« Nous existons, nous exigeons des droits » : des milliers de personnes ont bravé la pluie, samedi 28 juin à Paris, pour prendre part à une Gay Pride aux accents très revendicatifs, notamment à propos de la famille et des discriminations liées à l'orientation sexuelle. Près de 100 000 personnes ont battu le pavé au rythme des sonos, selon les organisateurs. La préfecture de police n'a pas voulu donnerd'estimations sur cet « événement festif ».
Au milieu des perruques colorées et des costumes excentriques, l'édition 2014 de la marche des fiertés lesbiennes, gays, bi et trans (LGBT) a été très politique. Les participants ont notamment regretté le recul du gouvernement sur les ABCD de l'égalité, expérimentation destinée à lutter contre les stéréotypes sexués à l'école, qui est devenue la cible de mouvements d'extrême droite, de musulmans rigoristes et de catholiques traditionalistes. « Il y a de la colère ou de la déception, selon les tempéraments », résumait Sylvie, 40 ans, de passage avec sa compagne et leur fils d'un an et demi endormi dans une poussette.
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Comme elle, les marcheurs déploraient aussi que le gouvernement n'ait pas ouvert la procréation médicalement assistée (PMA) aux lesbiennes, ni avancé sur le statut des beaux-parents. Un an après l'ouverture du mariage aux couples homosexuels, Pascal, 50 ans, est désabusé : « L'an dernier, on a fait la fête, j'ai pu me marier en septembre. Mais cette année, on a l'impression que le gouvernement est figé. Je ne voudrais pas que tous les quinze ans, on ait une avancée et qu'il faille attendre quinze ans de plus pour la suivante. »
« RIEN OBTENU QUI SÉCURISE NOTRE VIE DE FAMILLE »
Sur l'un des chars, décoré d'outils, de pinceaux et de taches de peinture, une formule résumait le sentiment général : « Egalité : le chantier a été bâclé ». Un autre affichait en grosses lettres : « Gouines en colère ». « On est en colère parce qu'avec le mariage pour tous, on nous avait dit que ça nous permettrait d'adopterles enfants de notre partenaire. Mais en fait, on n'a rien obtenu qui sécurise notre vie de famille », expliquait Aurélia, jeune brune de 35 ans.
Des décisions de justice récentes ont refusé à des lesbiennes l'adoption de l'enfant de leur conjointe né par PMA à l'étranger. Des refus condamnés cette semaine par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH).
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Parmi les revendications mises en avant par la Gay Pride figure une nouvelle loi sur la famille. « Il faut que, comme les hétéros, nous puissions déclarer nos enfants en mairie, il faut ouvrir la PMA à toutes les femmes, il faut des ouvertures en matière de filiation en dehors du mariage », a dit Marjorie Monni, porte-parole chargée des questions familiales à l'inter-LGBT.
« LES ENGAGEMENTS SONT TENUS A MINIMA, ET ENCORE »
Un autre thème d'importance a été la lutte contre l'homophobie. D'après l'inter-LGBT, la parole homophobe s'est libérée lors des grandes manifestations d'opposants au mariage homosexuel et aurait entraîné une hausse des menaces et des actes homophobes. La chanteuse britannique Tara McDonald, marraine de l'événement, s'est dite « choquée » par ces manifestations. « Cela montre qu'il reste du travail à faire, selon elle. Il faut faire évoluer les mentalités et éduquer les gens. »
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Sans quoi les conséquences peuvent être lourdes. « Il y a deux jours encore, un jeune s'est jeté d'un pont parce que sa famille le rejetait, racontait Nicolas Rividi, porte-parole de l'inter-LGBT sur les discriminations. Là encore, le compte n'y est pas du côté du gouvernement. Les engagements sont tenus a minima, et encore. »
Face à ces critiques, le Parti socialiste s'est fait discret. Seul poids lourd du PS, la maire de Paris, Anne Hidalgo, a défilé avec quelques-uns de ses adjoints. Une poignée de jeunes socialistes ont déployé des banderoles roses, sans char ni trompette.