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Schengen : Bruxelles lance la procédure pour isoler la Grèce
Schengen : Bruxelles lance la procédure
pour isoler la Grèce
Le Monde.fr | <time datetime="2016-01-27T18:04:54+01:00" itemprop="datePublished">27.01.2016 à 18h04</time> • Mis à jour le <time datetime="2016-01-27T20:12:29+01:00" itemprop="dateModified">27.01.2016 à 20h12</time> | Par Cécile Ducourtieux (Bruxelles, bureau européen) lien
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La Commission européenne a lancé, de fait, mercredi 27 janvier, une procédure complexe et inédite qui, si elle est menée à son terme, pourrait aboutir à prolonger de deux ans le retour des contrôles de certaines frontières intérieures de Schengen. Et donc, à isoler encore un peu plus la Grèce, qui se trouve à la périphérie de cet espace sans passeports, considéré comme l’un des principaux acquis de l’Union européenne (UE). « La Grèce a sérieusement négligé ses obligations », a déclaré le commissaire européen Valdis Dombrovskis, en ajoutant : « Il y a de graves déficiences aux frontières extérieures qui doivent être surmontées. » C’est par sa frontière maritime très difficile à sécuriser avec la Turquie qu’ont abordé plus d’un million de migrants en 2015. Quelles sont les étapes de cette procédure ?
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Première étape : l’évaluation « Schengen »
La Commission européenne a endossé, mercredi, un projet d’« évaluation Schengen ». Des équipes Frontex (gardes-côtes et gardes-frontières européens) ont mené une évaluation à la frontière terrestre entre la Grèce et la Turquie, et sur les îles de Chios et de Samos, entre le 10 et le 13 novembre 2015. Cette nouvelle évaluation n’a pas été rendue publique, mais a été soumise au collège des commissaires, mercredi 27 janvier.
L’évaluation a constaté que « les migrants en situation irrégulière ne sont pas identifiés et enregistrés efficacement, que leurs empreintes digitales ne sont pas systématiquement saisies par le système et que la vérification de l’authenticité des documents de voyage et leur vérification par rapport à des bases de données de sécurité essentielles (…) ne sont pas systématiques ». L’évaluation a conclu que « la Grèce néglige gravement ses obligations et qu’il existe des manquements graves dans l’exécution des contrôles aux frontières extérieures que les autorités grecques doivent surmonter et résoudre ». « Depuis ce constat, les moyens ont été renforcés dans plusieurs îles grecques. C’est un rapport qui date de novembre. Depuis, un travail très important a été fait », a expliqué à l’AFP le ministre grec à la politique migratoire, Yannis Mouzalas.
Le Conseil européen – c’est-à-dire les Etats membres – va devoir valider cette évaluation. Cela pourrait intervenir dans les jours qui viennent, tout début février, selon nos informations, lors d’une simple réunion des « représentants permanents » des pays membres, à Bruxelles.
- Deuxième étape : Athènes a trois mois pour « remédier » au problème
Si le Conseil valide les « négligences graves » aux obligations de la Grèce vis-à-vis de ses frontières extérieures, alors, en vertu de l’article 19a du « code frontières Schengen », la Commission rédige une « recommandation », que le Conseil devra aussi adopter, « quant aux mesures correctives destinées à remédier à tout manquement constaté lors de l’évaluation ». Déploiements supplémentaires de gardes frontières européens, « plan d’action » avec les moyens matériels et humains propres de la Grèce, etc.
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Cette recommandation, qui doit aussi être validée, à la majorité qualifiée, par une émanation du Conseil, devrait intervenir, rapidement, avant la mi-février. A partir de là, il est donné au maximum trois mois à la Grèce pour, selon la Commission européenne, « exécuter les mesures correctives ».
- Troisième étape : si les manquements graves persistent, Bruxelles peut décider d’autoriser la prolongation de deux ans des contrôles aux frontières intérieures
Si, au bout de ces trois mois, la Commission constate que « de graves manquements subsistent, et si les mesures prises s’avèrent insuffisantes pour y remédier correctement », elle peut déclencher l’application de la procédure prévue à l’article 26 du « code frontières Schengen ». Elle peut, dans une recommandation, permettre l’introduction de contrôles, au plus deux années durant, pour certaines frontières intérieures qui doivent être spécifiées. Cette recommandation est, de nouveau, soumise au Conseil, qui doit statuer à la majorité qualifiée.
Le but de la manœuvre ? Permettre que le 12 mai, l’Allemagne puisse prolonger les contrôles aux frontières avec l’Autriche, si les flux de migrants provenant de Grèce demeurent très élevés. Ces contrôles ont été réintroduits en septembre 2015, mais ils devraient être levés, en vertu du code frontières Schengen, au bout de huit mois maximum, sans activation de la procédure « article 26 ». Il s’agit d’éviter que, par la force des choses, Berlin se retrouve en infraction avec le code Schengen. Ce qui reviendrait, de la part de nombre de spécialistes bruxellois, à une « petite mort » des accords Schengen.
La conséquence pour la Grèce ? La procédure d’activation de l’article 26 « pourrait être lourde, explique Yves Pascouau, spécialiste des migrations au sein du cercle de réflexion European Policy Centre. Les contrôles aux frontières aéroportuaires avec d’autres Etats membres seraient maintenus pendant une longue période (deux ans au maximum), ce qui pourrait avoir des effets négatifs sur l’activité touristique ».
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