• Une marée humaine défile dans l'Espagne en grève

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    Une marée humaine défile dans l'Espagne en grève

    Le Monde.fr avec AFP | <time datetime="2012-03-29T06:40:24+02:00" itemprop="datePublished">29.03.2012 à 06h40</time> • Mis à jour le <time datetime="2012-03-29T23:23:29+02:00" itemprop="dateModified">29.03.2012 à 23h23</time>

     
    <figure class="illustration_haut"> L'Espagne a vécu au ralenti, jeudi 29 mars, du fait d'une grève générale contre la réforme du travail et la politique d'austérité du gouvernement de droite. </figure>

    L'Espagne a vécu au ralenti, jeudi 29 mars, du fait d'une grève générale contre la réforme du travail et la politique d'austérité du gouvernement de droite, qui présente vendredi un budget 2012 marqué par de nouvelles coupes, sous l'œil inquiet de Bruxelles. La grève générale, à l'appel des grands syndicats, Comisiones Obreras (CO) et UGT, a été ponctuée de manifestations.

    Portant de petites pancartes où étaient dessinés des ciseaux, symbole des réductions budgétaires, cent mille manifestants au moins ont parcouru les avenues du centre de Madrid. Les syndicats ont annoncé près de un million de personnes, le quotidien El Pais cent soixante-dix mille.

    Dans le cortège, José Luis Rodriguez, commercial de 35 ans dans le secteur automobile, expliquait qu'il avait fait le choix de perdre une journée de salaire pour défendre ses droits, en faisant grève pour la première fois de sa vie. "Cette journée va me coûter 60 euros, c'est peu en comparaison de ce qu'ils risquent de me prendre demain avec la réforme, ils peuvent me jeter à la rue", lançait-il. "Ils attaquent les droits des travailleurs, si nous ne sortons pas dans les rues, ils ne sauront pas que nous sommes contre la réforme."

    VIOLENCES À BARCELONE

    Les manifestants, évalués à huit cent mille par les syndicats, à dix fois moins par la police, défilaient aussi à Barcelone, la deuxième ville du pays, où des violences ont éclaté entre policiers et groupes de jeunes. "La police a dû intervenir et a utilisé des balles en caoutchouc" face à un "groupe assez important" qui a provoqué "des incidents violents", a déclaré un porte-parole du ministère de l'intérieur régional. Des images de la télévision catalane ont montré des groupes de jeunes brûlant des conteneurs à ordures et faisant face aux policiers antiémeutes, casqués. Ces derniers ont tiré plusieurs balles en caoutchouc, visant le sol.

    <figure class="illustration_haut"> A Barcelone, des violences ont éclaté entre policiers et groupes de jeunes. </figure>

    Les incidents de Barcelone ont été les plus violents, mais des heurts ont également éclaté dans d'autres villes, comme à Séville et à Madrid durant les premières heures de la grève. Au total, cent soixnte-seize personnes ont été interpellées, cinquante-huit policiers et quarante-six manifestants ou grévistes ont été blessés à travers le pays, selon le ministère de l'intérieur.

    Partout ailleurs, la mobilisation était forte, avec cinquante mille personnes à La Corogne selon la police, vingt-cinq mille à Saint-Jacques de Compostelle, selon les syndicats, entre soixante-douze mille et quatre cent mille dans toute l'Andalousie, entre trente-cinq mille et deux ent cinquante mille à Valence, selon les estimations.

    Agitant des drapeaux rouges et des pancartes avec les mots "Réforme du travail, non", les grévistes s'étaient installés tôt le matin aux portes des usines, des marchés de gros de Madrid et de Barcelone, des banques ou des stations de transports en commun, placardant des affichettes annonçant : "Fermé pour cause de grève". "J'espère que cette manifestation servira à quelque chose, que la réforme sera modifiée, aujourd'hui le licenciement est presque gratuit", s'indignait Maria José Velasco, une vendeuse au chômage de 38 ans.

    Les syndicats dénoncent cette réforme approuvée le 11 février par le gouvernement et destinée à combattre un chômage record, à 22,85 % des actifs. Pour eux, son seul effet sera d'aggraver le fléau, alors que le gouvernement lui-même prévoit la destruction de six cent trente mille emplois en 2012 et un chômage à 24,3 % en fin d'année. "C'est la juste réponse à une réforme brutale de notre marché du travail", a expliqué Ignacio Fernandez Toxo, secrétaire général des CO.

    Cette grève générale est la sixième depuis le rétablissement des libertés syndicales, en 1977. La précédente remonte au 29 septembre 2010, sous le gouvernement socialiste.

    ÉLÈVE TURBULENT DE LA ZONE EURO

    L'impact de la grève semblait avoir été limité par l'accord de service minimum conclu entre syndicats et pouvoirs publics, sans compter le souci de nombreux Espagnols de ne pas perdre une journée de salaire dans un contexte de rigueur. A Madrid, 30 % en moyenne des métros et des bus devaient circuler. Dans le reste du pays, 30 % des trains régionaux étaient prévus, de même que 20 % des trains nationaux.

    Les compagnies aériennes Iberia, Air Nostrum et Vueling ont, elles, annulé en moyenne 60 % de leurs vols. Outre les services publics, les industries métallurgiques et automobiles semblaient les plus touchées par les arrêts de travail. Des lieux touristiques, comme l'Alhambra de Grenade ou le Musée Picasso de Barcelone, sont restés fermés.

    Cent jours après l'arrivée au pouvoir du gouvernement de Mariano Rajoy, les nuages s'amoncellent sur l'Espagne, qui fait désormais figure d'élève turbulent de la zone euro : retour à la récession, exaspération sociale grandissante, dérapage budgétaire à hauts risques et chômage galopant.

    La grève arrive ainsi au pire moment : sous l'œil de ses partenaires européens, inquiets de l'état des finances publiques du pays, le Conseil des ministres doit présenter vendredi le budget 2012, marqué par des coupes sévères. L'objectif de ce budget, qualifié d'"austère" par Mariano Rajoy lui-même, est de réduire à 5,3 % du PIB en fin d'année le déficit public, après un dérapage jusqu'à 8,51 % en 2011, au prix de lourds sacrifices sociaux.

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