• Trafic d'ivoire: les mafias africaines et asiatiques à l'œuvre

    Par Martin Mateso@GeopolisFTV | Publié le 04/02/2015 à 14H57

    Entrepôt défenses éléphants
    Un entrepôt de défenses d'éléphants saisies par les gardes du parc national du Zimbabwe. © Photo Reuters

    100.000: c'est le nombre d'éléphants d'Afrique tués par des braconniers entre 2010 et 2013. Certains pays européens comme la France durcissent leur législation pour limiter les dégâts. Pour les associations écologistes, il faut déclarer «la guerre aux cerveaux des réseaux mafieux» qui s'approvisionnent dans les réserves d'Afrique centrale et orientale pour sauver les rescapés du carnage.

    C'est une victoire pour les ONG qui réclamaient le durcissement de la législation française sur le trafic de l’Ivoire. Désormais, la délivrance des certificats autorisant la commercialisation d’ivoire brut depuis et vers la France est suspendue, en dehors de l’Union européenne. «Aucune dérogation à l’interdiction de vente ne devra être accordée si le moindre doute subsiste quant à l’ancienneté de la présence de cet ivoire sur le territoire européen», précise un courrier de Ségolène Royal, la ministre française de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie, citée par l'AFP. Cette mesure concerne les défenses d’éléphants qui n’ont pas le statut d’antiquités (datant d’avant 1947), ou des morceaux d’ivoire non travaillés.

    Une décision saluée par les organisations qui luttent contre ces trafics
    En 2013, la France a délivré des permis d’exportation pour 116 défenses d'éléphants d’Afrique. En 2014, plus de trois tonnes d’ivoire brut ont été vendues aux enchères. Selon Charlotte Nithart, porte-parole de Robins des Bois, une ONG en pointe dans le suivi du commerce illégal d’espèces, «sous couvert de l’ivoire légal, des filières écoulent la marchandise en Asie, en toute illégalité. Il y a des contrefaçons de certificats d’une part et d’autre part de vrais certificats qui sont détournés et utilisés pour des ivoires récents».

    Les associations écologistes souhaitent «voir un jour tout commerce de l’ivoire banni en France». Elles soulignent «la contradiction apparente entre des ventes aux enchères massives et des opérations de destruction spectaculaire d’ivoire».
     

    Cornes éléphants saisies en France

    Paris, le 6 février 2014. Des douaniers français s'apprêtent à détruire trois tonnes de défenses d'éléphants saisies. © Photo Reuters


    Mafias africaines et asiatiques main dans la main
    Pour Stéphane Ringuet, expert auprès de WWF, le fonds mondial pour la nature, «l’action pour espérer sauver les éléphants d’Afrique passe avant tout par la lutte contre le braconnage sur le continent africain». Une tâche extrêmement difficile. Selon les experts, le trafic est en fait contrôlé de bout en bout par des réseaux internationaux de crime organisé. Mafias africaines et asiatiques travaillent main dans la main, pour contrôler l’ensemble de la chaîne.

    Des responsables de gangs asiatiques s’installent et travaillent sur place en Afrique et développent des activités illicites au sein d’entreprises d’import-export parfaitement légales. «Ils ne se salissent jamais vraiment les mains. Ils paient d’autres personnes pour faire le travail», note Mary Price dans une enquête réalisée en Tanzanie pour une agence d’investigation environnementale basée à Londres et reprise par le magazine Sciences et Avenir. «Les gens qui se font arrêter sont généralement des petits poissons, les braconniers et les intermédiaires qui sont souvent payés des misères pour massacrer les éléphants: 100 dollars le kilo d'ivoire revendu en bout de course 2100 dollars.»



    Parc national Zimbabwé

    Le 28 octobre 2013. Une dépouille d'un éléphant empoisonné dans le parc national de Hwange au Zimbabwe. © REUTERS/Philimon Bulawayo (ZIMBABWE


    Mary Price a enquêté sur quelques cerveaux chinois de réseaux présumés : «Quand les choses tournent mal, ils peuvent compter sur des complicités parmi les gardes forestiers, la police, les douanes, ou même au sein du système judiciaire et de la classe politique.»
     
    Arrestation d'un gros poisson au Kenya 
    Pour une fois, les choses semblent évoluer en Afrique de l’Est. En juin 2014, la police kenyane a saisi 228 défenses d’éléphants et 74 pièces d’ivoire. Les policiers ont refusé un pot-de-vin de 46.000 euros et procédé à deux arrestations. Le cerveau présumé du trafic, un certain Feisal Mohamed Ali, 46 ans, a réussi à prendre la fuite avant d’être arrêté en Tanzanie voisine et renvoyé au Kenya.

    L'homme a été inculpé d’infraction à la législation sur le commerce des dépouilles issues de la faune sauvage et pour possession illégale de pièces d’ivoire. Des crimes passibles de la prison à vie lorsqu’ils concernent des espèces protégées comme les éléphants. Les défenseurs de l’environnement espèrent que son procès permettra enfin d’exposer au grand jour les ramifications du trafic d’ivoire, depuis la source dans les réserves africaines, jusqu’aux marchés asiatiques.


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  • Massacre d’éléphants en Afrique :

    le rôle crucial de la Chine

    Par Martin Mateso avec AFP@GeopolisFTV | Publié le 05/12/2015 à 10H01, mis à jour le 05/12/2015 à 10H07

    Parc Serengeti en Tanzanie
    Le parc national de Serengeti en Tanzanie, l'un des sanctuaires des élephants sauvages en Afrique. © Photo AFP

    La Chine consomme les trois-quarts de l’ivoire provenant illégalement d’Afrique. Un trafic très juteux dénoncé par les défenseurs des animaux à l’occasion du Forum de coopération Chine-Afrique de Johannesburg. Ils exhortent Pékin à porter un coup d’arrêt à la demande de «l’or blanc» pour éviter l’extinction des éléphants africains.


    Regardez les efforts que la Chine déploie «pour sauver ses pandas géants», lance Philip Muruthi de l’ONG African Wildlife Foundation. «Nous plaidons auprès de gens qui savent de quoi on parle!», confie-t-il à l’AFP.
     
    Pour lui, la Chine et l’Afrique détiennent les clés de l’avenir des éléphants sauvages d’Afrique. Ils ne sont plus que 470.000 en liberté contre 20 millions au début du XXe siècle. «Si la Chine n’est pas en pointe pour porter un coup d’arrêt à la demande d’ivoire, les éléphants d’Afrique pourraient disparaître d’ici à une génération», met en garde Douglas-Hamilton, fondateur de Save the Elephants.
     
    Entre 20.000 et 40.000 éléphants sont tués chaque année en Afrique pour alimenter le marché de «l’or blanc» très prisé par les Chinois. Dans leur culture, les sculptures en ivoire témoignent de la richesse de leur propriétaire.
     

    Le président chinois visite sanctuaire faune à Harare

    Le président chinois, Xi Jinping, visite un sanctuaire de la faune sauvage à Harare (Zimbabwe), le 2 décembre 2015. Il promet d'aider l'Afrique à protéger sa faune. © Photo AFP/Philimon Bulawayo


    Le prix de l’ivoire brut a triplé en trois ans en Chine
    L’explosion récente d’une classe moyenne en Chine a créé un appel d’air. Selon l’ONG Save the Elephants, le prix de l’ivoire brut en Chine a triplé entre 2010 et 2013, pour atteindre 2.100 dollars le kilo. De quoi susciter l’inquiétude de l’organisation WWF qui estime que le temps est venu de «sécuriser l’avenir écologique de l’Afrique».
     
    Selon les spécialistes, la solution consiste à interdire tout commerce d’Ivoire en Chine. Ils rappellent qu’en 1993, la Chine avait évité l’extermination des tigres en interdisant le commerce des os de tigres à qui les Chinois prêtent des vertus médicinales. La demande avait considérablement chuté.
     
    Devant les dirigeants africains réunis au Forum Chine-Afrique à Johannesburg le 4 décembre 2015, le président chinois, Xi Jinping, a annoncé le financement par Pékin de divers projets de protection de la faune sur le continent. En septembre 2015, il s’était déjà engagé «à prendre des mesures significatives pour mettre fin au commerce national d’ivoire».
     
    Le directeur de la branche chinoise de l’ONG International Traffic, Fei Zhou, salue un engagement historique qui maintenant doit être appliqué par l’arrêt des activités de 30 sociétés et 134 magasins qui vendent légalement de l’ivoire en Chine.
     

     

    Sculptures en ivoire à Hong Kong

    Sculptures en ivoire exposées à Hong Kong le 23 octobre 2015. C'est l'un des plus grands centres de commercialisation de l'ivoire de contrebande en Chine. © Photo Reuters/Bobby Yip


    La cohabitation du commerce légal et illégal de l’ivoire
    Les experts rappellent que la Chine avait été autorisée en 2008 à importer 62 tonnes d’ivoire d’Afrique pour assécher le marché noir. Les conséquences de cette décision avaient été catastrophiques. La plupart des vendeurs chinois, censés avoir un certificat d’authentification, ignorent la réglementation. Résultat :
    le commerce légal sert de couverture au commerce illégal.
     
    Pourtant, la Chine dispose d’une des législations les plus strictes en la matière. Elle prévoit pour les trafiquants d’ivoire une peine moyenne de 15 ans de prison.
     
    Pour les ONG, la survie des éléphants passe aussi par la sensibilisation des centaines de milliers de Chinois qui travaillent en Afrique et dont certains contribuent à alimenter ce trafic juteux.


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