le début de la révolte syrienne : selon l'opposition, plus de 200 civils ont été tués dans la nuit du vendredi 3 février au samedi 4 février dans des bombardements du régime sur Homs, haut-lieu de la contestation. Le régime a démenti être à l'origine du massacre.
Le ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé a affirmé que les autorités syriennes avaient "franchi un pas supplémentaire dans la sauvagerie". Le chef de la diplomatie française estime que "le massacre de Homs est un crime contre l'humanité" et que"ses auteurs devront en répondre", peu avant un vote du Conseil de sécurité de l'ONU.
Homs, à 110 km au nord de Damas, est surnommée par les opposants "capitale de la Révolution". Le Conseil national syrien (CNS), qui regroupe la plupart des courants de l'opposition et l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), qui établit des bilans quotidiens depuis le début de la révolte, parlent tous deux de plus de 200 morts.
260 morts selon le Conseil national de sécurité
"Les forces d'Assad ont bombardé (...) des zones résidentielles à Homs, dont Al Khalidiya et Qoussour, faisant au moins 260 morts, des civils, et des centaines de blessés, dont des hommes, des femmes et des enfants", affirme le CNS. Ce dernier accuse les forces d'Assad d'"avoir aussi bombardé Jisr al-Choughour (nord-ouest), les banlieues de Damas, et l'est de Ghouta (près de Damas) dans ce qui semble être une préparation à des massacres similaires".
L'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH) a fait état de tirs de mortiers sur Homs, faisant au moins 217 morts, des civils, et plusieurs centaines blessés. Ce bilan ne peut pour l'instant être confirmé par des sources indépendantes, mais des vidéos diffusées sur Youtube peu après l'annonce du massacre et rassemblées par Al-Jazira, montrent des cadavres défigurés amassés à même le sol et des scènes de chaos où des ambluances tentent de se frayer un chemin.
Un activiste dont la chaîne a recueilli le témoignage raconte la situation dramatique à l'hôpital public de la ville. "Nous tentons de déplacer certains blessés vers un hôpital privé car le dispositif médical ne peut plus suivre. Il y a une pénurie de sang, d'oxygène et de matériel de premier secours", explique-t-il depuis l'hôpital. Attention, la vidéo ci-dessous comporte des images particulièrement choquantes.
Trente ans avant, le père de Bachar Al-Assad perpétrait le massacre de Hama
Le régime du président Bachar al-Assad, qui ne reconnaît pas l'ampleur de la révolte populaire, a opposé un démenti par le biais de l'agence officielle Sana. "Une source de presse dément le pilonnage par l'armée de certains quartiers de Homs, colporté par les chaînes de télévision qui incitent" à la violence, précise cette dernière. L'agence affirme que les civils "montrés par les chaînes de télévision satellitaires sont des citoyens qui ont été kidnappés et tués par des hommes armés".
Ce massacre intervient presque 30 ans jour pour jour après celui de Hama, en février 1982, perpétré par Hafez Al-Assad, le père de Bachar Al-Assad. Le président de l'époque avait réprimé dans le sang la révolte menée par la mouvement islamiste contre son régime. L'opération armée avait fait plusieurs dizaines de milliers de morts.
Sana a accusé les hommes armés de "vouloir exploiter ces informations pour (faire pression) au Conseil de sécurité" de l'ONU qui tente de mettre au point une résolution condamnant la répression.
Vote sur un projet de résolution édulcoré au Conseil de sécurité
Les 15 pays membres du Conseil doivent voter samedi sur un projet de résolution. Selon des diplomates, ils se prononceront sur un texte qui "soutient pleinement" les décisions prises par la Ligue arabe en janvier pour assurer une transition vers la démocratie en Syrie. Mais les détails de la transition, en particulier le transfert des pouvoirs du président syrien Bachar al-Assad à son vice-président, ont été laissés de côté pour ne pas heurter Moscou.
Malgré cela, la Russie a déclaré samedi par la voix de son ministre desaffaires étrangères que le projet ne lui convenait "absolument pas". Allié traditionnel de Damas, le pays dispose d'un droit de veto qui lui permet de bloquer la résolution. Un précédent texte avait été bloqué en octobre dernier par un veto russe et chinois.
Pour Alain Juppé, "le déchaînement de violence [à Homs] souligne l'urgence que le Conseil de sécurité des Nations unies sorte de son silence". "Ceux qui freineraient l'adoption d'une telle résolution prendraient une lourde responsabilité devant l'histoire", at-il averti. Après plus de dix mois de violences, le bilan total de la révolte s'élèverait selon les militants à au moins 6 000 morts .
FTVi avec AFP