• Une loi sur le viol suscite la colère en Jordanie

    Une loi sur le viol suscite la colère en Jordanie

    Créé le 29-06-2012 à 19h51 - Mis à jour à 19h54lien

    Le calvaire enduré par une jeune fille de 14 ans, enlevée puis violée trois jours de suite, a suscité la colère en Jordanie, tout particulièrement lorsque son violeur a décidé de l'épouser pour échapper à la prison comme la loi le permet.

    Dans ce royaume conservateur, déjà connu pour ses crimes dits "d'honneur", les violeurs peuvent en effet éviter d'aller derrière les barreaux s'ils acceptent d'épouser leur victime, en vertu de l'article 308 du code pénal.

    En avril, une fille dont l'identité n'a pas été révélée faisait des courses à Zarqa, dans le nord du pays, lorsqu'un homme de 19 ans l'a kidnappée, conduite dans le désert, puis l'a violée pendant trois jours de suite, selon des sources judiciaires.

    La police a découvert l'adolescente lors d'une patrouille, l'a ramenée chez elle et a arrêté l'homme. Mais quelques jours plus tard, le violeur a décidé de se marier avec elle, mettant ainsi fin aux poursuites.

    En juin, un autre homme est parvenu à attirer une adolescente de 15 ans dans un appartement d'Amman où il l'a violée. Selon des sources judiciaires, il tente aujourd'hui d'arracher à sa famille un mariage, là encore pour éviter la prison.

    "Cet article (...) ne permet pas seulement aux assaillants de repartir libres, il les récompense en leur permettant d'épouser leur victime qui, elle, est punie", dénonce Nadia Shamrukh, qui dirige l'Union des femmes jordaniennes.

    "Avec l'application de cette loi, un autre crime est commis. Comment cette fille de 14 ans, en tout état de cause mineure, peut-elle épouser son violeur?", lance-t-elle.

    Le viol d'une personne âgée de moins de 15 ans est sanctionné par la peine de mort en Jordanie, où 379 affaires de viols ont été recensées en 2010 selon des documents judiciaires.

    La loi islamique autorise d'épouser jusqu'à quatre femmes. L'âge minimum requis pour se marier en Jordanie est de 18 ans mais le mariage peut être autorisé dès 15 ans sur décision d'un juge.

    "Dans l'un de ces cas, nous avons essayé d'empêcher le mariage d'un violeur avec une fille de 18 ans qui ne voulait pas être sa femme", a indiqué Eva Abou Halaweh, une avocate.

    "Mais le père de la fille a conclu un accord avec le violeur, un chômeur déjà marié, père de six enfants qui ne pouvait déjà pas pourvoir aux besoins de sa famille", ajoute-t-elle.

    L'interprétation de la loi pose problème

    Mais pour Israa Tawalbeh, le premier médecin légiste femme du pays, "l'article 308 n'est pas mauvais en soi".

    "Le problème, c'est la façon dont certains groupes des droits de l'Homme locaux et internationaux interprètent la loi", dit-elle à l'AFP.

    "Les véritables cas de viol sont rares dans notre société. Parfois, les filles de moins de 18 ans perdent leur virginité pour forcer leur famille à accepter le mariage avec leur petit ami. Or, la loi qualifie cela de viol".

    Parfois, "accepter le mariage sous l'article 308 vaut mieux que de laisser des filles se faire tuer" par leurs proches, estime-t-elle. "Je crois que la loi correspond à la réalité de notre société".

    En Jordanie, entre 15 à 20 femmes sont tuées par chaque année par des membres de leur famille qui invoquent des raisons d'"honneur" de la famille après des relations sexuelles avant ou hors mariage, selon les autorités.

    Le meurtre est sanctionné par la peine de mort, mais dans les crimes dits d'"honneur", les tribunaux font souvent preuve de clémence.

    Mais pour Hani Jahshan, un médecin travaillant pour le Service de la protection de la famille, l'article 308 est "une violation flagrante des droits des femmes et des enfants".

    Pour lui, la société fait fausse route quand elle croit que la virginité de la fille doit être préservée, à tout prix, jusqu'au mariage. "Cela force les filles à épouser leur violeur pour protéger leur réputation et éviter les problèmes sociaux", dit-il.

    "Je pense que l'article 308 devrait être amendé pour rendre justice aux victimes", estime Nadia Hachem Aloul, la ministre d'Etat aux Droits des femmes.


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