Le président de l'Assemblée nationale constituante tunisienne (ANC), Mustapha Ben Jaafar, a annoncé, mardi 6 août, la suspension des travaux de la constituante jusqu'à ce que des négociations de sortie de la crise politique commencent.
"J'assume ma responsabilité de président de l'ANC et suspends les travaux de l'assemblée jusqu'au début d'un dialogue [entre pouvoir et opposition], et cela au service de la Tunisie", a déclaré à la télévision d'Etat cet allié laïc de centre gauche du parti islamiste Ennahda qui dirige le gouvernement.
La classe politique, profondément divisée, ne parvient pas depuis l'élection de l'ANC en octobre 2011 à trouver un consensus sur la future Constitution du pays. Le gel de ses travaux remet en cause le calendrier de sortie de crise du premier ministre islamiste Ali Larayedh, qui avait proposé d'achever les travaux de la constituante (adoption de la Constitution et de la loi électorale) d'ici au 23 octobre et la tenue d'élections le 17 décembre.
"LE PEUPLE EN A MARRE"
"J'appelle tout le monde à participer au dialogue", a lancé M. Ben Jaafar, dont le parti Ettakatol, sans démissionner du gouvernement, est favorable à la mise en place d'une nouvelle équipe gouvernementale. Une hétéroclite coalition d'opposition refuse toute discussion tant que le gouvernement n'aura pas démissionné, et Ennahda de son côté refuse toute négociation dont la condition préalable serait le départ du cabinet en place.
<figure class="illustration_haut"> </figure>Revenant sur la menace "terroriste" et les assassinats du député Mohamed Brahmi le 25 juillet, à l'origine de l'actuel crise, et de l'opposant Chokri Belaïd en février, M. Ben Jaafar a dénoncé l'incapacité de la classe politique à s'unir face au danger.
"Malgré la gravité de la situation et au lieu d'aller vers l'unité, malheureusement, les dirigeants de partis politiques sont allés dans la direction inverse, vers la division en mobilisant. (...) Chaque partie agit comme si elle détenait la vérité absolue (...) elles n'ont pas pesé l'intérêt national et chaque jour s'en éloignent. (...) Le peuple en a marre de cette situation et ne peut plus supporter cette attente", a-t-il ajouté.
APPEL AU RASSEMBLEMENT DE L'OPPOSITION
Cette annonce intervient alors que l'oppostion, qui réclame la démission du gouvernement et la dissolution de l'Assemblée nationale constituante, organise un rassemblement qu'elle espère très important, mardi soir, après une dizaine de jours de manifestations nocturnes de quelques milliers de personnes entamées après la mort de Mohamed Brahmi, imputé par les autorités à la mouvance salafiste.
Le rassemblement marquera en outre les six mois du meurtre de Chokri Belaïd, tué le 6 février. Il vise aussi à répondre à la démonstration de force d'Ennahda qui a réuni des dizaines de milliers de ses partisans à Tunis dans la nuit de samedi à dimanche.
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