DAMAS (Reuters) - Bachar al Assad, confronté depuis deux semaines à une vague de contestation sans équivalent depuis son arrivée au pouvoir il y a onze ans, a ordonné la création d'une commission de juristes chargée d'examiner la levée de l'état d'urgence en vigueur depuis 1963 en Syrie.
L'agence de presse officielle Sana, qui rapporte jeudi l'information, ajoute par ailleurs qu'une enquête va être ouverte sur les violences qui ont fait une soixantaine de morts - des civils et des membres des forces de sécurité - à Deraa, dans le sud du pays, et dans le port de Lattaquié.
La levée de l'état d'urgence est l'une des principales revendications des manifestants qui, à l'instar de ce qui s'est passé ailleurs dans le monde arabe, descendent dans les rues depuis la mi-mars pour réclamer une démocratisation du régime et la fin de la corruption.
L'agence de presse officielle précise que la future commission, qui devra avoir terminé ses travaux le 25 avril, préparera "une législation sur la protection de la sûreté de l'Etat et la dignité des citoyens ainsi que sur la lutte contre le terrorisme, ouvrant la voie à une levée de l'état d'urgence".
Le président Assad, poursuit-elle, a également formé une commission pour "régler le problème du recensement de 1962" dans la région d'Al Hassaka, dans l'est du pays. A l'issue de ce recensement, 150.000 Kurdes vivant en Syrie s'étaient vu refuser la nationalité syrienne.
"ASSAD CHERCHE À GAGNER DU TEMPS"
Mercredi, le chef de l'Etat avait déçu l'opposition en ne faisant aucune allusion à une levée de l'état d'urgence lors d'un discours devant le parlement.
La décision de créer une commission sur l'état d'urgence a été accueillie avec scepticisme par certains observateurs.
"Quand on met en place une commission dans cette région du monde, cela signifie qu'on veut laisser pourrir la question. Assad cherche à gagner du temps", a dit Hilal Khachan, professeur de sciences politiques à l'université américaine de Beyrouth.
Agé de 45 ans, le fils d'Hafez al Assad, qui a succédé en 2000 à son père, avait suscité lors de son accession au pouvoir des espoirs de libéralisation du régime, l'un des plus "verrouillés" de la région, ce qui ne l'a pas mis à l'abri du vent de révolte qui balaye depuis décembre le monde arabe.
Dans son discours mercredi au parlement, le président a accusé une "minorité" de tenter de semer le chaos à Deraa, le foyer de la contestation.
S'adressant à la nation pour la première fois depuis le déclenchement des troubles de Deraa, qui se sont ensuite propagés dans plusieurs villes, dont Hama et Damas, Assad s'est déclaré en faveur de réformes politiques mais il ne s'est nullement engagé sur des mesures concrètes pour réformer le système de parti unique du Baas.
La veille de son discours, il avait mobilisé des dizaines de milliers de partisans de son régime dans les grandes villes comme Damas, Alep, Homs, Hama ou Tartous.
Rédaction de Damas, Jean-Loup Fiévet, Marc Delteil et Guy Kerivel pour le service français, édité par Gilles Trequesser