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    Plafond de la dette : comment démocrates et républicains jouent à se faire peur

    Les Américains ont trouvé leur stratège : Ben Ainslie, l’Anglais qui a permis à Oracle Team USA de revenir d’une situation quasi-désespérée (1-8 face aux Néo-Zélandais) et de conserver la Coupe de l’America sur le territoire.

    Les Républicains cherchent toujours le leur. Le défi n’est pas nouveau pourtant : retarder, voire compromettre, la mise en place de l'Obamacare.

    L’affrontement a lieu sur le terrain budgétaire. Incapable de se mettre d’accord depuis plusieurs années, les membres du Congrès (Chambre des représentants et Sénat) ne votent plus de budget mais des "résolutions de continuité" (continuing resolutions / appropriations ou stop gap). Elles permettent d’habitude d’assurer le financement des agences et programmes fédéraux dans l’attente d’un accord ou d’un vote définitif. Cette mesure temporaire est non seulement devenue la norme (douze résolutions votées depuis 2011), mais aussi l’instrument du jeu politique.

    Dans l’espoir de contraindre Barack Obama et les démocrates, les républicains ont réussi, mi-septembre, à faire adopter par la Chambre une loi assurant le financement du gouvernement fédéral, à la condition qu’aucune ressource ne soit allouée au Patient protection affordable care act (un volet sur de possibles ventilations prioritaires des dépenses a aussi été adopté, mais je ne m’y attarde pas).

    La loi a ensuite été présentée au Sénat, à majorité démocrate. Après une tentative de blocage (filibuster) sous la forme d’un discours d’une vingtaine d’heures du sénateur texan et ultra-républicain Ted Cruz, les 100 membres du Sénat ont entamé les négociations. L’idée de Reid, le chef de file des démocrates, est non seulement de retirer la clause de "définancement" (defunding) de l’Obamacare, mais aussi de réduire la durée de la résolution. L’objectif est double :

    i. Une fois amendée, la résolution de continuité passera devant le comité d’appropriation où les républicains devront accepter, amender ou rejeter le texte. En cas d’acceptation, le combat sera reporté sur les négociations sur le plafond de la dette. En cas de rejet, certaines administrations risquent de fermer (shutdown) dès la semaine prochaine faute de financement. Ce risque est minime pour au moins deux raisons.

    a. Beaucoup de républicains – y compris l’actuel leader de la Chambre, John Boehner - ont encore en tête le double épisode de shutdown (5 jours en novembre 1995 et 21 jours entre le 15 décembre de cette même année et le 6 janvier 1996). Le blocage a clairement desservi le chef des républicains de l’époque, Newt Gingrich, au profit de Bill Clinton, qui a été réélu en novembre.

    b. Point probablement plus important encore, l’Obamacare est pour l’essentiel financé par de nouvelles taxes et des coupes dans les dépenses du programme Medicare. Les conditions d’application de l’Obamacare – qui font l’objet de critiques féroces – ne seraient nullement affectées par une fermeture des administrations.

    Le rejet, par les républicains, de la loi amendée au Sénat se solderait donc par une double perte : crédibilité/popularité (déjà bien faible) et maintien de l’Obamacare en l’état.

    ii. En réduisant la durée de la résolution de continuité, Reid "forcerait" les républicains à renégocier au plus vite les réductions de dépenses (sur le budget de la défense en particulier, mais aussi sur les dépenses dites discrétionnaires) mises en place après l’application du "séquestre" en fin d’année dernière. Pour mémoire, le séquestre avait été adopté dans la douleur fin 2011 comme épilogue aux négociations sur le plafond de la dette.

    Le repli des dépenses est pour beaucoup responsable de l'atonie de l’économie américaine – un point souligné récemment par Ben Bernanke pour justifier le report du tapering (réduction des achats de titres par la Banque centrale).

    Mais ce n’est pas tout. Aux négociations sur le budget se greffent celles sur le rehaussement du plafond de la dette publique. Pour le secrétaire d’Etat au Trésor, Jack Lew, la date butoir est le 17 octobre. Au risque de fermeture des administrations s’ajoute donc un autre, plus grave, celui d'un défaut de paiement.

    Là aussi, les républicains jouent le chicken game. Ils exigent, en échange du rehaussement du plafond de la dette jusqu’à la fin 2014, un délai d’un an dans l’application de l'Obamacare, l’extension du pipeline Keystone XL qui doit relier la province d’Alberta au Canada à la ville de Houston au Texas, ainsi qu'un moratoire sur le contrôle des émissions de carbone… Seriously ?

    On pourrait se faire peur, une fois de plus. Réitérer les options et les implications comme ce fut le cas en 2011. On peut aussi tabler sur un énième accord de dernière minute, répéter que ce plafond est anachronique.

    On doit surtout souligner que à la différence de 2011, Obama est prêt à lever le plafond de manière unilatérale, quitte à devoir en gérer les conséquences légales. Le 14ème amendement de la Constitution stipule en effet que la validité de la dette publique des Etats-Unis autorisée par la loi, y compris les dettes contractées pour le paiement des pensions et des primes liées au service de la répression d'insurrections ou de rébellions, ne peut être contestée, ce qui pourrait légitimer une action exceptionnelle de la part d’Obama.

    Evariste Lefeuvre, Chief economist Amériques, Natixis New York, auteur de La Renaissance américaine, Editions Léo Scheer.


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