• Taxe carbone, le deuxième essai sera-t-il le bon ?

     

    Taxe carbone, le deuxième essai sera-t-il le bon ?

    <time datetime="2013-08-23T13:03:07+02:00" itemprop="datePublished">23 août 2013 à 13:03</time> (Mis à jour: <time datetime="2013-08-23T15:28:58+02:00" itemprop="dateModified">15:28</time>)
    Lors d'un discours de Nicolas Sarkozy sur le Grenelle de l'environnement, en octobre 2011, à Changé, en Mayenne.
    Lors d'un discours de Nicolas Sarkozy sur le Grenelle de l'environnement, en octobre 2011, à Changé, en Mayenne. (Photo Jean-François Monier. AFP)

    décryptage Philippe Martin, ministre de l'Ecologie, l'a annoncée jeudi. La précédente version de la contribution climat-énergie, sous Sarkozy, avait été retoquée par le Conseil constitutionnel.

    Ironie de l'histoire, les socialistes, après avoir eu la peau de la taxe carbone, s'apprêtent donc à la remettre sur les rails. Le 29 décembre 2009, saisi par les parlementaires PS sur la loi de finances, le Conseil constitutionnel censurait l'article instaurant une contribution carbone, deux jours avant son entrée en vigueur. La droite alors au pouvoir, qui avait déjà eu tant de mal à la faire accepter, abandonnera vite toute nouvelle mouture.

    En promettant jeudi soir à Marseille une contribution énergie-climat, le ministre de l'Ecologie, Philippe Martin, qui, comme député, avait beaucoup participé aux débats du Grenelle de l'environnement en 2007, sait donc qu'il s'engage sur un terrain techniquement complexe et politiquement miné.

    Quel est le principe d'une taxe carbone ?

    La contribution climat-énergie telle qu'elle avait été présentée lors du Grenelle de l'environnement, vise à orienter les comportements des particuliers et des entreprises, via la fiscalité. En donnant un «signal prix» aux émissions de carbone, elle est censée permettre d'accélérer la transition vers la sobriété énergétique et de faire baisser les émissions de CO2. Avec un prix fixe de la tonne de CO2 émise, les plus gros émetteurs contribuent davantage que les petits. Dans la version votée en 2009 (17 euros la tonne), cela revenait par exemple à une augmentation de 4 centimes par litre de sans plomb.

    Dans la version défendue notamment par la Fondation Nicolas Hulot, il s'agit d'un mécanisme redistributif, qui n'a pas pour vocation à dégager de nouvelles ressources pour l'Etat : l'argent collecté est reversé pour financer les économies d'énergie.

    La taxe est censée augmenter dans le temps, pour inciter progressivement à la transition.

    Que s'est-il passé en 2009 ?

    L'histoire de la taxe carbone version Sarkozy raconte en creux celle de la relation de la droite avec les questions écologiques. En 2007, tout à sa stratégie de désorienter ses opposants en allant sur un terrain où on ne l'attend pas, Nicolas Sarkozy lance le Grenelle de l'environnement et promet la mise à l'étude de la taxe carbone. Le projet sommeille un moment dans les cartons et refait surface en 2009, après la percée d'EE-LV aux européennes et à quelques mois du sommet climat de Copenhague.

    Une conférence de consensus présidée par Michel Rocard, en juillet, semble mettre tout le monde d'accord sur le principe et tente de rentrer dans le détail des modalités. Mais la rentrée politique a vite raison de ce semblant d'unité : Ségolène Royal pilonne «un impôt absurde, un impôt injuste.»  Les députés UMP commencent à vaciller. En septembre, Nicolas Sarkozy présente les détails de la taxe, son montant et les modalités de redistribution. Le dispositif est modéré selon un double critère géographique et familial, notamment pour aider les ruraux. Mais il n'est pas question de critère social.

    Les gros émetteurs, déjà soumis au système européen des quotas sont dispensés. Au Parlement, des exemptions sont ajoutées pour certains secteurs. C'est ce qui aura raison de la taxe : le Conseil constitutionnel juge le dispositif contraire à l'égalité devant l'impôt et souligne que «les activités assujetties à la contribution carbone représenteront moins de la moitié de la totalité des émissions de gaz à effet de serre».

    Le gouvernement promet alors dès janvier une nouvelle version de la taxe, pour le 1er juillet. Mais l'écologie semble passée de mode au gouvernement, l'échec de Copenhague est passé par là et François Fillon ajourne pour de bon le projet fin mars.

    Quelle nouvelle taxe carbone ?

    Philippe Martin n'a pour l'instant pas donné de précision sur les modalités de la version socialiste de la taxe, annonçant un débat sur le «montant et le rythme».

    Bruno Le Roux, le patron des députés PS, a tenu à souligner vendredi matin sur RTL que «ce n'est pas une écologie punitive, c'est quelque chose qui ne devra pas entraîner de recettes nouvelles mais qui devra changer les comportements». Najat Vallaud-Belkacem a elle aussi insisté ce matin pour dire qu'il ne s'agissait pas d'une «nouvelle taxe». «Ce n’est pas un impôt supplémentaire, c’est une modification de l’impôt, a précisé  Pascal Canfin, ministre écologiste du Développement, nous allons augmenter l’impôt sur les pollutions et nous allons en parallèle et en contrepartie baisser d’autres impôts».

    Les travaux du Comité pour la fiscalité écologique, présidé par l'économiste Christian de Perthuis, qui a rendu un rapport d'étape mi-juillet, insistaient aussi sur une «stricte neutralité budgétaire» et donc la mise en place d'un «système de compensations forfaitaires prévisibles dans le temps et faisant l'objet d'un compromis acceptable par le plus grand nombre».

    Christian de Perthuis proposait d’introduire dès l’an prochain une assiette carbone au taux de 7 euros la tonne de CO2 (qui grimperait jusqu’à 20 euros la tonne en 2020). Côté ménage, il préconise une mise en place neutre en 2014 (la taxe carbone est directement compensée par une baisse des taxes sur les carburants et le gaz), puis une montée en charge progressive entre 2015 et 2020. Avec au fur et à mesure, la réduction de la différence de fiscalité entre le diesel et l'essence. La compensation côté ménage se ferait «sous forme d’un crédit d’impôt dirigé sur les déciles de revenu les plus faibles et dégressif en fonction du niveau de revenu» accompagne d'un dispositif d'aide au remplacement des vieux véhicules diesel.

    Côté entreprise, l'argent prélevé servirait, dans ce scénario, à financer le CICE (crédit d'impôt compétitivité emploi) : selon les projections du rapport, cela pourra atteindre 1,6 milliard en 2016 et 3,5 milliard en 2020.

    De leur côté, les députés EE-LV ont eux déposé une proposition de loi sur le sujet le 24 juillet dernier. Avec une ambition plus large : elle viserait «toutes les consommations énergétiques à l’exception des énergies renouvelables».

    Concernant la redistribution, EE-LV propose que «l’intégralité des montants perçus au titre de la contribution climat-énergie prélevés sur les ménages sont reversés aux ménages», notamment sous forme de «chèques transition énergétique».

    Quelle que soit les pistes retenues, la route s'annonce longue:  les routiers ont déjà averti que, déjà soumis à la taxe poids lourds, ils s'opposeraient à la taxe carbone, qualifiée de «double peine». Et, comme en 2009 mais à front renversé, l'hostilité pourrait bien venir de la majorité elle-même : vendredi, François Rebsamen, président du groupe socialiste au Sénat, a déclaré ne pas être «favorable à la création d’une nouvelle taxe parce que la fiscalité écologique, qu’il est nécessaire de mettre en place dans le cadre de la transition, ne peut pas être punitive».


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