ruxelles veut mieux contrôler l’homologation des voitures neuves
LE MONDE ECONOMIE | <time datetime="2016-01-27T06:48:30+01:00" itemprop="datePublished">27.01.2016 à 06h48</time> • Mis à jour le <time datetime="2016-01-27T13:56:07+01:00" itemprop="dateModified">27.01.2016 à 13h56</time> | Par Cécile Ducourtieux
(Bruxelles, bureau européen) lien
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Quatre mois après le début de l’affaire Volkswagen, la Commission européenne a rendu publique, mercredi 27 janvier, une série de dispositions destinées à montrer que l’institution agit, et dans le bon sens. Ce scandale, au-delà des tricheries d’une icône de l’industrie allemande, a révélé d’énormes lacunes dans le contrôle des émissions polluantes des véhicules, mais aussi un flagrant « laisser-faire » de Bruxelles.
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La Commission propose la révision substantielle d’une directive de 2007 sur « la réception des véhicules à moteur » consistant à la doter, elle, de pouvoirs de contrôles et de sanctions à l’encontre des agences nationales d’homologation des voitures neuves. Pouvoirs dont elle est pour l’instant dépourvue : les feux verts de mise sur le marché des véhicules sont délivrés par les agences nationales des pays membres.
La seule compétence de l’institution communautaire, pour l’heure, consiste à établir les protocoles des tests d’émission de gaz polluants (les oxydes d’azote – NOx –, principaux composants du diesel) ; et à proposer les plafonds d’émission tolérés lors de ces tests.
Ne pas légiférer à tout bout de champ
Avec cette directive amendée, la Commission européenne veut pouvoir procéder à des contrôles a posteriori sur des véhicules déjà en circulation. Elle pourra aussi imposer des amendes – jusqu’à 30 000 euros par véhicule – à l’encontre des services techniques (auxquels sont délégués les tests) ou des constructeurs.
Pas question, cependant, pour mettre en œuvre ces nouvelles compétences, de créer une agence supranationale. Ce n’est pas du tout dans l’air du temps alors que la Commission tente, sous l’impulsion de son président, Jean-Claude Juncker, de ne plus légiférer à tout bout de champ. « Nous disposons de centaines d’experts dans la direction générale travaillant à mes côtés, c’est suffisant », assure la commissaire à l’industrie, la Polonaise Elżbieta Bienkowska, qui porte ce projet de directive révisée.
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Mme Bienkowska propose aussi de mettre fin au conflit d’intérêts potentiel existant, dans la plupart des pays membres, entre les constructeurs et les services techniques où les tests sont effectués, puisque les premiers financent directement les seconds pour leur tâche.
« La protection des clients européens est bien moins élevée que celle des Américains »
Enfin, la Commission veut se doter des moyens de procéder à des rappels, au niveau européen, de véhicules jugés défectueux. Des mesures d’ampleur, aujourd’hui impossibles. A cet égard, « nous avons constaté que la protection des clients européens est bien moins élevée que celle des Américains. Il faudra un jour y remédier », estime Mme Bienkowska. La commissaire espère par ailleurs faire aboutir les négociations avec l’état-major de Volkswagen, afin d’obtenir du constructeur allemand une compensation financière pour ses clients européens. Les premières réunions, en octobre 2015, ont été glaciales, Volkswagen refusant en bloc. Mais la discussion a progressé, assure-t-on à la Commission, même si, pour l’instant, aucun montant n’aurait été mis sur la table.
Mme Bienkowska espère une mise en œuvre de cette réglementation d’ici à la fin 2016. Un agenda ambitieux, sachant que le texte doit obtenir le feu vert du Parlement européen et du Conseil (les Etats membres). Côté eurodéputés, les Verts sont plutôt satisfaits. « Cela va dans le bon sens, même si on pense qu’il faut créer une agence européenne d’homologation », estime la Française Karima Delli.
Des Etats membres récalcitrants
Mme Delli est, avec des collègues, à l’origine de la commission d’enquête sur Volkswagen, approuvée par le Parlement de Strasbourg, dont les travaux commencent lundi 1er février. Son but étant d’établir les responsabilités (des constructeurs, des Etats, de Bruxelles), elle devrait maintenir la pression sur la Commission pendant de longs mois.
Quid des pays membres ? Accepteront-ils de valider un texte accordant autant de pouvoirs à la Commission européenne, alors que, jusqu’à présent, ils ont si souvent donné raison à leurs lobbies automobiles ? Ils ont ainsi décidé le 28 octobre, en plein scandale Volkswagen, et alors que la réglementation européenne limite les émissions de NOx à 80 mg/km, que pour les nouveaux tests censés corriger les abus, ces plafonds pourraient être dépassés jusqu’à un facteur maximal de 2,1 jusqu’en 2019, puis de 1,5 à partir de 2020…
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Les Verts du Parlement européen espèrent que cette décision sera cassée en plénière à Strasbourg, début février. La Commission estime que c’est vain : les Etats membres n’iront pas plus loin que le compromis d’octobre, assure Mme Bienkowska. De fait, l’échange de courriers auxquels a eu accès Le Monde montre à quel point certains d’entre eux n’ont pas l’intention de céder. Ainsi, le 26 novembre, Gianni Pittella, président du groupe des sociaux-démocrates au Parlement européen, demandait à la ministre de l’environnement du Danemark, la libérale Eva Kjer Hansen, de mettre à l’agenda d’un conseil des ministres de l’environnement cette décision datant du 28 octobre, « dans le but de la modifier substantiellement ». Elle lui a répondu, dans un courrier du 21 janvier : « Même si je partage avec vous l’envie d’une réglementation plus restrictive, je vous prie de ne pas utiliser votre veto [lors du vote au Parlement]. Cela ne ferait que retarder l’introduction des nouveaux tests d’émissions [censés mieux lutter contre la triche] »…