En campagne pour les élections régionales, fin 2015, Marine Le Pen avait promis un «maximum de barouf» si son parti l’emportait en Nord-Pas-de-Calais-Picardie. Le Front national a finalement été surclassé par le candidat Les Républicains (LR), Xavier Bertrand, et Marine Le Pen, en meeting à Milan, n’était pas présente jeudi dans l’hémicycle régional. Pas de quoi empêcher ses troupes de se distinguer par leur virulence lors des sessions des conseils régionaux, en particulier en cette fin de semaine.

Selon le Monde, des suites judiciaires pourraient être données aux propos tenus jeudi par l’élu FN Jacques Danzin : «Vous nous prenez pour des niakoués ?» a lancé celui-ci à l’adresse de l’exécutif régional. Une interpellation aussitôt consignée sur Twitter par le vice-président LR, Gérald Darmanin : «Infâme et insupportable. Le parti extrémiste n’a pas changé.»

 

«Cordon sanitaire». La saillie avait été précédée par un discours musclé de Philippe Eymery, président du groupe frontiste, pour réclamer «le démantèlement des camps de migrants de Calais et Grande-Synthe et l’expulsion systématique de toute personne présente illégalement» sur le territoire. «Vous êtes coresponsables de cette situation. […] Un jour, l’histoire vous jugera», a-t-il lancé à l’adresse de Xavier Bertrand, ajoutant : «François Hollande vous a mis là où vous êtes aujourd’hui. […] Il tient la corde dont vous êtes le pendu.»

S’il n’a remporté aucune région, le FN compte désormais 358 représentants régionaux. Un nombre inédit pour lui et supérieur à celui des élus socialistes. En Nord-Pas-de-Calais-Picardie et Paca, le Front national représente même la seule opposition, après le retrait du PS entre les deux tours du scrutin. Le parti d’extrême droite reste toutefois condamné à l’impuissance, puisqu’il n’est nulle part associé aux majorités régionales et que ces dernières le tiennent à l’écart des postes de représentation. A quelques exceptions près, comme en Bourgogne-Franche-Comté : sous la menace d’une action judiciaire frontiste, la majorité de gauche y a accepté la présence de représentants FN dans les conseils d’administration des lycées. En Ile-de-France en revanche, le «cordon sanitaire» se manifeste de la manière la plus concrète : des sièges vides séparent les 22 élus FN de leurs homologues LR.

Drapeau. En Paca, enfin, c’est le Front national qui a refusé de participer à la «conférence régionale» créée par le président de région LR Christian Estrosi. Cette nouvelle instance était censée regrouper des membres de la société civile et des représentants des partis présents au premier tour des régionales - donnant ainsi une tribune à la gauche, absente du conseil régional. Une idée qualifiée de «mascarade» par Marion Maréchal-Le Pen, qui a critiqué «un doublon coûteux et inutile».

Dans ce contexte, les groupes frontistes ne peuvent guère revendiquer qu’un rôle de «vigie» vis-à-vis des majorités de gauche ou de droite. Rôle ingrat qui les condamne à de réguliers coups d’éclat pour affirmer leur différence et faire parler d’eux. En Nord-Pas-de-Calais-Picardie, outre ses éclats verbaux, le groupe FN a sollicité toutes les ressources du règlement intérieur pour obtenir de nombreuses suspensions de séance.En Bretagne, il a réclamé que le drapeau tricolore retrouve sa juste place : entre celui de la région et le traditionnel «Gwenn ha Du» blanc et noir, et non à côté de ceux-ci. En Alsace-Lorraine-Champagne-Ardenne, enfin, c’est au nom du bon sens budgétaire que les frontistes ont bruyamment refusé les iPhone proposés par la région à ses élus. Tout en conservant les tablettes de la même marque.

Dominique Albertini